Le 1er mai, qui a moyennement mobilisé les organisations syndicales, est la journée internationale des travailleurs depuis le XIXe siècle ; il rappelle la conquête, de haute lutte aux États-Unis, de la journée de huit heures. Dans notre bassin d'emploi transfrontalier, c'est aussi l'occasion de s'interroger sur le sort fait au travail, à ses conditions et à sa rémunération de part et d'autre du Rhin. La question n'est pas nouvelle : les syndicats français et allemands ont par le passé eu à coeur d'incarner une solidarité du monde du travail, visible sur les ponts. Cela n'a pas été le cas, même symboliquement, cette année.
Les conditions offertes de part et d'autre n'invitent pas à resserrer les liens. L'Alsace laborieuse est en train de découvrir avec effroi le chemin parcouru par l'Allemagne dans la reconstruction de sa compétitivité en matière de travail. Deux arbitrages récents illustrent l'enjeu stratégique de cette reconquête.
Ainsi, le groupe américain Steelcase a préféré une unité bavaroise pour réallouer des actifs français. Ainsi, le français PSA a choisi un nouveau fournisseur, en Allemagne, pour fabriquer et livrer les sièges des futurs modèles construits à Mulhouse, au détriment d'un site alsacien. Ces exemples vont sans doute se multiplier.
Dans ces affaires, le tissu économique n'est pas confronté, comme il a pu l'être, à la « délocalisation » qui s'exerce au bénéfice de pays plus ou moins lointains aux coûts de production imbattables. Non, on est là face à un phénomène de pure proximité, à l'intérieur d'un ensemble socio-économique cohérent, aux niveaux de vie proches et dans un marché uni. C'est un fait : l'Allemagne du travail est devenue plus compétitive que la France.
La ministre Christine Lagarde n'a pas hésité, il y a quelques semaines, à prendre le risque de stigmatiser le modèle allemand fondé sur le tout export et la modération salariale. Égoïste, en un mot. L'élève moyen attaquant la tête de classe, la charge en a indisposé plus d'un. Sous l'angle macro-économique, la voie allemande affecte naturellement tous ses partenaires qui réclament de la réciprocité. D'un point de vue territorial, qui est le nôtre, l'Alsace a beaucoup à perdre d'un affaiblissement de sa position compétitive face à l'Allemagne ; des dizaines de milliers d'emplois en dépendent. Et il ne s'agit pas de frontaliers.
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