Il y a encore quelques mois, le même homme pouvait participer au marathon d’Athènes, accompagné seulement de deux officiers de sécurité, sous les applaudissements de la foule. Depuis, le climat s’est singulièrement dégradé. Les Grecs sont de plus en plus désespérés : le chômage explose, les salaires baissent, les petites entreprises ferment les unes après les autres. Ils ont la nausée des plans d’austérité qui se succèdent sans discontinuer depuis un an – le dernier a été annoncé le 15 avril.
Tous les jours, les mauvaises sont mauvaises, d'où qu'elles viennent
Après trois ans de récession économique, c’est le moral qui est entré en récession. "Il y a une atmosphère de désespoir", souligne un diplomate européen. "Tous les jours, les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent", soupire Léna, qui possède plusieurs commerces dans les environs de la place Syntagma, au cœur d’Athènes. "Comment voulez-vous que les gens, même ceux dont les salaires n’ont pas baissé, aient envie de consommer dans un tel climat ? C’est tellement vrai que lorsque les médias grecs ont fait grève pendant quatre jours, le moral est remonté et la consommation a repris…""Ce ne sont pas les sacrifices et les changements qui dépriment les gens, c’est l’absence de résultat et donc d’issue claire à la crise", estime Yanis Prétendéris, éditorialiste influent. "On ne voit pas encore de preuve que la Grèce dispose enfin d’un Etat organisé", confirme Léna, qui note cependant un recul de la corruption. Sans doute parce que les Grecs n’ont plus d’argent pour remplir les fakelaki (petites enveloppes): "La récession a tué la corruption", s’amuse Prétendéris.
"On savait que 2011 serait plus difficile que 2010, tempère un diplomate européen. Les sacrifices ont été faits, mais les résultats ne sont pas encore là. Les réformes sont laborieusement appliquées, l’Etat reste largement inefficace, les riches échappent toujours en grande partie à l’impôt…" D’où l’ambiance actuelle.
"L'UE ne pense pas au peuple mais à l'économie"
Les citoyens "reprochent à Papandréou son incompétence, son incapacité à faire vraiment changer le pays", affirme Prétendéris. Cependant, déprime ne veut pas dire révolte, même si les grèves et manifestations contre l’austérité se succèdent à un rythme accéléré (le centre-ville d’Athènes a été fermé partiellement ou totalement 496 fois en 2010, selon la police). "Le pays n’est pas au bord de l’explosion, il est bord de la dépression", estime Yannis Prétendéris.Ilias Iliopoulos, le secrétaire général de l’Adedy (le principal syndicat de la fonction publique), et Georges Pontikos, le secrétaire aux relations internationales du Pame, syndicat proche du KKE (un parti communiste stalinien), partagent le même diagnostic : "Il y a un ras-le-bol général, mais la Grèce est loin de la révolution." D’ailleurs, les manifestations sont loin de faire le plein. La "colère" risque de se manifester autrement, dans les urnes : toujours en tête dans les sondages, à 21%, le Pasok (Parti socialiste) a perdu 23 points depuis 2009.
Avec les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, les deux principaux partis qui rythment la vie du pays ne représentent plus qu’environ 40 % du corps électoral contre près de 80 % jusque-là. Ce sont les populismes de tous bords qui font leur miel de la crise : le KKE et la Laos (peuple) notamment. Et, corollaire, l’europhilie est en chute libre : "L’Union ne pense pas au peuple, mais à l’économie", peste Ilias Iliopoulos qui appelle à "l’unité patriotique" pour résister à l’austérité.
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