Imaginons un scénario de cauchemar : la France va, tous budgets confondus, réduire ses dépenses d’une bonne centaine de milliards d’euros jusqu’en 2014. En même temps, les impôts directs ou indirects, dont la TVA, et les cotisations sociales augmentent avec prestations en baisse, les salaires des fonctionnaires sont ponctionnés ainsi que les retraites. Bien sûr, il n’y aura plus aucun investissement dans le système de santé qui se dégrade, dans l’Éducation nationale et dans les autres services publics… Non seulement le pouvoir d’achat des ménages s’évaporerait dans un ordre de grandeur allant de 15 % à 20 %, mais quelle hypothèque sur l’avenir !
Un scénario inimaginable ? Proportionnellement au nombre de ses habitants (six fois moins que la France) et à son PIB, c’est pourtant l’effort, voire le sacrifice, que les dirigeants européens — Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et les banquiers de la BCE en tête — exigent de la Grèce. D’abord pour toucher la dernière tranche des 110 milliards d’aide consentis l’an dernier (sans les 12 prochains milliards, Athènes sera en cessation de paiement le 18 juillet). Ensuite, afin d’obtenir un deuxième crédit, vraisemblablement aussi à hauteur de 110 milliards, cet automne. Dans quel but ? Sauver la Grèce de la faillite ou préserver l’euro, et à travers la monnaie unique, l’économie européenne ? Grèce et euro seraient liés. Un défaut de paiement grec retomberait sur les banques engagées dans les dettes contractées par Athènes (350 milliards de dettes publiques et privées) puis sur tout le système bancaire comme en 2008. L’euro, car la Grèce est dans la zone euro, serait décrédibilisé et, très vite, se mettrait en route un implacable effet-domino : les autres États fragiles de l’Euroland, mis par ce mauvais exemple dans l’incapacité de s’adresser au marché financier international, subiraient un sort analogue avec des répercussions à ne plus en finir.
Mais remplir éternellement ce tonneau des Danaïdes percé par tous les gouvernements qui se sont succédé à Athènes depuis 40 ans, est-ce vraiment la solution ? Beaucoup d’économistes en doutent en préconisant le retour à une drachme dévaluée, surtout pour éviter une austérité synonyme de récession. Car une évidence frappe : jamais la Grèce ne pourra rembourser, encore moins avec un appareil économique complètement étranglé. Tout se passe comme s’il fallait d’abord reculer l’échéance de la faillite annoncée. Quitte un jour, à présenter la facture à tous les contribuables de la zone euro. À moins d’un miracle…
On peut comprendre l’exaspération des Grecs mis sous tutelle et ravalés au rang d’Européens de seconde classe. Accepter une nouvelle cure d’austérité commandée par l’Europe exige un courage inouï. La refuser signifie plonger dans un inconnu où sauront se mouvoir toutes les forces antidémocratiques. La Grèce navigue entre Charybde et Scylla. Et avec elle, toute l’Europe, au-delà de la zone euro.
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