TOUT EST DIT

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mercredi 21 avril 2010

Ces Américains qui disent « non »


Qui sont-ils, ces nouveaux rebelles dont l'apparition sur la scène politique, l'été passé, a failli tuer la réforme des assurances santé promise par Barack Obama ? Ce serait trop simple d'y voir une réaction raciste à l'élection du premier président noir ; trop facile aussi de les considérer comme les laissés-pour-compte de la crise financière.

Si l'on n'est pas surpris d'y trouver une forte majorité blanche et masculine, âgée de plus de 45 ans, un récent sondage du New York Times indique que plus de 68 % se considèrent comme membres de la classe moyenne et que les revenus de 20 % d'entre eux dépassent les 100 000 $ (environ 75 000 €). Malgré un chômage proche de 10 % de la population, ils sont 70 % à décrire leur situation économique comme « plutôt bonne ». On constate aussi qu'ils sont bien éduqués (37 % de diplômés universitaires contre 25 % du public général).

Il y a, bien sûr, un revers de la médaille en ce qui concerne la question raciale. Il ne s'agit pas de racistes déclarés, mais 52 % affirment que « le gouvernement prête trop d'attention aux problèmes des Noirs ». Si une telle attitude reflète un progrès social ¯ le racisme ouvert n'est plus de mise ¯ le ressentiment est retourné contre un gouvernement qui ne se préoccupe pas « des gens comme nous ». Ils sont même 73 % à dire que « le pays ne nous appartient plus ».

Le nom que s'est donné ce nouveau mouvement reflète cette aliénation politique. La première Tea Party qui eut lieu à Boston en 1773 exprimait le refus des colonies à payer des taxes sur l'importation du thé britannique. Ceux qui se veulent ses héritiers contemporains ajoutent à ces motifs fiscaux une attaque en règle contre les déficits qui menaceraient l'avenir de la République.

Que 90 % des adhérents du Tea Party critiquent la politique d'Obama, c'est une chose ; mais, quand on voit que 92 % expliquent que cette politique vise à instaurer le socialisme, on se demande comment ils voient au juste la politique. Un autre chiffre renforce les doutes. Ils sont 63 % à regarder la chaîne de télévision Fox (chaîne conservatrice, propriété de Murdoch), alors que seulement 23 % du public général y puise ses informations.

Cela annonce des problèmes pour le Parti républicain. En 1992, le mouvement antidéficit créé par le milliardaire Ross Perot avait glané 19 % des voix qui avaient sans doute coûté à George Bush senior sa réélection. Or, le récent sondage donne 18 % à la Tea Party. Mais celle-ci n'a pas de leader présidentiable. Soit elle déborde le Parti républicain, soit elle est récupérée par lui, ce qui accentuerait son caractère antipolitique et son obstination à dire « non » aux réformes.

Une telle droite avait émergé au début des années 1960, alors que J-.F. Kennedy devenait le premier président catholique. Elle utilisa même des réflexions du sociologue Max Weber sur le « statut social » et ce qu'il assure à l'individu. À ce moment-là, la montée d'une droite radicale représentait la réaction angoissée d'une partie de la classe moyenne en train de perdre son statut.

Aujourd'hui, la Tea Party pourrait être une réaction au déclin relatif de la puissance américaine. Toutefois, rien n'assure l'imminence de ce déclin, et la culture américaine reste ouverte à « l'autre ». Les jeux ne sont pas faits.

(*) Professeur à Stony Brook University, New York, auteur d'Aux origines de la pensée politique américaine (Pluriel).

1 commentaires:

FK a dit…

je ne dirais pas qu'ils sont nouveaux, mais ils sont particulierement audibles aujourd'hui, et le delai de paiement des impots le 15 avril est une periode ou ils se mobilisent particulierement

il faut relativiser ce mouvement qui de toutes facons n'a pas de leader credible:
http://frketchup.blogspot.com/2010/02/relativiser-les-tea-party-et-sarah.html

les nouveaux leaders republicains seront ceux qui sauront se demarquer du tea party:
http://frketchup.blogspot.com/2010/03/la-fille-de-john-mccain-contre-les.html