Face au tollé suscité par les acquittements et les faibles peines
prononcés dans le procès des viols collectifs de Fontenay-sous-Bois, le
ministère public a fait appel. Un nouveau procès se tiendra. Mais les
victimes n’ont-elles pas déjà compris le message : inutile de porter
plainte…
samedi 13 octobre 2012
Permis de violer ?
Elle se souvient du procès, quatre ans après le viol. Elle se
souvient qu’elle voulait être forte, imperturbable le jour de la
comparution, pour ne pas donner à son agresseur le plaisir de voir qu’il
l’avait détruite. Elle se souvient qu’elle était forte, justement. Et
du coup, l’avocat de la défense a pu relever à haute voix qu’il avait vu
des victimes autrement plus brisées qu’elle. Elle se souvient que le
violeur a été acquitté. Le viol est le seul crime au monde dont la
victime doit prouver qu’elle ne voulait pas le subir. Quand on se fait
cambrioler, on n’a pas à se justifier qu’on tenait à ses biens… Sarah
racontait son histoire dans un dossier que Marianne consacrait au viol en France, en mars 2011.
Dix-huit mois plus tard. Nina et Aurélie, deux jeunes femmes
fracassées victimes de viols collectifs dans les cités de
Fontenay-sous-Bois, n’ont pas réussi à convaincre la cour d’assises du
Val-de-Marne qu’elles ne voulaient pas. Le procès des « tournantes » –
les médias préfèrent ce vocable de film porno pour ne pas affronter
l’insoutenable réalité du viol collectif – s’est soldé par dix
acquittements et quatre condamnations de trois ans avec sursis à un an
ferme, treize ans après les faits. Impensable verdict. Scandaleux
verdict. Nauséeux verdict. De deux choses l’une : soit la justice
considère que le doute profite aux accusés – et elle les acquitte tous.
Soit elle considère que les faits sont établis – et elle s’approche des
réquisitions de l’avocate générale : cinq à sept ans de prison pour 8
accusés.
Les jeunes femmes étaient absentes au
moment du verdict, Nina avait quitté la salle d’audiences en pleurs,
Aurélie était toujours hospitalisée après une tentative de suicide
pendant le procès. Elles ont attendu six ans pour porter plainte, par
peur des représailles, et l’instruction a duré cinq ans… C’est long,
treize ans. C’est destructeur, un viol. Alors oui, la parole des
victimes est parfois hésitante ; oui, l’esprit est souvent en état de
sidération après le traumatisme ; oui, on peut se contredire sur les
dates, l’enchaînement des faits. Oui, les plaignantes sont parfois « fuyantes pendant les débats », comme le leur a reproché l’un des avocats de la défense.
« Après le verdict de Créteil, nous exigeons une réponse politique ! », tonne le collectif Féministes en mouvement dans une lettre ouverte au président François Hollande. «
Ce verdict est catastrophique. Il semble dire aux victimes : porter
plainte ne sert à rien, et aux violeurs : vous ne serez pas condamnés ou
si peu ! » Les associations réclament un grand débat national sur la question dans les mois qui viennent.
Environ 75000 femmes sont violées chaque année en France. Une toutes les sept minutes. La plupart se taisent.
Deux pour cent des viols sont condamnés aux assises – contre 50 % des
homicides. Dix pour cent des victimes seulement osent porter plainte. Y
a-t-il encore quelqu’un pour se demander pourquoi ?
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