TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 18 mai 2014

Politique fiction : DSK aurait-il été un meilleur président que François Hollande ?


Dominique Strauss-Kahn a fait son grand retour médiatique ce jeudi dans une émission consacré à l'euro. Le politologue Thomas Guénolé imagine à quoi aurait pu ressembler les deux premières années de sa présidence.
● Sur le plan de la politique et de la communication
A son arrivée au pouvoir, François Hollande a opté pour un gouvernement de synthèse. A quoi aurait pu ressembler le gouvernement de DSK? Quel aurait été le profil de son Premier ministre?
Concernant le poste de Premier ministre, je pense qu'il aurait nommé soit Martine Aubry, soit Manuel Valls: contrepartie logique du désistement en sa faveur déjà obtenu en vue de la primaire socialiste de 2011. Or, des deux, c'est Martine Aubry qui avait le plus de poids politique. Donc, je dirais Martine Aubry. Du reste, contrairement à une légende tenace, cette dernière n'est guère plus à gauche que Manuel Valls. En fait, la plupart des dirigeants du PS, qu'ils l'assument ou qu'ils s'en défendent, sont de fervents adeptes de la «Troisième Voie» d'Anthony Giddens, le théoricien inspirateur de Tony Blair.

Concernant les ministères majeurs, le gouvernement de Dominique Strauss-Kahn n'aurait probablement pas été très différent de ceux de François Hollande. Comme lui, il aurait eu à donner une place importante à des hiérarques du parti, tels que Laurent Fabius. Comme lui, il aurait eu à donner des postes-clés aux battus de la primaire socialiste, tels qu'Arnaud Montebourg. Comme lui, il aurait sans doute démarré avec Jérôme Cahuzac au budget, car en ne sachant pas ce qu'on sait depuis, c'était le choix logique en tant qu'ancien président de la Commission des finances.
En revanche, des amis proches de François Hollande, comme Michel Sapin, Bernard Cazeneuve ou Pierre Moscovici, n'auraient probablement pas eu des postes aussi importants. En outre, Dominique Strauss-Kahn, comme tout président, aurait fait entrer au gouvernement, à des petits ministères, des profils peu connus mais relevant de sa garde rapprochée.
François Hollande a semblé hésité sur la ligne politique à suivre et à mis près de deux ans à formaliser son orientation sociale-libérale. DSK aurait-il assumé cette orientation beaucoup plus tôt?
Un social-libéral, c'est quelqu'un qui serait de droite s'il y avait l'égalité des chances. Faute de cette égalité, il est prêt à des politiques ciblées de gauche, dans deux buts: atteindre cette égalité des chances, et corriger les pires inégalités sociales en attendant. En ce sens, Manuel Valls est social-libéral, mais ni François Hollande ni Dominique Strauss-Kahn ne le sont.
Un social-démocrate, c'est quelqu'un qui veut introduire davantage d'égalité des chances et des revenus dans le système politique et économique, mais sans pour autant changer de système. Ce réformisme le distinguera d'un socialiste, qui a les mêmes objectifs mais veut changer de système pour y parvenir. En ce sens, François Hollande et Dominique Strauss-Kahn sont sociaux-démocrates, alors qu'Arnaud Montebourg est socialiste.
Depuis au moins dix ans, Dominique Strauss-Kahn est emblématiquement social-démocrate. Aux yeux de l'opinion publique, il est même l'archétype du social-démocrate, comme François Bayrou est l'archétype du centriste. Il n'aurait donc pas eu d'autre choix que d'assumer d'emblée cette identité politique, contrairement à François Hollande qui a attendu janvier 2014 pour l'assumer.
Une partie de la gauche reproche déjà à François Hollande d'être trop à droite. Sur quelle majorité l'ancien président du FMI aurait-il pu s'appuyer?
A court terme, la majorité de Dominique Strauss-Kahn aurait été exactement la même que celle de François Hollande: le PS, EELV moyennant un accord de gouvernement et un engagement sur le nucléaire, mais pas l'extrême gauche. A moyen terme, conduisant sans doute une politique de réduction des dépenses publiques, il aurait également perdu, comme François Hollande, la participation des écologistes au gouvernement. Donc, sauf à sauter le pas d'un gouvernement d'union nationale allant des libéraux de l'UMP aux sociaux-démocrates du PS, sur ce plan il n'y aurait probablement pas eu de différence.
● Sur le plan de la politique économique et sur la question européenne
Les compétences économiques de DSK sont souvent louées. Quelles grandes mesures aurait-il pu prendre en matière budgétaire?
Compte tenu de son keynésianisme revendiqué, de son adhésion au concept de croissance endogène, et de son adhésion à la ligne européenne de réduction des dépenses publiques, Dominique Strauss-Kahn aurait probablement mené, dès le départ, trois politiques économiques simultanées. Primo, il aurait opté pour une politique de relance keynésienne, peut-être par des grands travaux. Deuzio, il aurait maintenu la logique d'investissements publics dans les secteurs d'avenir du grand emprunt de Nicolas Sarkozy. Tertio, il aurait entamé de suite la réduction drastique des dépenses publiques de fonctionnement.
Lors de sa dernière intervention sur TF1 après l'affaire du Sofitel, il laissait suggérer qu'il était favorable à la requalification d'une partie des dettes souveraines, mais en tant que patron du FMI, il a été également l'un des principaux artisans des politiques d'austérité en Grèce. Quelle aurait été la politique de DSK sur la dette publique?
Sur les dettes publiques européennes, la position de Dominique Strauss-Kahn est iconoclaste: lors de l'intervention sur TF1 que vous citez, il avait dit que la dette de la Grèce devait être abolie et que les marchés devaient prendre leur perte. Sur la dette publique française, il aurait sans doute conduit une politique de réduction drastique des dépenses publiques de fonctionnement, mais une question se pose: face au surendettement de la France, aurait-il fini par avoir la même position que pour la Grèce, à savoir la nécessité d'abolir la dette?
Comment imaginez-vous sa relation avec Angela Merkel? DSK aurait-il tenté d'imposer un rapport de forces avec la chancelière allemande?
Dominique Strauss-Kahn président aurait eu le double statut de chef de l'Etat et d'ancien directeur du FMI. Il aurait donc eu, dans les réunions des chefs d'Etat et de gouvernement européens consacrées à la politique économique, un magistère naturel. Plutôt qu'un rapport de forces, je pense qu'il aurait donc pris de facto le leadership des politiques économiques de la zone euro, comme Nicolas Sarkozy au plus fort du krach de 2008.
● En matière de politique sociétale:
Sur les sujets de société, DSK aurait-il pris des orientations comparables à celle de François Hollande? Aurait-il fait passer la loi sur le mariage pour tous de la même manière?
En vue de l'élection présidentielle de 2012, Dominique Strauss-Kahn avait confié la conception de son futur programme de gouvernement, de son programme électoral, et de sa stratégie électorale, à un homme: feu Olivier Ferrand, président du think tank social-démocrate Terra Nova. En cas de victoire de Dominique Strauss-Kahn, ce dernier aurait d'ailleurs probablement été secrétaire général de l'Elysée, c'est-à-dire adjoint du président de la République.
Or, sur les sujets de société, la ligne défendue par Olivier Ferrand était un progressisme assumé, qu'on peut aussi qualifier de libéralisme culturel ou de libéralisme sociétal. Donc, non seulement la loi sur le mariage pour tous aurait été votée, mais ce serait sans doute intervenu plus vite, et la légalisation de la procréation médicalement assistée pour les couples lesbiens n'aurait pas été enterrée. En outre, Olivier Ferrand ayant imaginé de reprendre le projet mitterrandien de droit de vote des immigrés extra-européens aux élections locales, ce projet serait resté sur la table.
En matière de laïcité, d'intégration et de sécurité, quel aurait été le modèle défendu par l'ancien maire de Sarcelles?
Dans ces domaines, Dominique Strauss-Kahn n'a pas de doctrine connue, et Terra Nova a produit assez peu de propositions. Sachant que Martine Aubry et Manuel Valls avaient accepté de se retirer de la primaire socialiste de 2011 pour soutenir Dominique Strauss-Kahn, et en admettant que Martine Aubry était le choix le plus logique comme Premier ministre, alors, Manuel Valls, positionné depuis plusieurs années sur les questions de sécurité, aurait été nommé ministre de l'Intérieur. Donc, sur ces thèmes, on aurait eu de sa part le même exercice soliste.

0 commentaires: