jeudi 26 mai 2011
Le G8, club de puissants ?
Un sommet informel. Quelques puissances invitées, les plus grandes. Des échanges discrets. C'est ainsi qu'en 1975 débuta l'histoire des G (5, puis 6, 7 et 8), à l'initiative de Valéry Giscard d'Estaing. Deux éléments dominaient alors le monde : la guerre froide, et le choc pétrolier qui, brutalement, venait de mettre un terme aux Trente Glorieuses. Adossé au Rideau de fer, ce club occidental était le plus riche, le plus représentatif d'un modèle économique capitaliste sur le point de triompher.
Trente-six ans plus tard, changement de décor. Le club en tant que tel est plus ou moins le même, rejoint en 1998 par la Russie. Un climat de crise économique est de nouveau d'actualité. Mais tout le reste a changé. La discrétion a cédé le pas à l'hypermédiatisation. La causerie informelle s'est muée en sommet blindé. Les puissants de ce monde sont contraints, depuis longtemps, de tracer des périmètres de sécurité de plus en plus vastes, pour se prémunir des attentats et de la société civile.
Mais, au fait, sont-ils toujours aussi puissants ? En 1975, près des deux tiers de la richesse mondiale étaient assis autour de la table. Aujourd'hui, les deux cinquièmes. C'est encore beaucoup. Suffisamment pour rendre utiles ces échanges entre Grands, même si, depuis deux ans, il a bien fallu se résoudre à élargir la table et à créer un autre club, le G20, pour juguler la crise économique et financière.
Car la division Est-Ouest des débuts, qui répondait à des critères économiques mais pas seulement, a laissé la place à un clivage Nord-Sud, facilement assimilable à un fossé riches-pauvres. C'est ce qui a provoqué, au fil des sommets, la montée de la contestation altermondialiste, pour rappeler les puissances économiques non plus seulement à une logique de puissance, mais à un devoir de responsabilité. Aujourd'hui, les données ont encore évolué, car le fait majeur de la décennie écoulée, c'est l'arrivée des émergents : Chine, Inde, Brésil. Admis au G20, pas au G8.
On mesure l'ambiguïté de l'exercice, dans cette ère où aucun modèle stable de gouvernance n'a encore été trouvé. On assiste, sommet après sommet, à une sorte de gouvernance à géométrie variable, en fonction des sujets, des intérêts. L'Onu n'est impliquée que lorsque les Cinq du Conseil de sécurité cherchent une caution juridique et morale, comme dans l'opération anti-Kadhafi. À Deauville, la tentation sera grande de créer même des sous-groupes au sein du G8, Américains, Britanniques et Français n'ayant pas les mêmes vues que les Russes sur le dossier libyen ou la Syrie.
Ce sommet, pourtant, a une opportunité à saisir, s'il veut briser cette image de club de vétérans des équilibres de 1945. Apporter un soutien franc et massif aux évolutions en cours dans le monde arabe. La Tunisie et l'Égypte comptent parmi les invités. La hauteur du financement et la force du soutien politique que le G8 leur accordera, pour aider leur transition démocratique fortement menacée par l'effondrement du tourisme, sera à cet égard un signal important.
De même, la présence de plusieurs chefs d'État africains engagés sur une voie plus démocratique, dont le tout nouveau président ivoirien, ne doit pas seulement servir à rendre la photo de groupe plus décente. Elle doit rappeler aux Huit que développement et démocratie sont des valeurs partagées. Surtout au moment où les échanges Sud-Sud sont en plein essor. Sous peine, sinon, de s'enfermer dans un club nordique.
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