Une nouvelle grève générale est annoncée pour le 20 mai en Grèce, contre le plan de rigueur annoncé par le gouvernement. En même temps, environ 55 % des Grecs, selon des sondages, ne sont pas rebelles à la perspective de l'effort douloureux imposé par la situation. Et les autres peuples européens sont assez informés pour ne pas se bercer d'illusions quant à la possibilité d'échapper à des coupes claires. Mais tous y mettent une condition de nature démocratique : l'équitable participation de tous à l'effort commun.
Lorsque le bateau prend l'eau, il est normal que tous les passagers se mettent à écoper. Des sacrifices, oui sans doute. Des sacrifiés, non. Tel est leur message de justice sociale élémentaire.
Deux lignes prioritaires d'action en découlent quand on évoque les rémunérations et la fiscalité.
S'agissant des rémunérations, la tendance, en France comme ailleurs, est à l'élargissement de l'écart entre la base et le sommet. Selon l'Insee, depuis 2004, les iné-galités ne cessent de croître. Tandis que le nombre des travailleurs pauvres (moins de 910 € mensuels) vient de passer de 13,1 % à 13,4 % ¯ soit plus de 8 millions de personnes concernées ¯ le revenu des plus aisés s'envole : 28 % de personnes en plus dans la tranche supérieure à 100 000 € et 70 % dans la tranche au-dessus de 500 000 €.
Et l'Insee souligne qu'au sein du groupe des plus aisés (6 000 personnes), le revenu s'étale de 688 000 à 13 millions d'euros, soit 700 fois le revenu médian. Certes, aux États-Unis, l'écart court vers les 1 000 et même, dit-on, les 10 000 fois le salaire de base ! La démesure vire à l'indécence.
Souvenons-nous de la règle énoncée au XIXe siècle par le banquier américain J. P. Morgan : « Je ne prêterai jamais à une entreprise dont le patron gagne plus de vingt fois le salaire du plus mal payé de sa maison. » Henry Ford allait jusqu'à 40 fois.... Ce qui fait, à l'heure actuelle, un maximum, tout de même confortable, de 500 000 € annuels. Presque une « misère » au regard des millions d'euros de la plupart des dirigeants du CAC 40. De là l'idée avancée par plusieurs économistes, en mai 2009, d'un plafonnement imposé du salaire, rejoignant la suggestion du « comité d'éthique » du Medef, d'une « rémunération des dirigeants... mesurée, équilibrée, équitable ». Quant aux traders, il suffirait de suivre la suggestion de Joseph Stiglitz, de les associer autant aux pertes qu'aux profits.
S'agissant de la fiscalité, la Déclaration des droits de 1789 parlait d'une contribution « répartie entre les citoyens en fonction de leurs facultés ». Un principe aujourd'hui mis à mal. De bouclier en niches fiscales ¯ on en dénombre 470 ! ¯ le taux moyen d'imposition est de 20 % alors que, selon l'Insee, si on appliquait le barème de l'impôt sur le revenu, on en serait à 36 %. Le problème éclate au grand jour lorsqu'on apprend que, par le jeu cumulé des exemptions, en 2008, treize contribuables disposant chacun de 15,53 millions d'euros de patrimoine déclaraient un revenu fiscal de 3 753 € et acquittaient... 47 € d'impôt. Et cela avec la meilleure conscience du monde puisque c'est légal.
Si on ne travaille pas d'urgence à l'instauration d'un véritable « impôt citoyen » sur les revenus, comme le suggère l'économiste Pierre-Alain Muet, chacun aura, à l'heure de l'effort collectif, les meilleures raisons de s'y soustraire.
L'équité est aussi mère de l'efficacité.
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