Un mois après avoir dévoilé le projet de réforme des retraites, ce n'est plus le même homme qui engage la bataille parlementaire. Soupçonné de conflit d'intérêts pour avoir, lorsqu'il avait le portefeuille du Budget, obtenu l'embauche de son épouse Florence dans une société gérant les affaires de Liliane Bettencourt, principale actionnaire de L'Oréal, Eric Woerth est, certes, toujours ministre du Travail et de la Solidarité. Et, sauf élément nouveau, il devrait le rester quelque temps, à en juger par le soutien que lui apportent le chef de l'Etat et la majorité.
Mais, présumé coupable de liens avec les puissances d'argent - un délit auprès de l'opinion -, mal lavé de la si plaisante suspicion de complaisance fiscale envers la première contribuable de France, sans cesse incriminé de mauvais comportements sur la foi de témoignages scabreux, c'est un ministre éreinté moralement, et surtout politiquement, qui se présente à partir d'aujourd'hui devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Le contester serait nier l'évidence. En induire une fragilisation de la réforme des retraites serait expéditif. Il est trop confortable de penser que le destin d'un tel chantier est conditionné à la seule autorité de celui qui le conduit. Abuser de l'argument de faiblesse nuit à la justesse du jugement politique. A ce compte-là, l'ex-garde des Sceaux Rachida Dati, accablée de critiques dans les milieux judiciaires, battue froid par le chef de l'Etat, n'aurait jamais mené à bien la très impopulaire rationalisation de la carte des tribunaux.
Eric Woerth est vulnérable, mais le projet qu'il défend jouit de la protection de Nicolas Sarkozy, qui l'a initié et le revendique. Les syndicats l'ont compris, eux qui attachent peu d'importance à l'identité de leur interlocuteur, beaucoup plus au contenu du texte. Ils se sont bien gardés d'accabler le ministre et devraient continuer à s'en abstenir. Pour cette réforme cruciale de la deuxième moitié du quinquennat, le danger ne vient ni du débat syndical, ni du débat parlementaire.
Avec le travail législatif qui commence, dont la réalité est bien éloignée de l'image qu'en donnent les questions d'actualité, c'est la réforme elle-même qui va être mise en examen, pas l'homme qui la présente. La vie parlementaire a ses règles et ses usages. Si péril il y a, il vient moins de l'Hémicycle que de la rue, de cette manifestation syndicale unitaire du 7 septembre dont les responsables de la majorité craignent qu'elle n'agrège les ressentiments.
Mais, outre que la rentrée n'est plus depuis fort longtemps propice aux explosions sociales, l'arme du populisme est à double tranchant. Pour les artisans de la contestation, elle peut bien sûr attiser la colère, mais elle peut tout autant sinon plus sûrement détourner l'attention de l'enjeu qu'est le report de l'âge légal de départ. Viser le ministre plutôt que son projet n'est peut-être pas un si bon calcul.
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