mardi 21 février 2012
Tragédie grecque
Le scénario catastrophe de la banqueroute et de la sortie de l'euro semblait une nouvelle fois pouvoir être évité, hier soir, à Athènes. La perfusion massive de 130 milliards d'euros d'aides communautaires et internationales, conjuguée à l'effacement d'au moins 100 milliards de dettes bancaires, conforte l'espoir d'une solide rémission du grand malade grec.
On voudrait même croire aux prémisses d'une guérison définitive. On en est, malheureusement, assez loin. La lucidité impose de regarder les faits sans faux-fuyant. La bonne volonté impuissante du Premier ministre Papademos et de ses alliés ne permet pas de voir le ciel se dégager pour une économie grecque en récession depuis quatre ans. Pour une population minée par un chômage de 40 % chez les jeunes, et par des salaires qui ont chuté de 30 % chez les fonctionnaires en deux ans.
Faut-il le rappeler ? La Grèce sort déjà d'un plan d'aide colossal de 110 milliards qui s'est soldé par un bilan plus que mitigé. L'État n'a pas su (pu) restaurer sa légitimité pour prélever l'impôt, amorcer les réformes cruciales exigées (refonte de l'administration, privatisations) et faire partager équitablement le fardeau de la cure d'austérité. Contrairement au Portugal et à l'Irlande qui ont su amorcer collectivement les efforts nécessaires et peuvent espérer s'en tirer, raisonnablement.
Faut-il le souligner ? Même si elle fonctionnait à 100 % - hypothèse d'école - l'aide proposée par les créanciers d'Athènes contre l'administration d'un traitement de choc serait somme toute insuffisante. Elle ne ferait passer le niveau d'endettement que de 160 % de la richesse produite (PIB) à 120 % ! On serait encore très loin du rétablissement.
Faut-il le remarquer ? L'acceptabilité sociale de l'austérité imposée au peuple grec - imaginez une baisse brutale des salaires de 20 % en France ! - touche ses limites. Et pour cause. Au terme de deux ans de purge, la Grèce n'a jamais été aussi cruellement inégalitaire, écartelée entre ses « riches », échappant à l'impôt ou impunément « planqués » à l'étranger, et ses classes populaires, fonctionnaires en tête, apparemment les seules taillables et corvéables.
En fait, la Grèce se trouve coincée dans une impasse tragique, entre deux choix impossibles. Le choix de la restructuration drastique qu'essaie d'impulser la communauté internationale sous l'égide de la très rigoriste Allemagne se heurte au mur de l'histoire et de la culture grecque, à ses comportements et à ses intérêts. En l'état, il s'avère irréaliste. L'alternative de la sortie de l'euro, portée par l'extrême droite comme l'extrême gauche, est encore moins réjouissante. Elle signerait le retour à une monnaie nationale dévaluée et à un appauvrissement généralisé. Elle casserait pour de bon une économie déjà chancelante. Les projections économiques d'un tel scénario ne laissent aucun doute. La production de richesse pourrait être amputée de moitié dans l'année de sortie de l'euro !
Accepter dans la douleur un plan au-dessus de ses forces ou prendre une échappatoire suicidaire, le dilemme paraît intenable. Alors ? Les Grecs essaient d'y échapper en prenant de plus en plus la tangente de l'économie grise, clandestine, non déclarée. C'est-à-dire en faisant exactement le contraire de ce que veulent ses tuteurs monétaires... et de ce qu'il faudrait faire pour réintégrer la classe européenne !
Paul Burel
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