Les blocages politiques face aux créanciers internationaux et une situation économique de plus en plus dégradée pourrait contraindre la Grèce à faire défaut sur sa dette en mars. Longtemps tabou, l'idée fait son chemin chez les responsables européens.
"Proche" d'un accord
Le paradoxe convient parfaitement à la république hellénique. Depuis 2010, le gouvernement grec applique ses plans d'austérité sans jamais atteindre ses objectifs de réduction de déficit public, annonce un programme de privatisations qui reste largement en deçà, et, last but not least, des réformes qui restent lettre morte en large partie. En outre, depuis des semaines, le Premier ministre Lucas Papademos annonce être "proche" d'un accord avec ses créanciers privés, censé permettre d'effacer 100 milliards sur les quelque 350 milliards d'euros de la dette souveraine, mais sans conclure. S'il reste encore quelques jours, puisque ce plan d'échanges d'obligations "volontaire" est prévu le 13 février, il dépend aussi d'une entente entre Athènes et les institutions internationales et de l'acquiescement des partis politiques grecs.
Abaissement du salaire minimun de 25%
Or du côté des créanciers institutionnels ((Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)), les positions semblent figées. Ils souhaitent en effet que l'ensemble de la classe politique grecque approuve les mesures demandées visant à réduire le déficit public de 1,5 point : abaissement du salaire minimum de 25%, la suppression des 13e et 14e mois de salaires, la suppression rapide de 150.000 postes dans la fonction publique., ambitieuse réforme fiscale, et réforme de la justice.
Or, en face, l'union nationale n'est que de façade. La coalition regroupée autour de Lucas Papademos - un technocrate ex-patron de la Banque centrale grecque -, qui va de l'extrême droite, le parti Laos, aux socialistes du Pasok en passant par les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, n'est pas sur la même longueur d'onde quant à l'application de nouvelles mesures d'austérité visant à réduire de 1,5 point le déficit public. Derrière ces atermoiements, il y a l'enjeu des élections législatives d'avril sur fond de récession économique qui s'accentue avec un PIB qui devrait se contracter cette année autant qu'en 2011 (- 6,1%).
14,4 milliards d'euros à rembourser en mars
Mais il y a aussi une urgence pour Athènes, doublement importante : boucler un accord qui lui permettrait d'obtenir une deuxième aide de 130 milliards d'euros (certains experts l'évaluent désormais à 145 milliards d'euros, la situation des finances grecques se dégradant au fil des semaines.) mais aussi se voir verser une tranche vitale de la première aide pour faire face à des échéances de remboursement de 14,4 milliards d'euros avant le 20 mars, de 8,1 milliards d'euros en mai et 7,8 milliards d'euros en août.
En cas de blocage, l'ensemble des paradoxes grecs pourraient donc être résolu sous la forme d'un défaut du pays sur sa dette, comme vient de l'évoquer le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker. Ce dernier lève ainsi le tabou imposé par le couple franco-allemand pour éviter tout risque de contagion de la crise d'Athènes aux autres capitales de l'Europe du sud.
Un puits sans fond
Car jamais depuis le début de la crise grecque en octobre 2009, le défaut a été aussi tangible, tant les milliards d'euros prêtés à la Grèce - 110 milliards d'euros pour le premier plan - n'ont pas permis pour le moment un redressement de la situation du pays. "Du côté européen, il est clair que la Grèce est devenue un puits sans fond. Donner plus d'argent sans avoir un total contrôle du pays est un gaspillage d'argent", souligne Bruno Cavalier, économiste chez Oddo Securities.
Les autorités européennes sont donc en train d'acter un tel scénario, pariant sur un "défaut ordonné" de la Grèce, voire à sa sortie, temporaire, de la zone euro, mettant au compte des dirigeants grecs l'échec du redressement du pays. "Dans de nombreux pays de la zone, notamment en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, la sortie de la Grèce se justifie comme une "punition" pour avoir falsifié les données de finances publiques lui permettant de se qualifier à l'UEM et pour n'avoir pas, depuis lors, cherché à respecter les règles du jeu communautaire", estime Bruno Cavalier.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire