vendredi 3 octobre 2014
Hongkong : "La Chine n'a pas intérêt à utiliser la force"
Lancé le 22 septembre, le mouvement pro-démocratie mené par les étudiants à Hongkong, région administrative spéciale de la République populaire de Chine, ne s'est pas depuis éteint. Au contraire, la tension est brusquement montée jeudi 1er octobre au soir, rapporte l'AFP: aux leaders étudiants de la "révolution des parapluies" (dont ils se sont servi pour se protéger des gaz au poivre utilisés par la police pour les disperser) qui exigent la démission du chef de l'exécutif avant minuit, le gouvernement a répondu en lançant un appel ferme à la fin du mouvement, alors que la police transportait des caisses de balles en caoutchouc.
Entretemps, en France, l'interprétation de ce soulèvement n'est pas unanime. La Tribune confronte les points de vue de deux experts: Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Iris, et Pierre Picquard, docteur en géo-politique et conférencier.
La Tribune: Comment en est-on arrivé là?
Jean-Vincent Brisset. "Malgré les promesses formulées par Pékin lors de la rétrocession d'Hongkong par le Royaume-Uni à la Chine, en 1997, les Hongkongais ont subi depuis - dans les faits plus que dans les textes - une restriction progressive de leurs libertés. Ils éprouvent aujourd'hui un sentiment d'étouffement. Si, depuis l'époque de Deng Xiaoping (qui a dirigé le pays de 1978 à 1992: NDLR), la Chine reconnaît sans doute plus d'autonomie à ses diverses régions, on sait bien que la fiabilité de Pékin est relative. A cela s'ajoute, sur le plan socio-économique, la perte progressive de la part d'activité du port de Hongkong, de son rôle de pivot des exportations, le continent - où les biens sont fabriqués - ayant acquis la capacité technique de les exporter sans passer par lui".
Pierre Picquard. "Même si, après la rétrocession à la Chine, la région administrative spéciale de Hongkong a conservé une monnaie et un système juridique spécifiques, hérités du protectorat britannique, jusqu'à présent la population hongkongaise n'a jamais élu directement son gouvernement. En approuvant l'instauration d'un suffrage universel à Hongkong en 2017, le Parlement chinois a ainsi réalisé une grande avancée, surtout si l'on considère qu'il n'était en rien lié, juridiquement, à d'éventuelles promesses formulées vis-à-vis des Britanniques, puisque Hongkong est aujourd'hui soumis à la souveraineté chinoise. Une seule limite a été posée par Pékin: que les candidats soient choisis par un comité local, qui existe depuis la domination britannique. On aurait donc pu plutôt s'attendre à un accueil positif de cette mesure par la population, d'autant plus qu'en termes de libertés individuelles le territoire reste privilégié par rapport au reste du continent. Or, on assiste au contraire à une protestation, dont le caractère très structuré laisse douter de sa spontanéité et oblige à s'interroger sur ses réelles sources. Ceci est d'autant plus surprenant que Hongkong, qui, sous le Royaume Uni, était déjà une place économique et financière puissante, tire aujourd'hui de nouveaux et importants profits de la croissance et de la dynamique chinoise".
LT. Que peut faire le gouvernement chinois pour enrayer le mouvement?
JVB. "10% de la population d'Hongkong est étrangère, provenant essentiellement des Philippines mais aussi dans une large proportion de l'Occident. Ceci constitue pour Pékin le principal obstacle à l'utilisation de la force. Mais les intimidations, la déconsidération, la désinformation restent des armes considérables dans les mains du gouvernement".
PP. "Engagée dans un processus de réformes, la Chine n'a aujourd'hui pas intérêt, en termes d'images, à utiliser la force: la dimension symbolique revêtue par Hongkong est trop puissante. Si elle pourrait certes intervenir en cas de dérives, elle semble préférer laisser les autorités locales gérer le conflit. Celles-ci, craignant une déstabilisation, ne laisseront toutefois pas perdurer l'anarchie."
LT. Que dire des réactions de la communauté internationale?
JVB. "Si certains pays tels que la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni et le Japon ont déjà eu le courage de taper sur la table, ce ne sera sans doute pas le cas de la France".
P.P. "La montée en puissance de certaines prises de position en Occident risque seulement d'exacerber le nationalisme qui commence à se manifester en Chine. Le point de vue occidental n'est en effet pas forcément partagé par le grand public chinois qui, à 97%, soutient son gouvernement".
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