TOUT EST DIT

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mercredi 21 avril 2010

Retour vers hier


Dans ses épisodes les plus noirs, l'histoire a souvent montré que les soulagements immédiats ne faisaient que différer les changements inéluctables. Qu'ils anesthésiaient la lucidité sur le long terme, et qu'ils retardaient les adaptations nécessaires aux exigences des temps nouveaux.
C'est cette même aspiration, fort humaine au demeurant, au « retour à la normale » qui habite l'ensemble du continent européen ce matin. Même si elle reste partielle et peut être provisoire, la reprise progressive des vols au dessus de l'Europe nourrit ce sentiment rassurant. Vite, vite, effacer de nos esprits ce gros nuage noir sur l'horizon de notre organisation quotidienne ! On a même entendu le présentateur d'un journal matinal à la radio se réjouir avec candeur du retour dans le ciel bleu des « jolies traînées blanches laissées par le kérosène ». Cinq jours sans avions seraient-ils donc une épreuve aussi insoutenable que cela pour nos sociétés ? Pour le coup, ce constat est presque plus inquiétant que les humeurs du volcan islandais.
Bien sûr, nous compatissons avec les milliers de naufragés du ciel ; qu'ils en finissent avec la galère qu'ils subissent soir après soir en attendant d'être rapatriés. Et nous sommes tous heureux à l'idée qu'ils en terminent rapidement avec une attente qui prend un tour bien plus difficilement supportable quand on la vit que quand on la commente.
Mais cette crise du ciel inattendue ne doit pas être considérée comme un accident qu'il faudrait oublier. C'est un avertissement qui rappelle notre vulnérabilité devant les lois de la Terre au moment même où les voix écolo-sceptiques voudraient faire croire que la volonté des hommes peut s'en affranchir. Et que de toutes façons, elle saura toujours les dominer.
Dans la confusion générale, on confond tout : l'obligation de la sécurité et le principe de précaution. Dans l'impatience d'une sortie de crise tant espérée, les considérations économiques font passer tout l'élan du Grenelle et le souffle de l'avant-Copenhague au second plan. Quand un ministre, Patrick Devedjian, annule, lundi, un déplacement... à Brest au motif qu'il « n'y a pas d'avion », on tremble un peu : non seulement le TGV n'est pas un réflexe pour les déplacements ministériels, mais il n'est même pas envisagé comme une solution alternative simple et économe.
Un seul objectif tend ces journées : surtout, que rien ne change vraiment. Que tout redevienne comme avant... Le volcan a projeté l'humanité dans une situation du futur, grandeur nature et on voudrait fermer les yeux. Il faut, au contraire, s'emparer de ce scénario d'anticipation pour changer nos habitudes, nos façons de voyager, notre rapport au temps et à la vitesse. Pour prendre de l'avance sur demain, afin de l'accueillir avec sérénité.

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