mardi 15 novembre 2011
Si nous étions éternels...
Notre époque est étonnante. Le monde entier célébrait, récemment, le fait que la planète porte désormais 7 milliards d'humains.On apprenait au même moment que des biologistes avaient réussi à reprogrammer in vitro des cellules âgées pour en faire des cellules souches pluripotentes. Des cellules rajeunies, capables dans un avenir pas si lointain de réparer des organes ou des tissus chez des personnes âgées.
En d'autres termes, le vieillissement n'a qu'à bien se tenir désormais : l'immortalité pourrait bien être à portée de main. C'était en tout cas sur ce registre que le grand biologiste Axel Kahn était interrogé sur une chaîne de télévision par un journaliste tout ébaubi devant l'idée que le rêve d'éternité qui habite l'homme pourrait, un jour, se réaliser. Rien que du bonheur en perspective...
Tout d'un coup, s'était effacée la question de savoir comment nous allions gérer les ressources limitées de notre « vaisseau spatial », en étant de plus en plus nombreux à l'habiter et à vouloir accéder à des modes de consommation dévorant énergie et matières premières. Tout d'un coup, étaient oubliées les multiples questions que nous pose le vieillissement de la population, revers de la médaille du bond accompli par l'espérance de vie en un siècle.
En France, l'espérance de vie moyenne est passée de 48 à 79 ans entre 1900 et 2000. En 2011, elle est de 78,1 ans pour les hommes et de 84,8 ans pour les femmes. Cela signifie que, d'ici à 2025, le nombre des personnes de plus de 75 ans aura crû de 25 %. Or, les dépenses liées à la dépendance des personnes âgées représentent déjà, ne l'oublions pas, 34 milliards d'euros et nous nous demandons comment nous allons régler la facture.
Ce changement soudain de perspective traduit à sa manière la prééminence, pour la plupart d'entre nous, du destin individuel sur celle du destin commun. Dans nos sociétés occidentales, où les grandes espérances idéologiques ou religieuses se sont considérablement affaiblies, l'individu contemporain accorde en général une priorité quasi absolue à son sort singulier, voire à celui de son entourage ou de son groupe social. Il peine à prendre la mesure des conséquences collectives de ses choix personnels. Mais comment la planète pourrait-elle supporter l'accumulation d'individus dont la durée de vie s'allongerait ad vitam aeternam ?
Poussons le raisonnement : en viendra-t-on à renoncer à avoir des enfants pour demeurer un nombre déterminé d'heureux élus à jouir de l'éternité dans des conditions viables ? Et d'ailleurs, « élus » par qui ? Ces questions extrêmes nous renvoient, en fait, à la conscience que nous avons de la vie. Est-elle quelque chose que nous recevons et que nous transmettons, nous effaçant un jour devant d'autres qui nous prolongeront autrement en prolongeant ce même mouvement ? Ou est-elle une simple propriété dont nous jouissons, pour autant que nous ne nous en lassions pas ?
Là où naguère les religions plaçaient le mot ou la personne de Dieu, nous revient finalement la question de savoir si la vie n'est pas en elle-même transcendance. Nous appartient-elle ? Ou nous porte-t-elle ? Cette interrogation n'est pas simplement une affaire privée et personnelle : en termes écologiques, nous voyons bien que la réponse nous concerne tous dans l'ensemble que nous formons et nommons « humanité ». Et non seulement nous, mais les générations à venir. Si nous voulons encore avoir des descendants...
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