mardi 6 décembre 2011
Vers une Europe à deux vitesses
Une Europe à deux vitesses est-elle sur le point de naître dans l'urgence ? Les jeux ne sont pas faits, mais beaucoup d'indices permettent de le penser. À commencer par le ton employé, hier, par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à l'issue de leur entretien à l'Élysée. Le couple franco-allemand a annoncé avoir trouvé un accord sur la rédaction d'un nouveau traité censé renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro. Ce projet sera soumis au prochain Conseil, jeudi. « Notre préférence va vers un traité à vingt-sept », mais, a averti le président français, « nous sommes prêts à passer à un traité à dix-sept ». La zone euro ferait dès lors bande budgétaire à part.
L'idée d'un traité est, initialement, venue de Berlin. Elle comporte deux inconvénients majeurs : l'énorme machinerie institutionnelle qu'elle met en route et l'issue toujours incertaine du processus de ratification, comme on a pu le constater à deux reprises depuis 2005 avec le projet de Constitution rejeté par la France et les atermoiements irlandais sur le traité de Lisbonne.
En relançant la machine à traité, l'Allemagne n'ignore pas ces deux écueils. Mais on estime, outre-Rhin, que ce pas est nécessaire. Pour plusieurs raisons qui tiennent à l'histoire du siècle passé, à la culture juridique allemande et à la lecture de la crise en cours. À une méfiance aussi. La vision allemande confirme, en fait, le verdict quotidien des marchés : on ne peut plus faire confiance aux États européens en matière de discipline budgétaire, puisqu'ils n'ont pas respecté leurs propres règles. Il faudrait donc renforcer cette discipline, et les sanctions qui vont avec.
Tout le débat qui a eu lieu depuis l'été, et qui s'annonce très dense à Bruxelles, c'est le fonctionnement de cette discipline. Berlin voulait un traité fixant des sanctions automatiques contre les pays dont le déficit dérape. Sur ce point, Paris a finalement accepté. Berlin semblait vouloir confier la surveillance du mécanisme à la Commission européenne, donc à un niveau supranational. Paris s'y est opposé. On remarquera que, dans son discours de Toulon, Nicolas Sarkozy a exclusivement défendu la méthode intergouvernementale et n'a même pas cité la Commission européenne, gardienne pourtant, et longtemps moteur, de la construction européenne.
Ainsi, un compromis aurait été trouvé avec des sanctions automatiques et une règle d'or introduite dans chacun des pays signataires au nouveau traité. Ce texte confierait en outre à la Cour de justice de Luxembourg non pas un droit de regard sur les budgets, mais sur le respect de ces règles. Le calendrier annoncé parle d'un accord d'ici mars. Autrement dit avant la présidentielle. Sarkozy, par traité européen interposé, imposerait la règle d'or au prochain locataire de l'Élysée, quel qu'il soit.
La complexité de ce processus sera-t-elle du goût des autres partenaires ? Des marchés ? Le rôle marginal confié à la Commission n'est-il pas à l'opposé de la tradition franco-allemande elle-même ? La semaine apportera certaines réponses. Cette complexité cache mal, toutefois, la nature punitive de la discipline budgétaire si aucun moteur énergique pour relancer la croissance n'est réellement mis en place en parallèle. La rigueur s'installe déjà un peu partout. La relance, elle, exigera une impulsion collective. À dix-sept ou à vingt-sept.
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