Le procureur de Nanterre Philippe Courroye explique, dans une interview au Figaro publiée jeudi 22 juillet, qu'il n'est pas "un homme à céder aux pressions" dans le traitement de l'affaire Bettencourt. "Si une information doit être ouverte, elle le sera. Si des poursuites devant le tribunal doivent être engagées, elles le seront. Si un classement doit intervenir, il sera prononcé", assure-t-il au cours d'un entretien où il défend point par point les procédures qu'il a engagées dans l'affaire Bettencourt, soumises à polémique.
Philippe Courroye n'a cependant pas souhaité justifier son refus de transmettre à sa rivale Isabelle Prevost-Desprez, juge d'instruction au tribunal de Nanterre, les enregistrements clandestins de la vie privée de Liliane Bettencourt dans le cadre d'un supplément d'information mené par la juge.
"INDIGNITÉ EXTRÊME"
Selon lui, ces écoutes sont "une très grave entorse au principe de la loyauté de la preuve, (...) un procédé d'une illicité et d'une indignité extrêmes", pouvant conduire à "une société où, demain, n'importe qui s'arrangera pour faire sonoriser le bureau ou le domicile d'un avocat, d'un chef d'entreprise, d'un journaliste, d'un magistrat puis rendra publics ces enregistrements".
Publiées par le site Mediapart, les retranscriptions des conversations enregistrées en cachette par le majordome de Liliane Bettencourt ont notamment permis de mettre en cause l'actuel ministre du travail, Eric Woerth, sur des questions de conflit d'intérêts et de renvoi d'ascenseur liées à la situation fiscale de l'héritière du groupe L'Oréal.
PAS ASSEZ D'ÉLÉMENTS CONTRE FRANÇOIS-MARIE BANIER
Le procureur affirme par ailleurs n'avoir obéi à aucune pression en ordonnant le classement en septembre 2008 de la plainte pour abus de faiblesse déposée par la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers, contre François-Marie Banier, bénéficiaire des largesses de la milliardaire. Il explique qu'il n'y avait alors pas suffisamment d'éléments pour envoyer M. Banier devant le tribunal correctionnel.
"Pour dire qu'il y avait abus de faiblesse dans ce dossier, il fallait prouver que Liliane Bettencourt souffrait d'une altération de ses facultés physiques ou psychiques sur toute la période des dons visés par la plainte, soit depuis plus de dix ans", détaille-t-il. "Or, elle a refusé de se soumettre aux expertises diligentées par le parquet, de même qu'à celle ordonnée par la 15e chambre du tribunal. On peut le regretter mais c'était son droit", fait-il valoir.
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L'avocat de Françoise Meyers-Bettencourt, Me Olivier Metzner, a estimé jeudi sur RTL que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, n'agissait pas de façon indépendante dans la procédure judiciaire entourant Liliane Bettencourt, mère de sa cliente et héritière du groupe L'Oréal.
"Pendant 18 mois, il a pensé que la plainte [de Françoise Meyers-Bettencourt pour abus de faiblesse] était recevable et puis d'un coup, après un rendez-vous avec Patrick Ouart [ancien conseiller pour la justice de Nicolas Sarkozy], il a changé d'avis, il a traîné", a expliqué Olivier Metzner.
L'avocat a enchaîné en critiquant l'attitude du chef de l'Etat sur le dossier : "Le président de la République avait déjà démontré dans l'affaire Clearstream son immixtion permanente dans la justice et là, à nouveau, on voit qu'un président prendrait la place des magistrats".
"Il avait déjà jugé pour Dominique de Villepin et là il semble, parce que je n'ai pas d'éléments matériels, qu'il intervienne au travers de Patrick Ouart", a poursuivi Me Metzner, qui avait défendu M. de Villepin lors de l'affaire Clearstream.
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