samedi 13 septembre 2014
Mariage pour tous : la droite et Sarkozy à l'heure des choix
Après l'avoir combattu à l'Assemblée et dans la rue, la droite reviendra-t-elle sur la loi Taubira ? Pour Vincent Tremolet de Villers, cette affaire dépasse largement le mariage gay.
Il y a quelques mois encore, Laurent Wauquiez ne mâchait pas ses mots: «Le rôle de la droite expliquait-il, n'est pas d'être le notaire d'une soi-disant modernité imposée. Elle doit donner des repères, défendre des valeurs et revenir sur la loi Taubira.» Depuis 2013, les foules se sont dispersées et avec elles l'intensité d'un débat qui pendant un an a divisé le pays. Pour les présidentiables de la droite, l'affaire semble acquise: «Le mariage pour tous, je m'en fous. Ce n'est pas un sujet», aurait lancé, à en croire Le Nouvel Observateur,Nicolas Sarkozy. Alain Juppé déclare à Valeurs actuelles au sujet du mariage pour tous: «Je crois qu'il s'agit d'un acquis, qui a été intégré par la société française.»Xavier Bertrand et François Fillon assurent quant à eux vouloir réécrire la loi pour supprimer les possibilités d'adoption par les couples homosexuels et réduire, dans les faits, le mariage entre personnes de même sexe à une union civile. En vérité, ils voudraient tous passer à autre chose. Sept mille mariages gays ont été célébrés en 2013 et la crise économique impose, pensent-ils, d'autres urgences. La difficulté pour la droite est que cette loi est beaucoup plus qu'un simple texte législatif. L'affaire est d'abord symbolique. Depuis 1984, nous n'avions pas vu de telles foules dans la rue contre un projet de loi.
Trois manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes, une pétition avec 700 000 signataires: la lutte contre la loi Taubira a fait naître une génération politique. Autre nouveauté, la jeunesse des manifestants. Les lodens des quinquas de 1984 ont été remplacés par les sweats de dizaines de milliers de jeunes gens. Et des vocations politiques sont nées. À l'UMP dans le courant Sens Commun, mais aussi derrière Hervé Mariton, Laurent Wauquiez ou La Droite forte. En marge des partis, les Veilleurs ou le laboratoire d'idées Fonder demain veulent influer sur la vie publique. Ces novices ont leur combat fondateur, leur «Mai 68 conservateur» (Gaël Brustier). Ils ne pourront pas laisser dire que cette mobilisation était vaine et rétrograde. Qu'il s'agissait des derniers feux d'une France qui meurt. Dernier symbole enfin: considérer cette loi comme intouchable, c'est donner indirectement raison à ceux qui ont comparé les foules qui l'ont combattu aux «forces sombres».
L'enjeu, ensuite, est idéologique. Il plonge aux racines de la droite. Ne pas abroger ou revenir sur une loi aussi fortement disputée reviendrait à reconnaître un sens de l'histoire. À considérer que la gauche est «le parti de demain». Qu'il lui appartient de faire évoluer la société, quand la droite s'occuperait de la bonne gestion de l'économie et de la sécurité des personnes. Ne pas défaire ce que la précédente majorité a fait confirmerait, une nouvelle fois, la domination culturelle de la gauche. La légalisation de la PMA pour les couples de femmes, puis de la GPA apparaîtrait donc, à terme, comme des progrès inéluctables. Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012 avait remis en cause ce pouvoir culturel en essayant de réconcilier tradition et modernité, ouverture et protection. On l'imagine mal revenir en affirmant que ce qu'a fait son successeur est gravé dans le marbre, que la volonté politique ne peut rien contre une loi votée dans une atmosphère électrique et un pays divisé. Sauf à faire ce choix pour des raisons stratégiques. Le score que l'on prête déjà à Marine Le Pen obligerait, dit-on, le candidat de la droite à se recentrer et à devenir un candidat de rassemblement et d'apaisement pour l'emporter largement au deuxième tour de l'élection présidentielle face à la candidate du Front national. Cela reviendrait à sacrifier une partie de l'électorat traditionnel de l'UMP, à la jeter dans les bras de Marine Le Pen (ou des abstentionnistes), pour gagner des suffrages au centre et à gauche. Refaire en grand ce qu'avait été l'ouverture (et la nomination de Bernard Kouchner au gouvernement) au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. La difficulté est que l'ancien chef de l'État a trouvé, depuis deux ans, ses meilleurs soutiens dans cette droite des valeurs. Peut-il prendre le risque de la décevoir?
Choix symbolique, doctrinal, stratégique: la manifestation du 5 octobre pour la famille et contre la GPA concernera donc moins François Hollande et le gouvernement que la droite et Nicolas Sarkozy.
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