Ne dites plus « burqa », dites « tenue destinée à dissimuler le visage ». À partir de ce soir, les députés débattent d'un texte qui pourrait devenir le marqueur d'une délicate évolution sociétale. Le voile intégral, selon le Coran, n'est pas un signe obligatoire d'affichage de sa foi. Pour autant, il est porté et perçu d'une manière ambiguë qui mêle provocation, radicalisme religieux, communautarisme et refus de s'intégrer.
Ne viser que la burqa aurait stigmatisé une population musulmane défavorable au voile intégral. La réprimer, sans s'intéresser aux motivations de celles qui la portent, aurait été une occasion manquée d'expliquer que le droit de vivre en France suppose de se conformer aux règles d'une démocratie laïque. Car, subie ou consentie, cette réclusion publique est bien une atteinte au vivre ensemble et au respect de l'homme.
L'islam, seconde religion de France, a ceci de spécifique qu'il est d'une redoutable capillarité et porteur de ses propres lois politiques, qu'il s'agisse du statut de l'épouse ou du menu des cantines scolaires. C'est ainsi que le voile intégral participe d'un arsenal, étranger à notre culture, qui s'attaque à la dignité de la femme, pose un problème de sécurité et touche à l'ordre public.
Le vote du texte, le 13 juillet, ne fait plus de doute tant le projet a subi de modifications qui le rendent juridiquement applicable et presque acceptable aux yeux de socialistes qui se rallient à l'opinion. Car le danger était bien de produire une loi inapplicablequi aurait fait triompher ceux qu'elle vise et déçu ceux ¯ la majorité des Français ¯ qui la souhaitent.
Un texte très amélioré
En étendant l'interdiction à tout l'espace fréquenté par le public ¯ rues, magasins, hôpitaux, administrations, écoles... ¯ le projet évite des débats juridiques interminables pour déterminer si un lieu est public ou non.
En parlant de dissimulation du visage, il évite de nommer la seule burqa, de désigner une religion, d'alimenter les amalgames contre les musulmans et de jeter de l'huile sur le feu qui couve dans les banlieues.
En invoquant la sécurité, il évite astucieusement le flou juridique qui entoure les notions d'égalité, de dignité et de pratiques attentatoires aux valeurs de la République.
En offrant six mois de délai pédagogique avant d'appliquer la loi et des stages de citoyenneté dans l'éventail des peines, il réserve une place à la médiation et limite les inconvénients du tout répressif.
Enfin, en punissant sévèrement l'homme qui obligerait une femme à se voiler, il consacre le droit fondamental de l'égalité.
Ces améliorations suffisent-elles ? Le Conseil d'État continue de considérer qu'il n'existe pas de fondement juridique incontestable à une interdiction absolue du voile intégral. Toutefois, il n'est pas certain, à la veille de la présidentielle de 2012, que le Conseil constitutionnel, à supposer qu'il soit saisi, juge opportun de censurer un texte consensuel.
La grande inconnue sera plutôt de savoir si l'interdiction du voile intégral ¯ comme des cagoules ¯ trouvera son application dans les zones de non-droit où le caillassage de la police est devenu le sport du quartier.
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