TOUT EST DIT

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lundi 5 avril 2010

L'orgueil dangereux de la Chine


L'"ubris" cet orgueil démesuré tant narré par les Grecs n'est pas une particularité de l'histoire occidentale : la Chine d'aujourd'hui nous en donne la preuve. En effet, depuis le succès de ses Jeux olympiques et la réussite de son plan de relance économique, elle se comporte comme si elle était devenue la deuxième puissance mondiale. Mais une puissance vaniteuse, qui manifeste ouvertement son mépris pour les pays européens et le peu de crédit qu'elle leur accorde. Comme si l'Europe était devenue, pour elle, un fouillis de petits pays sur le déclin, qu'il s'agit de plumer. Et elle semonce ouvertement un président américain qui a pourtant beaucoup fait pour la ménager.

Mais là n'est pas le pire puisque, aussi bien, Obama n'a pas cillé devant les injures, et la puissance américaine, même diminuée, conserve une supériorité écrasante. Plus grave est d'abord le fait que les dirigeants chinois gèrent désormais leur économie pour peser sur le reste du monde. Ce comportement est risqué, car l'éclatement de la bulle financière chinoise pourrait engendrer de graves conséquences, d'autant que les dirigeants chinois n'ont pas encore eu le courage d'organiser la mutation nécessaire d'une économie d'exportation en économie de consommation.

Le pire est aussi que les gesticulations chinoises accompagnent une stratégie qui consiste à mettre à profit les ressources de tous ordres de notre monde, en participant le moins possible à la protection de la paix. Au risque, comme dans les affaires nord-coréenne et iranienne, d'interdire toute solution concertée. La Chine veut bien piller, au mieux acheter, mais non donner.

C'est enfin que ce régime, si modeste quand il avait besoin d'aide, se donne aujourd'hui en modèle au reste du monde, offrant aux tyrans corrompus de la planète, de Moscou à Khartoum, la possibilité de parer leurs exactions du prestige de la réussite chinoise. À l'heure où le modèle démocratique vacille et où nos économies stagnent, le danger est réel d'un désastreux clivage faussement idéologique, qui ne ferait que retarder les nécessaires entreprises de coopération.

On peut trouver des excuses aux dirigeants chinois. L'Occident a souvent traité scandaleusement mal leur pays ; leurs succès reposent aussi sur l'intelligence et les sacrifices ; ils ont été facilités par les politiques simplistes des dirigeants occidentaux et l'avidité de nos hommes d'affaires. L'ubris dont Pékin fait preuve aujourd'hui ne peut faire oublier la modestie que Deng Xiaoping prônait, la profonde amitié que le peuple chinois voue au reste du monde et, bien sûr, la nécessité de laisser à la Chine une place de choix dans la direction des affaires du monde.

Il n'empêche. Le temps est venu de changer de ton à l'égard du gouvernement chinois. S'il veut notre amitié, il faudra désormais qu'il la mérite.

(*) Directeur de recherche au Ceri-Sciences Po. Auteur de La Chine m'inquiète (Perrin).

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