Le plus dur de la crise « grecque » (voir mon blog) est, hélas, loin d'être passé. À leur manière, débridée et moutonnière, hystérique et spéculative, les marchés rappellent, cyniquement, que le match entre eux et les États de la zone euro ne fait peut-être que commencer. Autrement dit, les scénarios du pire reprennent vigueur : contagion de la crise grecque, éclatement de l'euro, déflagration sociale. Scénarios largement favorisés, il est vrai, par les failles de la solidarité européenne et le laxisme gestionnaire et budgétaire de certains pays.
Hier, on pouvait se rassurer à bon compte en se disant que la Grèce, c'est moins de 3 % de la production de richesse de l'Union. Marginal, epsilonesque. Aujourd'hui, avec la pression mise sur le Portugal ¯ et demain pourquoi pas l'Espagne ¯, ce n'est plus un maillon faible de l'Union qui est en jeu. C'est l'Union elle-même qui se retrouve au centre de l'offensive, à portée de fusil des spéculateurs.
Mais le Portugal et l'Espagne, voire l'Irlande, ça n'a rien à voir avec la Grèce, diront les esprits cartésiens. Certes . Leur endettement reste moins élevé. Apparemment, ils ne maquillent pas leurs comptes. À l'évidence, ils ne pratiquent pas l'indiscipline budgétaire comme sport national. Assurément aussi, ils ont une vraie administration des impôts.
Soit, mais les marchés, dans leur aveuglement panurgique, spéculatif et amoral, ne s'embarrassent pas de ce genre de considération. Ils attaquent là où ils sentent que c'est fragile et où ça peut rapporter gros. La Grèce d'abord, puis le Portugal, puis... En provoquant l'envolée des taux d'intérêts et le risque d'asphyxie financière, le message agressif des marchés est clair. La pérennité de l'Europe et de l'euro, c'est le cadet de leurs soucis. Bref, la sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus tout à fait un fantasme, l'éclatement de l'euro n'est plus une simple prévision d'eurosceptique à tous crins.
Le scénario catastrophe n'est pourtant pas une fatalité. À court terme, une fois passées les élections régionales allemandes (le 9 mai), on peut même espérer que les politiques européens feront, aux côtés du FMI, le minimum vital pour cimenter la solidarité autour du maillon faible grec et bloquer l'effet domino.
Pour peu que Angela Merkel y mette un peu du sien ¯ et cela se dessine dans ses déclarations ¯ la résolution de la crise de liquidités immédiate est à portée de bourse. C'est en tout cas son intérêt économique bien compris. Puisque l'Europe reste le principal débouché de l'Allemagne, mieux vaut qu'elle reste stable et en bonne santé, en mesure d'acheter allemand pour tout dire. C'est aussi l'intérêt de la France dont les deux tiers des exportations sont concentrées sur l'Union... Et dont les banques sont les premiers prêteurs de l'État grec.
La Grèce, et le cas échéant, le Portugal, peuvent être sauvés de l'étranglement financier. Mais aucun chèque de soutien massif de l'Europe ou du FMI ne saurait les guérir de leurs maux structurels et les rendre solvables comme par miracle. Tant que la Grèce vivra au-dessus de ses moyens et ne donnera pas de gages solides sur sa capacité à restaurer durablement et de façon autonome son économie ¯ sa compétitivité pour employer le gros mot qui fâche à Athènes ¯ elle restera le boulet et le « paria » de l'Europe, la cible toute désignée des spéculateurs.
Disons-le aussi nettement, tant que l'Europe n'aura pas de politique économique coordonnée digne de ce nom, c'est toute l'Union qui demeurera dans l'oeil du cyclone.
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