A travers la résolution sur l'abolition de la prostitution, votée mardi soir à main levée à l'Assemblée, les députés s'apprêtent à ouvrir la voix à une pénalisation générale des clients. Le débat sur « le plus vieux métier du monde », et les conditions dans lesquelles il est exercé est relancé
Sanctionner les clients comme en Suède ?
Dans la foulée du vote, sera ensuite déposée une proposition de loi pour inscrire dans le code pénal « ce qui dans la résolution relève du domaine législatif », comme la pénalisation des clients. Guy Geoffroy préfère de son côté parler de «responsabilisation» pour rappeler «que neuf personnes prostituées sur dix sont victimes de la traite des êtres humains».
Actuellement, recourir à une personne prostituée n'est pas un délit. Mais la mission parlementaire, s'inspirant de la Suède qui sanctionne les clients depuis 1999, a conclu au printemps que la pénalisation du client constitue «la meilleure piste pour voir diminuer la prostitution en France, là où tous les pays qui ont réglementé cette activité l'ont vu augmenter».
Le sujet fait débat, même au sein du gouvernement. Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a rappelé en avril que cela supposerait une « révision profonde » du régime pénal, la prostitution n'étant pas un délit actuellement.
Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités, elle, s'est dite favorable à une sanction des clients. « Sur ce sujet, le consensus n'est pas fait », reconnait Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles, qui a lancé un appel pour l'abolition de la prostitution avec 40 associations.
Certaines associations sceptiques
Si «les députés ont adopté la résolution abolitionniste, rien ne dit qu'ils voteront ensuite son application concrète », s'interroge Yves Charpenel. Pour lui, il est « plus que jamais nécessaire de clarifier la position française » face à des pays comme l'Allemagne qui ont choisi de réglementer cette activité.
La position abolitionniste « semblait un peu oubliée. On voit régulièrement ressurgir des propositions de réouverture de maisons closes », déplore Hélène de Rugy, déléguée générale de l'Amicale du Nid.
Mais là-aussi, les avis divergent. Le Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) a écrit aux députés pour leur demander de ne pas voter cette résolution, estimant que cela pénalisera les prostituées en les poussant vers plus de clandestinité, explique Chloé, prostituée qui a manifesté mardi devant l'Assemblée.
Act-Up et Aides, réunis avec le Strass et 14 associations au sein du Collectif « Droits et prostitution » partagent ce constat, affirmant que face à la réduction du nombre de leurs clients, les prostituées seraient contraintes d'accepter des rapports non protégés. Le Strass, qui distingue la prostitution librement consentie et la traite des être humains par des réseaux mafieux, demande plutôt de « véritables droits » pour les prostituées. Environ 20 000 personnes se prostituent en France, selon diverses estimations.
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