mardi 15 juillet 2014
Mortel malentendu
Mortel malentendu
Je regardais hier l’intervention du 14 juillet de François Hollande. Qu’en penser, en essayant de faire abstraction de toute passion, de prendre du recul, la perspective d’un regard historique? Il nous donnait l’image d’un homme en quête de séduction, avec ses nouvelles lunettes à la mode, son air bonhomme, à la fois sympathique, sérieux et jovial. Et pourtant, le courant ne passait pas, comme si chacune de ses paroles sonnait creux, avec une évidence une toile de fond: il cherche à être aimé, à reconquérir l’opinion. "Que l’esprit humain serait pauvre sans la vanité" a écrit Nietzsche (Humain trop humain 79). De la vanité, il en faut une dose hors du commun pour aspirer à la plus haute fonction, au prestige élyséen: culte du "je", désir de gloire, de laisser une trace dans l’histoire, d’être regardé comme le premier. Pourtant, dans le marasme d’une crise de civilisation, il s’en faut d’un rien pour que le prestige inhérent à la fonction présidentielle tourne à la dérision et que le chef de l’Etat, loin de briller de l’éclat d’une étoile au firmament, offre aux regards une image pathétique, presque pitoyable, plus comique que tragique, n’incarnant plus la Nation qu’à travers ses échecs, son impuissance, son malaise et ses complexes. Quel sens cela a-t-il? Il ne faut surtout pas se faire d’illusion: tout homme ou femme, sans exception, dans la situation de M. Hollande, subirait aujourd’hui le même triste sort ou presque: Valls, Juppé, Fillon… L’idée par exemple, d’un Lemaire, Bertrand ou d’une Lepen apparaissant à la télévision un 14 juillet pour donner la leçon aux Français, suscite en mon for intérieur un puissant éclat de rire silencieux: "Le rire, c’est un acte de supériorité, un triomphe de l’homme sur l’univers, une merveilleuse trouvaille qui réduit les choses à leur juste proportions" (Cioran, Oeuvre, Gallimard p 1778)). La vérité, je crois, c’est que le modèle d’un président incarnant le "sommet", la première place, le guide, n’est plus adaptée à notre époque. Les Français, avec leurs souffrances, leurs inquiétudes, leurs désillusions, ne supporteront plus jamais l’idée d’un "premier français" quel qu’il soit. L’uniforme du Général, l’homme du 18 juin 1940, est bien trop grand pour n’importe quel successeur. Je crois davantage, dans l’avenir, au travail obscur d’un Premier ministre sans prétention ni ambition mégalomaniaque, soutenu par une majorité soudée, pour tenter de remettre sur les rails un pays dévasté par la crise économique et sociale, la violence et le communautarisme. S’il reste une place à l’héroïsme, celui-ci ne saurait procéder que de l’autorité tranquille, du labeur courageux, de la discrétion et du désintéressement.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire