Quel télescopage! En deux jours, le monde a donné en spectacle une succession de signes de fragilité qui résume un déséquilibre général aussi inédit que préoccupant. Aurait-on pu imaginer que la superpuissance de la planète puisse être un jour montrée du doigt par les agences de notation pour son endettement colossal? Que ces États-Unis sortis triomphants du XXème siècle soient désormais au bord de la cessation de paiement au bout de la première décennie du XXIème? A un pas, seulement, de l’abîme? Et qu’au même moment l’euro soit en pleine tourmente, faute d’une croissance suffisante du continent européen? Que Kadhafi traite le président de la République française de criminel et que la Syrie, qui reste une pièce maîtresse d’un règlement au Proche-Orient, sombre dans la répression la plus aveugle et bascule dans l’inconnu?
Le million de manifestants de Damas, Idlem et Deraa ou Alep met la logique des relations internationales à l’épreuve. Et place l’Occident au pied du mur. Que pèsent les rodomontades indignées de Washington et de Paris contre l’impunité des massacres de Bachar al-Assad et la brutalité de Mouammar Kadhafi? Comment croire que ces colères sonores prononcées dans les conforts des chancelleries pourraient déstabiliser ceux-là mêmes qui étaient les invités d’honneur du défilé du 14 juillet 2008 pour le premier, et de l’Élysée en 2007 pour le second? Comment s’étonner du scepticisme des opinions publiques devant une fermeté à géométrie variable?
Le sentiment n’a jamais compté dans le jeu compliqué des relations internationales. Il ne saurait donc être crédible, sinon pour offrir la fausse impression d’une quête de justice. Les peuples ont appris à composer avec ce cynisme-là à condition qu’il corresponde à une stratégie diplomatique et manœuvrière claire. Mais quand, sous la pression des pays émergents, le conseil de sécurité des Nations unies renâcle à adopter une résolution nette contre le maître de Damas et que l’Union Européenne ne parvient à se mettre d’accord que sur d’obscures sanctions brumeuses, alors c’est l’introuvable communauté internationale qui donne le sentiment soit d’une passivité coupable, soit d’une totale impuissance devant des dérives qu’elle prétend pouvoir corriger. Les dictateurs peuvent continuer à narguer ses dirigeants à coup d’invectives démentes où à menacer leurs propres soldats de la peine de mort s’ils ne tirent pas sur des manifestants désarmés. Que risquent-ils dans une logique où les mots n’ont plus de sens mais une utilité camouflante? L’idéalisme est rarement compatible avec la réalité froide des relations internationales mais l’humanité peut-elle trouver une signification à son histoire contemporaine dans un désordre aussi total?
samedi 16 juillet 2011
Une sphère qui ne tourne pas rond
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