mardi 3 janvier 2012
L'Europe a besoin d'utopie
L'Europe a 60 ans, l'euro 10 ans. Cette aventure unique, consistant à fédérer des États-nations vieux parfois de plusieurs siècles, a connu des hauts et des bas mais traverse aujourd'hui une crise sans pareille. Une crise économique, monétaire, politique et, pire encore, sociale.
Trois scénarios sont possibles si l'on exclut le pire, c'est-à-dire la désintégration qui aurait de telles conséquences dramatiques qu'il est préférable pour tout le monde, y compris les anti-européens, d'éviter ce cataclysme.
L'Europe peut d'abord prendre acte de ses dissensions internes et en conclure que le divorce étant impossible et coûteux, la moins mauvaise solution est d'organiser des espaces de vie séparés sous le même toit. C'est ce qui vient de se passer avec la décision britannique de ne pas participer au futur traité. Les Vingt-six (ou peut-être moins) concluront un accord sans les Britanniques. Cette solution offre l'avantage de lever l'hypothèque du veto d'un État-membre, mais présente l'énorme inconvénient de consacrer la désunion de « l'Union » européenne. Elle a surtout le défaut de ne pas pouvoir s'appliquer dans le domaine économique (à cause des traités existants) ou social (car plus de politiques sociales choisies par les uns renforcerait la compétitivité des autres). Bref, un pis-aller plutôt qu'une solution durable.
Second scénario : celui qui a le vent en poupe chez la plupart des dirigeants européens. Négocier et décider entre gouvernements nationaux, chacun y défendant becs et ongles ses intérêts en marginalisant les institutions communautaires, Commission et Parlement. On y ajoute éventuellement un Directoire franco-allemand pour rendre le processus plus expéditif et efficient. Toutefois, cette solution qui implique une confrontation quasi-permanente entre la France et l'Allemagne ne fonctionne (plus ou moins bien...) qu'en raison de la crise que traverse l'Europe.
Les autres partenaires sont furieux et frustrés. Ils n'accepteront jamais que cette politique du fait accompli devienne la norme. Surtout, cette méthode diplomatique « à l'ancienne » fait fi du fonctionnement de la démocratie européenne naissante et sape les institutions démocratiques nationales. Les Allemands, comme l'a rappelé leur Cour constitutionnelle, ne pourront aller bien loin sur cette voie et se refuseront à sacrifier leurs principes démocratiques sur l'autel des conciliabules diplomatiques intergouvernementaux que privilégie la France.
C'est le troisième scénario qui a la préférence outre-Rhin. Le choix d'une Europe plus fédérale, qui intègre tous les États de l'Union - et ceux de la zone euro en particulier - dans une fédéralisation progressive à la hauteur des délégations de pouvoirs consentis en matière budgétaire, fiscale et économique. Des délégations d'une telle ampleur qu'elles ne peuvent se légitimer que par un renforcement de la démocratie au niveau européen. Cette solution est apparemment la plus utopique, mais en réalité la seule qui tienne la route sur le long terme.
On ne peut accepter que les politiques monétaires et fiscales (et par ricochet sociales) soient déléguées sans contrôle démocratique. Il est grand temps, sous peine de faillite, de redonner du sens à l'aventure européenne, une aventure qui loin de marginaliser la démocratie, doit lui donner un second souffle et la renforcer aussi bien au niveau national que supra-national.
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