mercredi 29 février 2012
Quand Hollande fait du Roosevelt
En proposant lundi soir d'imposer à 75% les plus hauts revenus, François Hollande a pris une "mesure rooseveltienne", ont estimé mardi plusieurs responsables socialistes. Une référence à Franklin D. Roosevelt et sa politique du New Deal pratiquée aux Etats-Unis dans les années 1930. Une comparaison pertinente? Eléments de réponse.
François Hollande a "voulu frapper fort." C'est ce qu'affirme mardi Jean-Marc Ayrault, le président des députés PS, à propos des déclarations du candidat socialiste, lundi soir sur TF1. Ce dernier a annoncé qu'il souhaitait, s'il est élu, imposer les revenus "au-dessus d'un million d'euros par an" à hauteur de 75%.
Pour le maire de Nantes, il s'agit d'une "mesure rooseveltienne". Allusion à la crise économique de 1929 et à la politique du New Deal menée ensuite par le président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt, élu en 1932. A l'époque, le démocrate avait également "frappé fort", à en croire Jean-Marc Ayrault, en demandant "un effort à tout son pays", ce que fait également, selon lui, le candidat socialiste aujourd'hui.
Lors de son arrivée au pouvoir, Roosevelt avait effectivement augmenté le taux d'imposition des revenus équivalents aujourd'hui à 770.000 euros. De 25%, il l'avait porté à 63% dès 1933 puis 79% en 1936 et 91% en 1941. "Quand il est arrivé au pouvoir, il a fait passer quinze grandes réformes en trois mois", explique l'économiste Pierre Larrouturou, qui s'est engagé au Parti socialiste puis à Europe Ecologie – Les Verts avant de quitter ce parti fin 2011. Il vient d'ailleurs de créer le collectif "Roosevelt 2012", qui propose quinze mesures inspirées de l'action de l'ancien président américain pour réformer la France.
"Il a rétabli la confiance dans le système bancaire. Bien sûr, certains ont été furieux qu'il augmente la fiscalité, mais il n'a provoqué aucune catastrophe. Ce qu'il a fait a donné 50 ans de stabilité aux Etats-Unis", affirme celui qui est également conseiller régional d'Ile-de-France au JDD.fr.Guillaume Duval, rédacteur en chef du magazine Alternatives économiques, rappelle que "le niveau des inégalités qui était très fort aux Etats-Unis avant 1929 a fortement baissé pendant trente ans". Pour lui, le New Deal de Roosevelt "n'a donc pas du tout freiné l'activité économique".
Un constat que réfute l'économiste libéral Jacques Garallo, professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. "Le succès de Roosevelt est une rumeur. Le pic du chômage a été atteint en 1938, bien après son élection", affirme-t-il, ajoutant que le New Deal a été "la porte ouverte a tous les débordements". "Quand on augmente les impôts, on augmente la dette puisque ceux qui veulent entreprendre refusent de travailler plus", explique-t-il.
Au contraire, pour Pierre Larrouturou, "le volontarisme" de Roosevelt et "l'idée de sa politique doivent inspirer" les gouvernements d'aujourd'hui. "Tout n'a pas marché. Si les Etats-Unis n'étaient pas entrés en guerre, le pays serait probablement retombé en récession économique. Il ne s'agit donc pas d'idéaliser sa politique, mais, au moins, il était libre par rapport aux lobbys", précise l'économiste.
Pour autant, la mesure prônée par François Hollande est encore loin de se rapprocher de la politique américaine des années 1930. Si l'ancien socialiste évoque "une décision nécessaire", elle reste avant tout "symbolique", au vu du peu de contribuables visés par cette annonce. "On peut aller plus loin et plus vite, mais c'est un premier pas."
Selon Jacques Garello, cette référence à la politique de Roosevelt n'est pas inédite : "Si François Hollande s'en inspire, soyons tout de même prudents. Pratiquement tous les candidats à l'Elysée, y compris le président actuel, sont plus ou moins keynésiens. Si on en est là aujourd'hui, c'est bien parce qu'on a creusé le déficit budgétaire depuis des décennies". Or, selon lui, il faudrait faire l'inverse, à savoir "diminuer la progressivité des impôts et réformer le modèle de la protection sociale". Ce qu'avait fait le gouvernement Reagan aux Etats-Unis à partir de 1980, mettant fin à l'héritage laissé par Franklin D. Roosevelt.
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