TOUT EST DIT

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mercredi 14 juillet 2010

10 juillet 1940 : la République mourut ce jour-là...

C'est dans un casino déguisé en hémicycle de l'Assemblée nationale que fut assassinée la République, un certain 10 juillet 1940, voici soixante-dix ans.

Le pays était affolé, hors de lui, en ce sens qu'une grande partie des populations des territoires envahis avait quitté maisons, villes, villages, régions. Beaucoup cherchaient leurs proches, dispersés au gré d'un exode erratique. Plus rien des structures politiques ne subsistait. L'État s'était dissout. L'armée était éparpillée, les ordres contradictoires, les éventuelles solutions disparates ou antagonistes. Bref, c'était le désarroi dans un pays désemparé.

Le maréchal Pétain, devenu, quelques jours plus tôt, président du Conseil, soutenu par Pierre Laval, promit à la France le renouveau. Selon lui, la politique nouvelle allait racheter les fautes du pays, le sortir des errements démocratiques qui l'avaient conduit là, à force de palabres inutiles, d'ambitions personnelles, de perte du sens du bien commun et tout simplement du bon sens.

Il fut proposé à l'Assemblée constituée des sénateurs et des députés élus en 1936 de donner les pleins pouvoirs au maréchal prestigieux, homme providentiel qui, pensait-on, allait protéger le pays et le conduire, en bon berger, sur des chemins assainis. On passa au vote, après une très brève discussion où les rares questions posées, si elles manifestaient un doute ou une opposition, suscitaient l'insulte et même la menace envers leurs auteurs. Le résultat fut écrasant : 569 voix pour, 80 contre.

Aujourd'hui, soixante-dix ans plus tard, il est bien difficile de se représenter ces événements. Certains y voyaient la seule issue au drame que vivait le pays. D'autres pressentaient que cette solution était non seulement une fausse solution, mais qu'elle allait être fatale.

« Vive la Républiquequand même ! »

Le plus grand nombre se rangea sous la houlette du nouveau pasteur qui, à leurs yeux, par son passé glorieux, apportait toutes les sécurités. Les autres, dans un réflexe venu de leur profond attachement à la démocratie, se cabrèrent. Ils choisirent de subir l'opprobre et de courir les risques qu'entraînerait leur refus. Ils étaient quatre-vingts seulement auxquels le président du Sénat, Gérard Larcher, vient de rendre hommage, rappelant que « le courage doit toujours l'emporter sur la facilité ».

Aujourd'hui, on peut se demander ce qui avait départagé les uns des autres. Quelle certitude, quel sentiment profond, quelle folle espérance avaient guidé leur choix ? Était-ce simplement la sécurité pour les uns, l'évidence qu'il n'y avait pas d'autre chemin, la peur, la volonté de redonner une cohésion à un peuple effaré ? Sans doute tout cela. Mais les autres, contre vents et marées, s'accrochaient à leurs principes démocratiques et patriotiques. En démocrates, ils ne pouvaient concevoir un régime de type dictatorial où un seul commanderait tous les autres. En patriotes, ils ne pouvaient se résigner à entrer dans la voie de la collaboration avec l'ennemi qui occupait le sol de la patrie. En démocrates encore, ils ne pouvaient admettre de collaborer avec cet ennemi si particulier qui promouvait une doctrine fondée sur la haine de catégories entières d'êtres humains.

Les seconds eurent raison, mais on ne le sut que quatre ans plus tard, après bien des souffrances. Cependant, les premiers étaient approuvés et suivis par l'ensemble du peuple français. Le maréchal Pétain ne fut-il pas acclamé à Paris en avril 1944 ? Seulement, quatre mois plus tard, les Parisiens faisaient un triomphe au général de Gaulle...

Comment choisir entre la peur et les principes, entre le pragmatisme et l'idéal ?

À la fin de la séance du vote du 10 juillet 1940, quelqu'un, dans l'hémicycle, s'écria : « Vive la République quand même ! » Cette République allait, malgré tout, disparaître, cette République que nous honorons aujourd'hui, soixante-dix ans après ces heures tragiques et chargées de leçons.
François Régis Hutin

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