Un nouveau plan de sauvetage de la Grèce a donc été décidé, si séduisant pour le monde de la finance que les bourses européennes ont repris des couleurs et que l’euro a bien grimpé face au dollar. C’est donc assurément une bonne nouvelle pour les banques – et notamment les banques allemandes et françaises, fortement exposées sur le front des dettes grecques – et les spécialistes nous assurent que pour la première fois, les investisseurs privés acceptent de prendre une part du risque et que l’idée européenne est de laisser la Grèce renouer avec la croissance.
Facile à dire. Et d’autant plus facile que pour le profane, les termes, les techniques employées et finalement l’essentiel des informations qui circulent, accompagnées de la forte plus-value d’auto-satisfaction des responsables politiques de la zone euro, sont pour une large part incompréhensibles.
Plusieurs moyens d’action doivent être mis en œuvre, qui doivent aboutir à effacer 26 milliards de la dette totale de 350 milliards d’euros : à eux seuls, ces 26 milliards représentent 12 % du PIB grec. Cela se fera notamment par le rachat d’obligations grecques par des créanciers privés, à leur valeur de marché actuelle – soit 50 % de leur valeur faciale, environ. Au lieu d’être répercutée sur les contribuables, la perte sera-t-elle donc répercutée sur leurs actionnaires ou clients, plans d’épargne et autres assurances-vie ?
Une autre technique de soulagement de la dette consiste à retarder son remboursement avec plusieurs « instruments à 30 ans », éventuellement garantis par des emprunts du Fonds de stabilité financière européen qui, d’instrument de relais pour temps de crise aiguë, est en train de se transformer en financier durable… Cette façon de repousser les difficultés à plus loin, toujours plus loin, assure en tout cas une pérennisation des revenus bancaires puisque les intérêts, quoique révisés à la baisse, seront dus sur des délais de plus en plus longs. Et si la Grèce se voit offrir de nouveaux crédits, 109 milliards de nouveaux prêts d’ici à fin 2014, c’est notamment pour faire face aux frais des dettes en cours.
Comment le plan européen peut-il prétendre réduire les « besoins de financement » de la Grèce de 135 milliards d’euros d’ici à la fin 2020 ? Cela reste (pour moi) un mystère puisqu’en réalité, de plan de sauvetage en (modeste) restructuration comme celle décidée à Bruxelles, ce sont toujours plus de créances qui s’ouvrent sur la tête des Grecs.
Et que – détail non négligeable – on raisonne uniquement sur la situation actuelle. Alors que la population grecque vieillit comme dans le reste de l’Europe et même davantage, avec un taux de fécondité qui a plongé jusqu’à 1,28 enfant par femme il y a quelques années. D’ici à vingt ans, horizon du plan européen, les besoins ne vont cesser de croître en ce qui concerne pension et frais de santé. Et quid alors de la solvabilité grecque ?
Quoi qu’on en dise, il semble impossible que ces plans se mettent en œuvre sans lourdement peser sur les populations – dans les pays les plus gravement en difficulté d’abord, mais aussi chez leurs créanciers, comme la France, eux aussi lourdement endettés.
L’une des questions qui se posent maintenant est celle de la réaction des investisseurs, qui ont exposé de fortes sommes qui constituent ces « dettes souveraines » gigantesques et sources d’intérêts importants, mais qui jouent aussi « à la baisse » en assurant ces investissements par le biais des « credit default swaps » (CDS : on pourrait appeler cela le troc de défaillances de crédit) qui permettent de jouer à « qui perd gagne ». La question était, vendredi, de savoir si ces CDS allaient être activés, avec un engrenage potentiellement grave pour l’ensemble du marché de la dette de la zone euro. L’Association des intervenants du marché des dérivés – ces produits financiers qui permettent de spéculer sur les dettes souveraines – devait se réunir pour en discuter.
A tout cela il faut ajouter un fait plus rarement évoqué : le niveau des dépenses grecques sur le marché de l’armement qui fait de la Grèce l’un des grands acheteurs mondiaux, pour un budget qui représente 3, et peut-être même 4 % du PIB depuis plusieurs années, sans même compter le fonctionnement de l’armée. Contrats d’armement – notamment avec la France et l’Allemagne – dont il s’agit donc d’assurer, d’une façon ou d’une autre, le paiement – que la Grèce ait besoin ou non de cet arsenal !
Comprenne qui pourra. Bornons-nous à constater que ce sont les pauvres qui trinquent, et les classes moyennes qui sont en train de les rejoindre.
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