Réformer les retraites en France, quel que soit le réglage contribution/prestation pour y parvenir, est loin d'épuiser le sujet de la vie après le travail. En admettant que la durée de vie moyenne reste ce qu'elle est aujourd'hui, ce qui n'est pas garanti, on compterait 1,2 million de personnes dépendantes dans notre pays en 2040 contre 800 000 aujourd'hui, soit une croissance de 50%. Il y aura en France dans trente ans plus de dix millions de personnes âgées de 75 ans et plus. De quoi faire exploser les cadres budgétaires les mieux établis, changer aussi notre manière de concevoir les prises en charge du grand âge.
Comme en bien d'autres domaines de l'existence, les Français ne sont pas égaux devant la perspective de dépendance, le 5e risque dans le jargon des experts. Ainsi, l'âge moyen d'entrée en dépendance serait de 78 ans pour les hommes, dont l'espérance de vie est moindre, et de 83 ans pour les femmes qui se retrouvent donc plus souvent seules au grand âge. Avoir fait des études longues diminue le risque, de même qu'être parent de deux ou trois enfants vivants.
La question de la dépendance ne peut bien évidemment pas s'envisager sous le seul angle statistique ou financier. La France n'est pas vraiment en retard dans le traitement apparent du problème. La création en 2002 de l'allocation personnalisée d'autonomie, gérée par les départements, a constitué une avancée significative et égalitaire. Mais le fonctionnement de ce dispositif, dont le financement va vers un mur, ne rend pas compte de l'étendue du problème de la dépendance. Ni du rôle que jouent les familles dans la prise en charge. Du reste, la responsabilité des descendants a été inscrite dans le droit bien avant la mise en place de ces financements. Encore faut-il que les couples tiennent et que les enfants soient là.
A la différence des retraites, bâton de dynamite politique bien connu, la montée en puissance du 5e risque et la question de sa prise en charge ne feront peut-être pas descendre les Français dans la rue. Et pourtant le sujet est indissociable d'une juste réforme des retraites. Discutée depuis plusieurs années, la refonte du financement de la dépendance est indispensable. Le curseur principal doit-il reposer sur l'individu et l'assurance privée ? La hantise de certains est que le patrimoine des personnes soit davantage sollicité. Il semble difficile de l'éviter, même en maintenant le principe de solidarité, d'autant que les biens en question sont rarement le fruit d'une seule génération.
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