France, le gros problème caché de l'Europe
Je viens de lire avec intérêt un
récent article
de John Mauldin. Il s'agit d'un gestionnaire de fonds. Il fait partie
des quelques-uns à avoir prévu l'actuelle récession dans laquelle nous
nous trouvons et fourni régulièrement des prévisions basées sur des
éléments de réflexion originaux.
Cette fois-ci, il utilise la métaphore des lions dans la savane, dont
certains sont bien plus habilement cachés que d'autres, pour faire un
parallèle intéressant sur les pays européens actuellement dans la
tourmente. Il note ainsi que si la Grèce et l'Espagne sont, en quelque
sorte, les lions visibles de la savane européenne, c'est bien la France
qui constitue son lion caché, avec tous les dangers que cela peut
constituer (on ne le voit pas venir, mais au moment où c'est le cas,
c'est généralement trop tard). Et vu la taille du lion (ou du problème
en l'occurrence) on peut commencer à s'inquiéter.
Voici une traduction des quelques passages les plus intéressants de l'article, fort instructif.
Tout le monde sait qu'il y a des lions qui parcourent
l'Europe. Lorsque j'ai commencé (avec un groupe grandissant d'autres
observateurs) à écrire sur la Grèce, on nous expliquait alors que les
pays développés ne pouvaient faire défaut. Et en fait, les régulateurs
bancaires européens ont permis (voire encouragé ?) aux banques d'acheter
les bons du trésor des pays périphériques et leur ont imposé de trouver
toutes les qualités requises à ces véhicules financiers. C'était "de
l'argent gratuit" pour ces banques. On peut payer quelques points de
pourcentage sur le dépôt et en obtenir un levier de plus de 40 fois,
faire du carry à hauteur de 3 à 4%, en fonction de ce que vous êtes prêt
à en tirer. Retour sur investissement 100% sûr. Qui n'en profiterait
pas ? Et c'était bien sûr, puisque le législateur le disait.
(...) Puis en 2011, on nous a expliqué que l'Espagne pourrait bien
avoir de gros problème et devrait "restructurer" sa dette. Comment cela
était-il possible ? À ce moment, on pouvait admettre qu'il fut possible
que la Grèce puisse avoir des problèmes, mais l'Espagne ? Enfin, voyons,
l'Espagne était un "pays réel" ! Et les "pays réels" ne font pas défaut
(et n'oubliez pas que la Grèce, quelques années plus tôt, était
considérée comme suffisamment réelle pour être admise dans l'eurozone).
L'Espagne était différente.
Je vous garantis avec certitude que le premier ministre espagnol
Rajoy va continuer à nous assurer à 100% que l'Espagne ne fera jamais
faillite. Jusqu'au moment où elle le fera. Tout comme il nous assurait
que les banques espagnoles allaient bien et n'auraient pas besoin d'aide
européenne, une semaine tout juste avant qu'elles ne crient au secours.
(...) On voit tous les lions que sont la Grèce, le Portugal,
l'Irlande, l'Espagne ou l'Italie et maintenant Chypre et Malte. La peur
d'une contagion est ce qui retient éveillés les leaders européens la
nuit, qui cherchent à savoir comment renflouer l'Espagne. Car si elle
coule, le prochain pays est l'Italie. Les problèmes de la Grèce,
l'Espagne et les autres ont été largement débattus ici et ailleurs.
Regardons plutôt un petit graphique et passons ; ce dernier montre que
le capital sort massivement de l'Espagne :
(...) Mais assez avec les lions qu'on voit bien. Car le
lion caché dans la brousse, c'est la France. Oui, cette France qui est
supposément un gros morceau de la solution pour la zone euro et le
partenaire-pilier de l'Allemagne avec laquelle ils peuvent garantir
toutes ces dettes. La France "AAA", notée de cette façon par les mêmes
agences qui décernèrent la même note aux déchets nucléaires des
subprimes et les transformèrent en or. À présent, les agences de
notation utilisent la même alchimie pour transformer la dette française
en or des fous.
(...) Tout d'abord, regardons le graphique suivant du FMI, qui
examine les perspectives sur la dette de six pays en particulier (...)
Les lignes en pointillés montrent la tendance que le ratio Dette/PIB
peut suivre ; les lignes supérieures sont celles lorsqu'aucune action
n'est prise par les gouvernements. Celles du milieu représentent la
trajectoire lorsque des ajustements modérés sont effectués, et les
lignes inférieures sont les trajectoires lorsque des mesures
draconiennes sont mises en place. Voyez-vous le lion caché en devinant
quel pays a une situation d'endettement très similaire à celle de la
France ?
Eh oui, le pays le plus proche de la France est la Grèce.
Oui, cette Grèce-là. Celle qui a fait faillite. Celle dont tout le
monde s'accorde à dire qu'elle ne marche plus. Notez aussi que si la
Grèce suivait le train de mesures draconiennes, elle pourrait stabiliser sa dette. Et que si
la France faisait la même quantité de coupes draconiennes, son ratio
Dette/PIB continuerait d'augmenter jusqu'à 200% dans les 25 ans. Oups...
Et quelle fut la réponse du nouveau gouvernement français ? Il a
décidé de remettre une couche à des mesures déjà totalement
irresponsables. Pensez-vous que l'Allemand moyen comprend à quel point
son partenaire français est mal en point ? D'ailleurs, pensez-vous que
les politiciens français comprennent à quel point la France est mal
barrée ? Certainement pas la majorité d'entre eux, et il est douteux que
leurs collègues allemands aussi. Cela va se terminer par une
catastrophe d'ampleur biblique. Pensez "12 plaies" et non pas les 10
plaies (comme en Égypte).
Hollande dispose, à l'évidence, d'un instinct politique très
sûr et sait comment utiliser le système politique. Malheureusement, il a
la culture économique que Dieu a fourni à une oie. Quelqu'un devrait
l'obliger à lire tous les essais de Bastiat. (Ce serait bien trop
demander à un politicien socialiste français de lire des économistes
anglais ou autrichiens qui comprenaient réellement comment les choses
fonctionnent.)
Regardons ce qu'Hollande a fait le premier mois : il a baissé l'âge
de la retraite à 60 ans là où Sarkozy avait eu tant de peine à le monter
à 62. Il a augmenté les taxes sur ceux qui gagnent plus d'un million
d'euros à 75%. Il est en train d'augmenter les taxes sur ceux qui ont
une valeur patrimoniale supérieure à 4 millions d'euro, au double de ce à
quoi ils pouvaient s'attendre. C'est la "contribution exceptionnelle
sur la fortune." Ne pensez-vous pas que quelques personnes pourraient
vouloir déménager en Espagne ? ou en Suisse ? Le capital va là où on
l'aime et où on en veut. Et ceux qui ont un peu de fortune ne peuvent
plus ressentir de l'amour s'ils sont encore en France.
Notez que cette "contribution exceptionnelle" est sur la valeur
patrimoniale nette, pas sur le revenu. Mais les politiciens promettent
que c'est temporaire. Cela diminuera lorsque la crise sera finie.
Excepté que la France s'apprête à rentrer en crise permanente.
Voyez-vous la direction que ça prend ? Voyez-vous la direction dans
laquelle les riches français s'en vont ? Vous pouvez prendre tout de
suite une réservation dans un bon bistrot français si vous vivez à
Londres...
Le ministre radical, nouvellement nommé au maroquin au nom Orwellien
de Redressement Productif, appelle chaque société qui a prévu de réduire
ses effectifs pour mitiger ses pertes, et leur explique qu'elles
doivent négocier avec les ouvriers pour trouver un moyen de continuer à
perdre de l'argent. Les syndicats sont dans la rue. Oh, et puis les
grosses compagnies devront payer plus de taxes. Et n'imaginez même pas
pouvoir déménager des "emplois français" en dehors des frontières.
Ils ont augmenté le salaire minimum. Pouvez-vous me trouver une étude
qui montrerait que c'est un moyen efficace pour créer de l'emploi ?
La liste continue ainsi... Cela va évidemment à l'encontre d'études
réalisées par le FMI (et plein d'autres) qui montrent que la France est
au bord d'un précipice fiscal avec tous ses acquis sociaux. Et les taxes
représentent déjà 50% du PIB ! Les déficits sont déjà élevés et en
augmentation, et accroître les taxes ne va pas augmenter leur collecte.
Demandez aux Anglais ce qu'ils ont pu retirer des augmentations d'impôts
sur les plus riches : les rentrées fiscales se sont effondrées. Une
augmentation de quelques pourcents, et certains de ces riches ont voté
avec les pieds. Demandez au Maryland.
(...) Ce ne sera pas cette année ni même en 2013 (je pense), mais dans quelques temps, nous écrirons sur la France de la même façon que nous écrivons actuellement sur la Grèce et l'Espagne.
Et les banques françaises sont massivement plus larges que le PIB
français (quelques-unes, quatre fois plus). La France ne pourra pas plus
arrêter ses banques que l'Espagne les siennes.
...
On peut, bien sûr, ne pas partager l'analyse macro-économique de
Mauldin. On peut, évidemment, ne pas trouver les études du FMI ou des
autres pertinentes et oublier les conclusions qu'elles permettent de
forger. Il semble cependant plus difficile d'écarter d'un revers de la
main les remarques de bon sens du même Mauldin lorsqu'il regarde, de son
œil d'étranger, les récentes actions entreprises par le gouvernement :
l'avalanche de décisions catastrophiques ne fait aucun doute.
Certes, le thuriféraire de l'action étatique et le supporter
intransigeant de la redistribution sociale qui fait des bisous ne peut
que trouver super qu'on aille piocher dans les poches des riches pour,
supposément, aider les pauvres. Mais tout ceci envoie un message clair à
ceux qui créent de la richesse, à ceux qui ont, in fine, les clefs de
la solution, c'est-à-dire ceux qui sont prêts à prendre des risques, à
créer des emplois : les entrepreneurs.
Et ce message est limpide :
si vous restez, ne prenez plus
aucun risque, arrêtez de créer de la richesse, elle vous sera retirée !
Et sinon, fuyez, car ce pays est foutu.
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