TOUT EST DIT

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jeudi 18 juin 2009

Le jour où l'opposition a implosé

Après son succès aux européennes, le président pousse son avantage.
Loin de se reposer sur ses lauriers, Nicolas Sarkozy pense déjà aux prochaines échéances : remaniement, réformes, régionales... Le président n’est pas homme à perdre du temps. « Votre boulot, a-t-il dit aux dirigeants de l’UMP dès le lendemain du scrutin, est de mobiliser nos amis. Le mien, c’est de démobiliser l’adversaire . » Sitôt les résultats des européennes connus, il met en branle un plan de bataille pour maximiser les effets du succès inespéré de l’UMP. Face à des oppositions pulvérisées, le président réagit en stratège dépassionné. Pas question d’afficher le moindre triomphalisme déplacé, telle fut sa consigne aux proches venus dès 18 heures le 7 juin à l’Elysée. « C’est un très beau succès, mais ne cédons pas au triomphalisme. Ce résultat nous donne encore plus de responsabilités », dit un Sarkozy heureux devant les chevilles ouvrières de la campagne, François Fillon, Brice Hortefeux, Xavier Bertrand, Michel Barnier, petit groupe auquel s’est jointe Carla Bruni-Sarkozy en fin de réunion, peu avant 19 heures, à l’Élysée. Le succès, estime le chef de l’État, impose des devoirs. Interpréter le message des Français qui se sont abstenus en masse ou ont indiqué leur tropisme pro-écologique a donc incité Nicolas Sarkozy à manifester immédiatement un signe de compréhension. Dès le mardi matin, il se rend en Savoie pour un déplacement qui porte sur le thème-tellement à la mode-des énergies renouvelables. Après s’être félicité devant ses troupes d’avoir « anticipé la préoccupation environnementale, cet enjeu majeur », le voilà à pied d’oeuvre.

Diable de Sarkozy ! Toujours en campagne. Intarissable défenseur de l’environnement, repeint en vert, le président épate ses interlocuteurs : « Pourquoi les gouvernements de droite comme de gauche n’ont-ils pas fait des énergies renouvelables une priorité ? Je vous le dis, la France sera le leader des énergies décarbonisées. On le fera, y compris quand ça me vaut des débats au sein de la majorité. »

Enfin seul... Nicolas Sarkozy n’a plus d’adversaire, seulement des électeurs verts à conquérir. Daniel Cohn-Bendit a déjà annoncé qu’il n’avait aucune ambition présidentielle. Les écolos sont une proie de choix que le chef de l’État va s’employer à séduire. Nul doute, par exemple, que ses Grenelle de l’environnement (1 et 2), toujours pas complètement votés, vont désormais passer fissa au Parlement. Pour le reste, la concurrence semble à terre.

Scepticisme profond

Le Parti socialiste n’en finit pas de payer ses divisions et son incurie. Quel que soit le sort de Martine Aubry (voir pages suivantes) , les différents leaders roses auront un mal de chien à s’imposer, tant le scepticisme sur la capacité des héritiers de Mitterrand est maintenant profond. Quant au MoDem... La grande peur créée ici ou là dans la majorité par la percée de François Bayrou semble évanouie. On ne se relève pas de si tôt d’une raclée pareille. On n’est jamais mort en politique, mais on peut être longtemps convalescent. Seul inconvénient, pour Sarkozy, de l’effacement du MoDem : il a dégagé du jeu un concurrent gênant pour le PS. En faisant vilipender un obsédé de la présidentielle trop oublieux de l’Europe, le chef de l’Etat aurait-il tué trop tôt l’élu de Pau ? Il aurait ainsi ouvert la voie à une alliance arithmétiquement non négligeable entre le Front de gauche, le PS, les Verts et les restes du centre. C’est pourquoi le président songe d’abord à renforcer son propre parti.

Pas question de perdre une seconde. Lundi matin, devant les dirigeants de l’UMP, Sarkozy masque à peine son impatience tandis que Xavier Bertrand, dans son propos liminaire, se congratule des résultats de son parti. Le chef de l’Etat, qui tapotait la table des doigts, en bras de chemise, pseudo-décontracté, prend alors la parole : « Voilà ce que l’on va faire . » Ses mots d’ordre : poursuivre l’ouverture- « Il faut absolument sortir du carcan UMP, y compris à l’intérieur de la majorité. Quand je pense à ces critiques qui reprochaient que l’on donne trois places au Nouveau Centre... » ; lancer une campagne d’adhésion de grande ampleur à l’UMP ; vérifier le financement du parti- « Il faut verrouiller les cotisations des élus » ; accentuer le renouvellement dans les fédérations- « Les mauvais, on les vire. » Au passage, il porte un jugement sur ses ministres issus de la diversité : « Rachida, c’est quand même une belle sortie. En Ile-de-France, ça s’est bien passé. Rama, si elle m’avait écouté... » Est abordé le cas Hortefeux, qui se retrouve élu malgré lui en Auvergne. Depuis la veille, le président, taquin, ne cesse de l’appeler « M. le député européen » , en le félicitant de son succès inespéré. Il sera convenu que son destin ministériel sera confirmé le jour du remaniement : « Tu ne dis rien pour l’instant, on fera un paquet global la semaine prochaine. »

Quelle revanche pour un Sarkozy qui avait atteint le fond aux européennes de 1999 en menant la liste de son parti au désastre ! Et pour un président à qui on promettait une élection intermédiaire aussi difficile que les dernières municipales. Il s’est interdit de savourer trop longtemps son plaisir, conscient que d’autres échéances, moins plaisantes, l’attendaient dans l’année. Ne serait-ce que les trois prochaines élections municipales partielles provoquées par des annulations de scrutin-à Aix, Carcassonne et Corbeil. Puis viendront les régionales, qui comportent deux tours de scrutin. 28 %, c’est bien lors d’une élection à un tour. Lorsqu’il faut rassembler au second, il importe de trouver des réserves pour l’instant pas évidentes. Aujourd’hui, l’addition UMP, Nouveau Centre et MPF est loin de constituer une majorité, même si le danger Bayrou est écarté : « Ce qu’a dit Corinne Lepage [NDLR : « Je n’aurai pas fait les mêmes choix que François » ], c’est le coup de pied de l’âne », s’est réjoui le président.

Reste à gérer la suite sans fausse note. A commencer par le remaniement, toujours annoncé, pas encore réalisé. Depuis des semaines, deux écoles se battent au sein de l’Élysée à ce sujet. L’une, maximaliste, qui souhaiterait un grand coup de balai pour revivifier une équipe usée. Carla serait de cet avis.

Erreur de casting

L’autre camp, dont fait partie Patrick Buisson, prône des changements minimalistes. Pour deux raisons : 1. le vrai changement devra se produire au moment des régionales, à mi-mandat. Il ne faut donc pas brûler des cartouches trop tôt ; 2. congédier des ministres deux ans à peine après les avoir nommés équivaudrait à admettre une erreur de casting. Ce serait se tirer une balle dans le pied. Cette seconde thèse semble l’avoir emporté peu avant le scrutin, qui n’a fait que la conforter après. Pourquoi bouleverser une équipe qui gagne ? L’idée-toujours soumise à des variations possibles de dernière minute-était donc de limiter les changements de ministres à quatre départs et quatre entrées, le reste relevant de rotations internes. On citait, en début de semaine, parmi les partants, outre les noms évidents de Michel Barnier et de Rachida Dati, ceux de Christine Boutin et de Roger Karoutchi. Mais, jusqu’à l’ultime moment, tout peut changer, tant Nicolas Sarkozy a horreur de tuer. Parmi les entrants, on cite l’UMP Christian Estrosi et le centriste (encore trésorier du MoDem !) Michel Mercier. Le chef de l’Etat tient aussi à honorer la diversité. Et des représentants de tendances écolo ou de gauche sont recherchés. L’ouverture est une marque de fabrique chez Sarkozy. Déjà, ministre du Budget, il avait conservé à ses côtés des fonctionnaires de gauche. Puis, à l’Intérieur, il avait donné des preuves de tolérance en plaidant contre la double peine ou en faveur de la publication de « Rose bonbon », ce livre si controversé. Depuis qu’il est à l’Elysée, il ne cesse de chercher de nouvelles prises de guerre. On ne sait si la nomination de Claude Allègre est définitivement compromise ou non par le score de Cohn-Bendit, mais la tentation de le promouvoir, sous une forme ou une autre, est toujours là chez le président.

Ce dernier voudrait donner un sens à ses nouvelles recrues : « Le nouveau gouvernement doit être la traduction d’un projet de relance politique », explique un conseiller élyséen. Même limité à quelques individus, le remaniement devrait donc traduire les priorités du moment. L’heure reste aux réformes, au volontarisme, à l’innovation sous toutes ses formes. Le président serait ainsi tenté de lancer le chantier de la ruralité (avec grosses annonces à la fin de l’année), au moment où il pousse les feux côté écologie. Sarkozy veut également faire aboutir des réformes de fond comme celles des collectivités locales, du Code pénal, du lycée, de la taxe climat. Le social reste dans ses préoccupations : en témoigne son rendez-vous avec les syndicats au lendemain des européennes. Nicolas Sarkozy règne peut-être dans un désert, mais il sait que la nature a horreur du vide. Il prend donc ses précautions avant que le désert ne se repeuple.

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