Nous sommes en janvier 2012. La zone euro a explosé et la monnaie unique est un échec. C'est une note de 30 pages. Elle contient des centaines de chiffres. Son auteur, Mark Cliffe, est l'économiste en chef d'ING, banque néerlandaise. Sous le titre Quantifier l'impensable, le chercheur a tenté de mesurer, pour les clients de sa banque, l'impact économique de deux scénarios évoqués par certains au plus fort de la crise grecque.
1/ La sortie de la Grèce de la zone euro.
2/ L'éclatement pur et simple de la zone euro.
L'économiste ne se prononce pas sur la probabilité de ces deux hypothèses (ni sur ses convictions personnelles vis-à-vis de la monnaie unique), mais, puisque le débat est sur la table et que certains l'évoquent ouvertement, "quelqu'un doit faire le sale boulot", dit-il ironiquement. Il a donc mesuré aussi scientifiquement que possible l'impact des deux scénarios, en faisant tourner ses logiciels.
Des monnaies dévaluées
Et le constat de Mark Cliffe est édifiant ! Même si l'éclatement de la zone euro est préparé suffisamment en amont pour ne pas affoler les marchés, celui-ci aurait un très grave impact sur toute l'économie européenne. Même sur l'Allemagne. Dès 2012, la production baisserait de 4 % à 9 % dans les États membres - mais aussi en Grande-Bretagne et en Europe centrale -, tandis que la plupart des nouvelles monnaies nationales perdraient la moitié de leur valeur.
Outre les aspects légaux sur lesquels Mark Cliffe ne s'étend pas et l'inévitable crise de confiance que cela provoquerait sur les marchés (qui prêtent beaucoup d'argent à la zone euro puisqu'aucun pays n'est en excédent budgétaire), l'économiste explique que, dans le second scénario, celui d'une implosion de la zone euro, les gouvernements de chaque pays auraient rapidement à défendre leur crédibilité devant les acteurs financiers qui seraient d'autant plus cruels avec des nations européennes dont la plupart n'ont pas été de bons élèves ces dernières années. Pour convaincre les marchés, chaque pays devrait évidemment accentuer les mesures de rigueur un peu partout en Europe.
La France perdrait 5 % de PIB
Jusque-là, tout cela relève de l'analyse. Mais la partie la plus intéressante de cette étude, ce sont les hypothèses chiffrées contenues dans la note de l'économiste.
Dans le cas d'une sortie de la Grèce de la zone euro, l'économiste table sur une baisse de 7 % du PIB grec au bout d'un an. Autant dire le grand plongeon. L'impact sur les autres pays serait, en revanche, beaucoup plus limité (vu le poids économique de la Grèce dans les échanges intracommunautaires). La France et l'Allemagne ne souffriraient ainsi que d'une baisse de leur PIB respectif de 1 %. Le second scénario, celui d'une implosion de la zone euro, fait, en revanche, froid dans le dos. Cliffe estime qu'il "coûterait" 9 % de PIB à la Grèce ou à l'Irlande. Et près de 4 % à l'Allemagne. Quant à la France, son PIB perdrait en deux ans 5 % de PIB ! Des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas, les plus ouverts sur leurs voisins, seraient dans une situation encore plus périlleuse.
Autres conséquences : la baisse des cours de Bourse, des prix de l'immobilier, ainsi qu'un séisme pour les banques européennes, aujourd'hui toutes très engagées dans tous les pays européens. Les différents pays ne pourraient plus emprunter sur les marchés dans des conditions favorables (à l'exception de l'Allemagne) et devraient financer leurs déficits en empruntant à des taux dignes de l'usure, et ceci, quel que soit le scénario retenu. Et pour cause ! La sortie de la Grèce de la zone euro jetterait la suspicion sur tous les autres pays en difficulté. Et, bien évidemment, sur le concept même de zone euro.
Déflation en Allemagne et en France
Il reste les aspects monétaires. Dans le scénario un, la Grèce dévaluerait sa nouvelle monnaie de 80 % vis-à-vis de l'euro. En cas d'implosion de la zone euro dans son ensemble, la monnaie grecque serait dévaluée de 50 % par rapport au nouveau deutsche mark, le "nouveau franc", de 11 %, et la "lire", de 22 %. Quant au chômage, les prévisions de Mark Cliffe parient sur un taux de chômage de 13,8 % en France (25 % en Espagne). L'Espagne et le Portugal auraient à combattre une inflation proche de 10 %, tandis que l'Allemagne et la France seraient, elles, face à un choc déflationniste qui gagnerait ensuite les États-Unis.
Conclusion de Mark Cliffe : "Nous n'évoquons pas les avantages et inconvénients à long terme d'un éclatement de la zone euro et on peut toujours discuter des chiffres. Mais ce qui est sûr, c'est que les conséquences immédiates d'un tel choix provoqueraient un tel traumatisme que ceux qui proposent la fin de l'union monétaire comme solution à la crise doivent l'avoir en tête."
dimanche 25 juillet 2010
Sortir de l'euro ? Le rapport qui fait peur
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