Il joue et chante. Il évoque son grande-père maternel Abraham et le destin funeste de toute sa famille. Il est seul en scène, dans un petit costume d'autrefois. Il bouleverse en racontant, en se souvenant, en faisant revivre des hommes et des femmes d'autrefois...et en chantant !
Il est comme l'image. Un peu gourd dans son costume. Les bras ballants. Mais pas l'air paumé. Michel Jonasz est juste comme l'homme qu'il incarne : simple et sans défense. Il est connu comme chanteur. Mais il a été aussi comédien. C'est en lui. Il a joué, tourné. Et il avait en tête cette histoire. Il s'était promis de la raconter.
Et voilà : Michel Jonasz incarne son grand-père maternel Abraham. Cela commence d'une manière très forte et ne laisse aucun doute sur le dénouement : l'homme démuni est dans l'enfer des camps. On lui demande d'abandonner ses vêtements pour passer sous la douche. La douche, il sait où cela mène...
Une heure trente durant, avec une bande son, pas d'autre appui qu'un banc de bois, un de ces bancs publics comme il y avait dans les pays de l'Est, avant la guerre, pas d'autre décor que ce banc et quelques lumières, Michel Jonasz fait revivre ce petit peuple, ces gens qui parlent le yiddish, se chamaillent comme de bons voisins, ont les rêves simples des êtres qui sont heureux d'une vie de village, qui croient en Dieu, qui respectent religion et rites, qui se marient et ont des enfants. Beaucoup parfois. Sept pour Abraham, le grand-père maternel, cantor comme son père, chanteur comme le sera, par-delà les années, son petit fils Michel...
Abraham est né en Pologne. Vers l'âge de vingt ans, il quitte ce triste pays pour la Hongrie. Il ne sait pas qu'il retrouvera un jour sa terre natale...et ce sera pour le pire...Il rencontre sa femme. Ils ouvrent un petit commerce d'épicerie. Abraham est aussi "cantor" donc. Jonasz passe des anecdotes, des moments à plusieurs voix (car il joue Abraham, ses amis, et un peu de sa famille !!!!), au chant, aux moments de silence. C'est plein de rires et de larmes, c'est plein d'histoires juives, comme on les connaît, mais en plus "personnel", c'est plein d'un humour étrange, franc et douloureux à la fois. C'est plein de la sensibilité de l'artiste Michel Jonasz. Il joue, il compose. Il se tait. Et il chante aussi...il chante des chansons composées spécialement pour ce spectacle, cette évocation tendre et amusée.
Et la voix de Jonasz, elle est unique. Elle ne se raconte pas. Elle bouleverse. On rit, on sourit. On éclate de rire parfois. Ce qui ne veut pas dire que les vérités ne sont pas là, qui explosent et nous interpellent...Les enfants : ceux qui s'étaient exilés en France, cinq enfants, qui ont fait de belles études, médecin, dentiste, intégrés, loin des parents et des deux petits derniers, seront pour certains déportés et disparaîtront comme disparaîtra leur père Abraham dans un camp...
C'est un très beau moment de grand théâtre. Une petite comédie musicale déchirante et drôle tenue par un artiste unique, un grand artiste très sensible et lucide qui célèbre le courage des siens, leur probité. Il est très personnel et universel. Il nous fait rire et pleurer. Il est douloureux et burlesque. Un grand cantor pour un chant qui n'appartient qu'à lui : celui de sa fervente piété de fils, de petits-fils...
Petit Montparnasse, à 21h du mardi au samedi, à 17h30 le dimanche (01 43 22 83 04). Durée : 1h25 sans entracte. Un livre, un disque sont parus ou à paraître.
dimanche 18 octobre 2009
Michel Jonasz, mémoire sur un banc de bois
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