Qu'il ait été décapité ou qu'il ait succombé à un malaise cardiaque faute de médicaments acheminés à temps, Michel Germaneau est mort victime de l'écart immense entre son idéal humanitaire et la cruauté de son rapt. Ne parlons pas d'exécution comme le font ses ravisseurs car ce serait donner un semblant de légitimité à un acte qui n'en a aucune.
La civilisation arabe, si respectueuse des anciens, où le "cheikh" est non seulement un vieillard mais aussi un sage, a une fois de plus été bafouée par quelques pillards, jeunes sans doute, qui, au terme d'une razzia, ont enlevé ce retraité soucieux de la scolarisation des enfants dans le désert du Ténéré.
Face à cette mort d'un homme qui préférait aller au Niger plutôt qu'au bistrot du coin, on songe à tous les militants associatifs, qui, en Bosnie, en Afghanistan ou en Algérie, ont payé de leur vie un engagement fondé sur le désir d'aider sans fanfare les habitants d'un pays en guerre.
Ces humanitaires ne se voient pas en combattants, encore moins en héros. Ils fonctionnent à l'enthousiasme, avec leur bonne volonté, leur sincérité, leurs compétences techniques qu'ils mettent avec plus ou moins de bonheur au service d'une mini-structure et d'un projet très localisé. "Enmilal", l'association de Michel Germaneau, existait grâce à une poignée d'hommes et de femmes qui s'étaient pris d'intérêt pour le village d'In-Abangharet au hasard d'un voyage au Niger comme ils auraient pu se passionner pour un village dogon ou bambara s'ils avaient visité le Mali.
La mort de Michel Germaneau est une aberration mais on se tromperait en la croyant liée au peu d'écho qu'a eu sa captivité. Le tam-tam solidaire est utile ; il soulage et rassure l'otage qui en capte le lointain écho au fond de sa geôle. Mais la mobilisation médiatique n'a pas par elle-même le pouvoir d'accélérer le retour à la liberté. Les sept moines cisterciens enlevés en 1996 à Tibéhirine (Algérie) ont bénéficié d'une popularité immense, comme en eurent Ingrid Betancourt ou les journalistes Florence Aubenas (en Irak) et Daniel Pearl (en Afghanistan). Mais Pearl et les sept moines ont péri. Le fil qui rattache n'importe quel otage au monde extérieur est d'une minceur effrayante.
Et maintenant, qui portera le mieux le deuil de Michel Germaneau ? Peut-être les enfants d'In-Abangharet s'ils saisissent ce que voulait construire ce visiteur discret et se défient des ravisseurs qui ont baptisé leur école dans le sang, à rebours de ce qu'est le vrai enseignement de la vie.
Dominique Jung
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