Le président de la conférence d'experts plaide pour une contribution de 32 euros par tonne de C0 2 émise dès le 1 er janvier 2010. Il envisage une redistribution aux ménages les plus touchés mais de manière « partielle » et « provisoire » . Les recettes collectées compenseraient la suppression de la taxe professionnelle afin de renforcer la compétitivité.
Moins de deux semaines auront été nécessaires à Michel Rocard, président de la conférence d'experts sur la contribution climat-énergie (CCE), pour rédiger ses recommandations sur la base du consensus dégagé le 9 juillet autour d'une quinzaine de personnalités (élus, économistes, scientifiques, etc.). Son rapport sera remis au gouvernement vendredi. Dans une version provisoire et partielle dont « Les Echos » ont pris connaissance, l'ancien Premier ministre, invité de France Inter ce matin, affiche sa préférence pour une réforme dès le 1 janvier 2010, d'autant plus acceptable que les prix du pétrole restent, à ce stade, relativement bas. Il plaide pour une taxation des seules énergies fossiles (gaz, charbon, pétrole). L'électricité, qui émet du CO lorsqu'elle est produite par les centrales à charbon (en heure de pointe), serait exclue du périmètre, étant déjà soumise au marché européen des quotas. Pour les mêmes raisons, les industries les plus consommatrices d'énergie (sidérurgie, ciment, verre, papier, etc.) ne seraient, elles non plus, pas concernées. Michel Rocard souhaite néanmoins que les prix de la CCE et des quotas convergent progressivement à l'avenir.
Proposition de « chèque vert »
Hormis ces cas, le « signal prix » devra être « lisible, prévisible, universel et éviter en particulier le piège des dérogations », alors que des propositions circulent pour exonérer les ménages modestes ou les familles nombreuses. « Pour des raisons d'acceptabilité », la tonne de CO émise serait facturée au prix de 32 euros en 2010 (le niveau de 45 euros aurait été « idéal » pour accélérer les économies d'énergie), pour atteindre le niveau de 100 euros en 2030. Cela rapporterai près de 8,3 milliards d'euros l'an prochain, dont 4,3 milliards à la charge des ménages. Appliqué aux carburants, cela reviendrai à 7,7 centimes supplémentaires par litre de sans-plomb et à 8,5 centimes par litre de gazole. Un prix de départ inférieur (de 15 euros par exemple, plus proche du marché des quotas de CO) n'est pas raisonnable si la France veut respecter son objectif de diviser par quatre sa consommation de CO à l'horizon 2050, défend Michel Rocard. « Pour marquer la visibilité du projet », la loi de Finances établissant la taxe carbone devra aussi « annoncer son taux pour les cinq prochaines années ». Et une instance devra être créée pour assumer le suivi du dispositif et traiter de son extension aux autres gaz à effet de serre (méthane, etc.). Côté compensations, Michel Rocard édulcore la proposition de « chèque vert » formulée notamment par la Fondation Hulot. Certes, une redistribution doit être envisagée « pour les ménages les plus modestes ou les secteurs les plus touchés ». La facture dépassera en effet 300 euros par an pour certains ménages (chauffage au fioul, trajet domicile travail en voiture). Mais la compensation ne devra être que « partielle » et « aussi forfaitaire que possible » (non liée à la consommation) pour ne pas affaiblir le signal prix. Elle devra également « si possible » être « transitoire ». « On pourrait essayer de tenir compte de la situation géographique [rural] ou énergétique [types de chauffage] », indique simplement le rapport, sans trancher sur la forme entre « chèque vert », « aides ciblées » ou « aides fiscales à la transition énergétique ».
La recette générée par la contribution doit surtout « permettre d'amorcer une réorganisation des prélèvements obligatoires », en faisant évoluer la fiscalité des entreprises. Objectif : renforcer la compétitivité. Si Michel Rocard souligne que « l'instauration de la CCE ne doit pas être perçue comme le financement de la réduction de la taxe professionnelle », « l'idée que la recette ainsi dégagée y concoure est admise par la plupart des parties prenantes, la priorité devant être donnée, dans l'utilisation de la recette, à la compétitivité ». Et le Premier ministre de fustiger la « curiosité du système français » que constituait la « TP » en taxant les investissements. Si des compensations sectorielles peuvent être envisagées, par exemple dans l'agriculture, Michel Rocard juge là encore qu'elles devront être limitées (lire ci-dessous).
L'Elysée a maintenant quelques semaines pour se forger son propre avis et intégrer la réforme, ce qui devrait être le cas, au projet de loi de Finances 2010.
LUCIE ROBEQUAIN ET ETIENNE LEFEBVRE, Les Echos
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