samedi 13 septembre 2014
Impôt : vers le totalitarisme fiscal ?
Les impôts et les cotisations obligatoires constituent une opportunité sans précédent pour accumuler des informations individuelles qui, à terme, représente une menace considérable pour nos libertés.
L’apparition de l’État-providence au 20ème siècle a conduit à multiplier les impôts et à promouvoir l’interventionnisme économique et social, en particulier sous la forme de systèmes de protection sociale financés par cotisations obligatoires. Les dirigeants politiques de gauche ou de droite sont devenus des virtuoses de la communication dans ce domaine, sur un registre d’ailleurs simpliste mais efficace : augmenter les prélèvements obligatoires est un progrès pour tous, y compris pour ceux qui les payent. Il fallait y penser. Ce tsunami d’impôts et de cotisations obligatoires constitue aussi une opportunité pour accumuler des informations individuelles qui, à terme, représente une menace considérable pour les libertés publiques. Sans nous en rendre toujours compte, nous sommes déjà sur ce que Hayek appelait La route de la servitude.
La progressivité, prétexte à inquisition fiscale
Il n’est pas admissible que l’État, sous couvert d’efficience fiscale, accumule une information financière sur les revenus et les patrimoines. Cette fonction appartient aux instituts de statistiques mais de façon totalement anonyme. L’impôt progressif sur le revenu global des foyers fiscaux est donc attentatoire à la liberté. Il nécessite en effet une base de données nominative de l’ensemble de la population, mise à jour annuellement à partir des déclarations de revenus obligatoires. Le libéralisme suppose une imposition du revenu à caractère proportionnel (flat tax) qui n’exclut d’ailleurs pas les préoccupations sociales. En effet, le mécanisme de l’impôt négatif est parfaitement adapté à l’impôt proportionnel : au-dessous d’un certain niveau de revenu, au lieu de payer, le contribuable reçoit de l’argent.
La justification d’une telle position de principe en faveur de la proportionnalité de l’impôt est double. D’une part, la globalisation des revenus n’est plus nécessaire : la taxe proportionnelle s’applique à tous les revenus non exonérés sans qu’il soit nécessaire de connaître le revenu global par foyer fiscal. D’autre part, les innombrables mesures interventionnistes (dites niches fiscales) liées à l’impôt progressif ne peuvent plus être maintenues. Ces mesures fiscales ne sont qu’un affichage politicien permettant à tel ou tel parti d’affirmer qu’il favorise les énergies vertes, les restaurants du cœur, le financement des syndicats, les investissements outre-mer, etc. Il y en a des centaines. L’évaluation a posteriori de l’efficacité de ces dispositions complexes n’a jamais lieu. Il s’agit d’un sordide jeu politicien que la technocratie d’État met au service des partis et de leurs leaders.
La taxation des patrimoines, diktat idéologique
Le même raisonnement doit évidemment s’appliquer à tous les impôts supposant une globalisation nominative. Ainsi, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et les droits de succession sont actuellement calculés en appliquant un barème progressif à tout le patrimoine taxable ou à la totalité de la succession (à la part de chaque héritier pour être exact). Cette modalité n’est pas acceptable. Il est possible, si l’on respecte les libertés individuelles, de taxer tel ou tel élément de patrimoine, mais jamais d’utiliser le droit fiscal pour surveiller, comme un Big Brother économique, l’évolution des patrimoines individuels.
En ce qui concerne les droits de succession, l’État n’a évidemment pas à décider que les transmissions en ligne directe sont acceptables jusqu’à un certain niveau (actuellement en France abattement de 100 000 € par part) mais fortement taxables au-delà d’un certain seuil (actuellement taux de 45% à partir de 1 805 677 €). Il n’a pas non plus à spolier ceux qui veulent transmettre en dehors de leur famille (taux d’imposition de 60% sur le total de la succession). La seule solution respectant le libre choix individuel est une taxe proportionnelle à taux unique sur les éléments transmis. Tous ces exemples prouvent, s’il en était besoin, que la fiscalité repose sur une idéologie commune aux partis de droite et de gauche plaçant le pouvoir économique et financier de l’État au-dessus du respect des libertés individuelles. En réalité, une caste de politiciens et de technocrates est parvenue à imposer à la population l’idée que son énorme pouvoir financier est légitime et représente l’intérêt général. L’argument invoqué est toujours le même : l’onction de l’élection transforme ipso facto les politiciens en représentants totalement désintéressés gérant l’argent public avec le souci constant de l’intérêt général. Les multiples « affaires » montrent ce qu’il en est vraiment. Les élections sont en réalité devenues l’un des principaux mécanismes de promotions d’ambitieux sans scrupules comme le Rouge (l’armée) et le Noir (l’Église) pouvaient l’être, selon Stendhal, au 19ème siècle. Nos élus sont les Julien Sorel d’aujourd’hui.
La technologie au service de l’inquisition
L’écotaxe poids lourds française, récemment abandonnée, est un autre exemple très illustratif des dérives de l’appareil d’État dans le domaine fiscal. La problématique est connue : les poids lourds dégradent le réseau routier et rejettent dans l’atmosphère quantité de polluants puisqu’ils sont équipés de moteurs diesels. Comment faire payer une taxe de circulation à l’ensemble des poids lourds, qu’ils soient français ou étrangers ? La solution consensuelle droite-gauche-écologistes a été la suivante : installer un énorme système de surveillance électronique sur le réseau routier, hors autoroutes. Les déplacements des poids lourds seront ainsi minutieusement enregistrés et le montant de la taxe sera fonction de la distance parcourue. Politiciens et technocrates étaient visiblement très fiers de cette avancée nouvelle de l’inquisition fiscale. Ils disposeraient désormais d’un fichier nominatif des déplacements professionnels. Merveilleux ! Ils n’avaient pas tenu compte des chouans bretons et vendéens, les bonnets rouges, qui n’ont cure de ces petits calculs mais sont prêts à se battre pour la liberté et la survie de leurs entreprises. L’État a dû reculer et Ségolène Royal, nouvelle ministre en charge du dossier, visiblement mal à l’aise, a considéré que l’écologie ne devait pas être « punitive ». Dont acte.
De mauvaises solutions pour conserver tout le pouvoir fiscal
Cet épisode emblématique du comportement des États est significatif au moins à deux égards. D’une part, les gouvernants n’hésitent pas à enfreindre les libertés individuelles s’ils sont acculés financièrement : il s’agissait ici de se procurer des ressources pour financer le réseau routier. Parsemer le pays de portiques électroniques de contrôle ne leur a pas paru choquant. Mémoriser tous les déplacements professionnels leur a semblé normal. Disposer d’un système électronique de surveillance potentiellement utilisable à des fins inconnues ne leur a pas posé de problème éthique. Nos dirigeants, noyés dans les problèmes techniques, n’ont plus la hauteur de vue qui s’impose à leur niveau de responsabilité. Un autre aspect du problème n’a pas été évoqué et il est pourtant essentiel. En soi, le principe d’une taxe contributive, spécifique aux poids lourds, est acceptable. Mais il y a deux façons de taxer, sans flicage électronique, les déplacements des poids lourds : au niveau européen ou au niveau national. S’il s’agit de faire contribuer les poids lourds nationaux ou étrangers au financement du réseau routier, la bonne solution consiste à instituer une taxe annuelle européenne : elle touchera presque tous les utilisateurs du réseau routier. Pour ceux qui viennent de l’extérieur de l’espace européen, il suffit de percevoir une taxe à la frontière européenne et à chaque passage. Le consensus européen sera sans doute difficile à obtenir, comme toujours. Mais surtout, et voilà l’essentiel, l’État-nation ne veut pas se départir de son pouvoir fiscal au profit d’une entité supranationale. L’État-nation, c’est-à-dire ceux qui le dirigent, un tout petit nombre. Restreindre les libertés des citoyens est pour eux une meilleure solution qu’abandonner une once de leurs prérogatives fiscales.
L’endettement, garantie d’augmentation future des impôts
Le financement de la protection sociale (santé, retraites, chômage) a été réalisé partiellement à crédit depuis plusieurs décennies. L’État français a dû instituer la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale), structure de cantonnement de la dette sociale accumulée. Une ressource spécifique à large assiette a été créée (la CRDS) qui devait permettre à la CADES d’amortir en un temps donné la dette sociale. Échec complet. Les régimes de protection sociale obligatoires restant lourdement déficitaires, les gouvernements successifs n’ont jamais cessé de transférer de nouvelles dettes à la CADES. L’en-cours de dette sociale géré par cet organisme dépasse aujourd’hui les 140 milliards d’€. Un tel mécanisme de financement permet à la gouvernance politique de promettre des avantages sociaux pendant les campagnes électorales, de les mettre en place ensuite et de faire supporter le paiement effectif par des prélèvements obligatoires futurs, nécessaires pour rembourser la dette accumulée. Il s’agit donc, comme pour tout endettement, de recevoir dans l’immédiat un avantage qui sera payé dans l’avenir. Doit-on reprocher à des électeurs mal informés des réalités financières de vivre aux dépens de leurs enfants qui devront rembourser leurs dettes ? Non, bien évidemment. Mais il est impératif, nécessaire, indispensable de reprocher férocement à ceux qui nous dirigent de promettre ce qu’ils savent ne pouvoir donner que par l’hypocrisie et la gabegie publique. Endetter un pays à hauteur de presque 100% de son PIB, c’est évidemment restreindre la liberté de choix des générations futures ; c’est faire peser sur elles une charge fiscale énorme et leur léguer des contraintes de gestion colossales, privatives de liberté. Nous payons encore aujourd’hui le vote de la retraite à 60 ans pour tous instituée en 1982 par François Mitterrand et tous les irresponsables dont il s’entourait (dont François Hollande). Les contraintes financières inhérentes à ce régime inadapté grèvent lourdement la compétitivité de l’économie française. Les données démographiques étaient parfaitement connues en 1982. Ces gens-là n’ont aucune excuse : ils ont trahi leurs enfants pour se faire élire.
L’interventionnisme public a pu constituer historiquement un progrès dans certains domaines. Lorsqu’il s’agit d’alphabétiser toute la population ou de garantir un niveau minimum de soins de santé à tous, il est difficilement imaginable de se passer de structures publiques. Mais le pouvoir politique a perverti l’interventionnisme en le transformant en un instrument à son service. Le pouvoir politique ne recherche que sa propre puissance. Le prétexte du progrès social et économique était trop beau pour ne pas l’utiliser dans le but d’accumuler par la maîtrise de l’argent un pouvoir considérable. Voilà qui est fait : en France, les pouvoirs publics recyclent chaque année 57% de la richesse produite. En poursuivant dans cette voie nous passerons bientôt de l’interventionnisme au totalitarisme économique. Notre liberté est désormais en jeu.
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