samedi 11 février 2012
La machine à remonter le temps
Faut-il désespérer de la politique ?
Posée de cette façon, abrupte, la question semble apporter de l’eau à la rivière antiparlementariste déjà grise de colères et gonflée de tant de frustrations. Faudrait-il donc la taire pour ne pas donner de la voix à l’extrême ? Que nous reste-t-il alors, pour adjurer les compétiteurs de la présidentielle d’adapter enfin leurs stratégies, leurs comportements et leurs mots à la France mutante dont ils semblent aujourd’hui presque étrangers à force d’y vivre en lisière.
Tout change autour d’eux, à une vitesse vertigineuse parfois. Tout s’écroule aussi, et le « nouveau monde » qu’ils célèbrent, pourtant, à longueur de discours accélère sa gestation au rythme de transformations visibles à l’œil nu. Mais chez ces agités immobiles, chevaliers du futur se contentant de caracoler dans leur pré carré, rien ne bouge. Ou si peu. Comme dans ces publicités où les héros restent insolemment indifférents au cataclysme qui se produit en arrière plan, cette campagne électorale parvient à rester miraculeusement hors du temps. Au point que les observateurs se lassent d’observer ce qu’ils vivent comme un jour sans fin.
Grâce à la machine à remonter le temps de l’homme de l’Élysée, nous sommes donc revenus cinq ans plus tôt. On dénonce le poison (supposé) de l’immigration par des ingrédients détournés, et le « cancer » de l’assistanat est montré du doigt sous une appellation plus aimable, mais en Wauquiez-collé. La gauche peine à définir les efforts à venir autrement qu’en termes impressionnistes. Marine Le Pen fait du Jean-Marie Le Pen, le cru Bayrou 2012 ressemble comme deux gouttes de Jurançon au cru 2007, quand la campagne d’Eva Joly, elle, ne ressemble à rien. Les acteurs (et actrices) sont très en retard sur leur public qui connaît l’histoire par cœur.
La France d’aujourd’hui vaut mieux, beaucoup mieux que le visage sinistré par les peurs qu’on lui inflige. Elle attend, parfois sans en avoir conscience, qu’on lui parle de l’essentiel et qu’on l’aide à le décrypter. Les nouveaux équilibres d’une société métissée, le bon dosage des libertés publiques, les contradictions de l’écologie, la place du travail quand l’emploi est rare ou chèrement payé, les rythmes inédits du pays de l’art de vivre, la redéfinition du dialogue social : toutes ces interrogations pourraient servir à dessiner le devenir d’une nation. À réveiller le désir de construire plutôt qu’à s’adonner au traditionnel jeu de massacre si prévisible parce qu’il appartient au passé.
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