TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 4 mai 2011

Défendre la liberté de la presse


À Damas, à Pékin, à Ciudad Juárez au Mexique, le métier de journaliste est un métier dangereux. Mortel, parfois. Sous les coups d'un régime syrien aux abois, qui ne voit d'autre issue pour survivre que de réprimer tout ce qui le menace ; sous la pression d'un régime chinois, terriblement préoccupé par l'onde de choc que les révoltes arabes disséminent autour du globe ; sous la pression des cartels de la drogue, les plus imprévisibles sans doute, qui liquident tout ce qui se trouve sur leur chemin.

On pourrait citer, bien sûr, l'Iran, ou la Corée du Nord et d'autres pays encore. Le classement des pays qui bafouent la liberté de la presse, dont on célébrait hier la journée mondiale, varie chaque année. La liste, elle, est toujours aussi longue. Selon l'organisation Reporters sans frontières, trente-huit chefs d'État ou chefs de guerre sèment la terreur parmi les journalistes.

Dans les conflits, les photo-reporters sont souvent les plus visés. Dans les dictatures, les plumes dérangeantes de la presse écrite finissent généralement sous les verrous. Rejointes, et c'est un phénomène relativement récent, par les blogueurs. On l'a vu à Tunis et au Caire, avant la chute des autocrates en place. On le constate à Damas, au Yémen, à Barheïn. À Téhéran aussi où, depuis juin 2009, plus de deux cents journalistes ou blogueurs ont été arrêtés.

Les nouvelles technologies modifient la pratique du journalisme, elles bousculent l'économie de la presse écrite et des médias en général, mais elles n'en changent pas nécessairement la mission. Celle d'informer et de débattre. Deux aspirations considérées désormais, et depuis des lustres sous nos latitudes, comme des conditions sine qua non de l'exercice démocratique. Comme un quatrième pilier que Montesquieu, s'il revenait, ajouterait à l'édifice. Cette vision est d'ailleurs largement partagée dans le monde, comme les événements dans le monde arabe viennent, avec force, de le démontrer.

Partout, les atteintes ne sont pas de même nature. Il y a une sorte de gradation selon les contextes. Les dictatures partagent souvent les mêmes réflexes et les mêmes techniques d'étouffement systématique de la parole. Black-out. Pas un mot. En public, du moins. Car, en privé, ce que personne ne peut dire, tout le monde le sait. Les cartels latino-américains, ou plus généralement la criminalité organisée, font, eux, régner la peur à leur manière, brutale et imprévisible.

Et chez nous ? La liberté de la presse est-elle menacée ? La comparaison avec les exemples précédents est plutôt rassurante. Chez nous, les menaces sont plus subtiles. Les caricatures se portent bien, et c'est bon signe. Mais d'autres périls avancent masqués : l'emprise de l'argent, le déferlement de la « com », le rythme pulsionnel de la machine audiovisuelle. Sans parler de la restauration du cordon ombilical entre le pouvoir politique et l'audiovisuel public.

La dictature du temps court est une menace pour la pensée, et donc pour l'opinion et la liberté. La presse écrite a, de ce point de vue, un beau défi à relever, car la liberté qu'elle incarne est un bien collectif qu'il s'agit de servir, pas la propriété des journalistes ou des éditeurs.





0 commentaires: