lundi 23 décembre 2013
Rétrospective 2013: le retour des pays développés
L'année aura été marquée par les craintes d'un « tapering » trop violent de la Fed et l'incroyable « shutdown » américain. Mais ces doutes n'auront pas empêché la poursuite du rebond boursier aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe. Une revanche économique et boursière sur des pays émergents en proie aux doutes des investisseurs.
"Tapering or not tapering ?" « Bad news are good news »… S’il fallait résumer le sentiment des investisseurs en 2013, on pourrait utiliser cette curieuse formule qui voudrait que les mauvaises nouvelles macroéconomiques soutiennent l’euphorie des investisseurs, la réciproque étant tout aussi vraie. Explication : pour faire redémarrer l’économie américaine et soutenir les marchés mondiaux, la Réserve Fédérale n’a eu de cesse depuis fin 2008 d’instaurer des politiques non conventionnelles, dont les fameux Quantitative easing (QE). Avec le programme QE3 mis en place en 2012, Ben Bernanke n’a pas lésiné sur les moyens :chaque mois, la Fed injecte 85 milliards de dollars dans l’économie américaine via des achats d’actifs. Le 22 mai 2013, c’est la stupeur sur les marchés mondiaux. L’état de l’économie américaine s’améliore et logiquement Bernanke laisse entendre qu’il pourrait réduire ce programme au cours des prochains mois. Le lendemain, la sanction tombe. A Paris, le Cac 40 perd plus de 2% et repasse sous les 4.000 points mais ce sont les Places émergentes qui vont souffrir le plus. Au coeur d’une année boursière tranquille, loin des tourments de 2008 ou 2011, les investisseurs se font peur à nouveau et réalisent que le principal carburant des marchés reste la liquidité fournie artificiellement par les banques centrales. Un nouveau mot a fait son apparition dans le lexique des opérateurs mondiaux : « tapering » pour signifier la diminution graduelle des achats d’actifs tant redoutée !
La baisse surprise de Draghi. Pourtant, les peurs se dissiperont bien vite. Dès la mi-juin, Bernanke fait volte-face, apeuré par la réaction violente des marchés. Il précise qu’il ne relèvera pas les taux d’intérêt tant que le taux de chômage américain ne passera pas sous la barre des 6,5%, prévient qu’il annoncera à l’avance le calendrier de diminution de rachats d’actifs et qu’il n’est pas question de les réduire drastiquement (finalement, le 18 décembre, Bernanke annoncera une diminution de 10mds$ des achats d'actifs mensuels). Les marchés sont rassurés : Docteur Bernanke veille, l’été sera euphorique. Début octobre, la nomination de sa successeur Janet Yellen (qui prendra les rênes de la Fed début 2014), réputée favorable aux politiques accommodantes, rassure les Bourses mondiales. Les politiques dites non conventionnelles sont devenues la norme. Au Japon, le premier ministre Shinzo Abe a entrepris une politique de relance monétaire et budgétaire très offensive (les fameux « abenomics ») qui entretient la faiblesse du Yen. De quoi mettre un peu plus la pression sur Mario Draghi qui a pourtant livré bataille contre les « orthodoxes » de la BCE en imposant les programmes LTRO ou les OMT en 2012 et en abaissant par surprise, jeudi 7 novembre, son principal taux directeur à 0,25%. « Dans le menu QE, les Etats-Unis sont au dessert, mais le Japon ne fait qu’attaquer le plat de résistance et l’Europe n’a même pas encore commencé l’entrée » résument les analystes d’Amundi AM. Preuve que nous sommes entrés depuis 2008 dans une nouvelle ère où l’absence de menaces inflationnistes et la peur de la déflation autorisent le gonflement spectaculaire des bilans des banques centrales.
Une année « bullish » à Wall Street. Dans le lexique des mots à la mode sur les marchés en 2013, le « tapering » a cédé la place début octobre au non moins inquiétant « shutdown ». Pendant la première quinzaine d’octobre, les marchés vont assister, éberlués, à l’incroyable arrêt des activités gouvernementales américaines, faute d’accord sur le relèvement du plafond de la dette publique. Un psychodrame politique dont Obama sortira vainqueur le 16 octobre mais qui renvoie l’image d’une première puissance économique mondiale otage des compromis boiteux trouvés à Washington. Pourtant, ni les craintes du « tapering », ni le « shutdown » ne décourageront Wall Street porté par le rebond de la croissance américaine, les bons chiffres de l’emploi et le retour des flux. Le Dow Jones termine l’année en hausse de plus de 21% à près de 16.000 points (*). Une année marquée par l’introduction en Bourse de Twitter le 7 novembre dernier. L’évènement de l’année à la Bourse de New York aura permis au réseau social de lever plus de 2 milliards de dollars. Quant au Nasdaq (+33% à 4.000 points*), il aura connu sa première introduction d’une valeur française depuis Business Objects en 1994 avec l’arrivée de Critéo, le spécialiste du reciblage publicitaire, qui a levé 280 millions de dollars. De l’autre côté du Pacifique, relevons également la hausse de 50% de l’indice Nikkei à Tokyo (*), portée par la politique de relance de Shinzo Abe.
Europe convalescente. Si la zone euro a continué d’enregistrer une croissance négative en 2013 (-0,4% vs. +1,6% aux Etats-Unis selon Amundi AM), le pire est passé. Certes, les marchés ont éprouvé à nouveau quelques frissons au printemps avec la déroute financière de Chypre et la taxation en urgence des dépôts bancaires pour éviter la banqueroute de l’île mais ni cette affaire chypriote, ni la cacophonie liée au résultat incertain des élections italiennes fin février, n’auront raison du retour de la confiance sur les marchés actions européens. Outre le soutien des banques centrales, les marchés de la zone euro - à l’instar de la Bourse américaine - ont profité du retour des investisseurs déçus par la mauvaise tenue des Bourses émergentes et la chute de leurs devises locales. La forte croissance des pays émergents donne des signes de faiblesse (Brésil en particulier) et les flux abondants qui se sont déversés sur ces marchés au cours de ces dernières années ont commencé en 2013 à revenir aux Etats-Unis et en Europe. L'accord trouvé le 18 décembre sur l'union bancaire européenne devrait également contribuer à raussrer les investisseurs sur l'avenir de la zone euro.
Paris dans le vert. Le 17 décembre, le Cac 40 affichait une progression de 12,5% depuis le 1er janvier à 4.100 points (*). Parmi les hausses annuelles les plus significatives de la Place parisienne, citons le rebond spectaculaire de l’action Alcatel-Lucent de 227% (*). Pourtant à la peine, l’équipementier télécoms profite d’un regain d’intérêt des investisseurs satisfaits par le nouveau plan de restructuration du groupe franco-américain présenté début octobre. De son côté, l’action EDF s’est envolée de 82% (*) après une année boursière 2012 catastrophique, portée par les succès de l’énergéticien français à l’international (contrat EPR en Grande-Bretagne etc.). Idem pour l’action EADS qui grimpe de 85% (*), signe de la bonne santé du secteur aéronautique et d’un constructeur, Airbus, qui aura décroché près de 1.400 commandes d’appareils au cours de l’année. Enfin, Paris n’aura pas été en reste sur le front des IPO avec le succès remarqué de l’introduction en Bourse de Numéricable le 8 novembre, la plus importante depuis 2009 !
Retour des bénéfices ? Pour 2014, la liquidité va demeurer abondante sur les Bourses mondiales. Si les multiples de valorisation ont poursuivi leur rattrapage en 2013 et retrouvé leur moyenne historique (PE autour de 15 pour le MSCI World), il reste beaucoup d’inconnues sur le terrain macroéconomique. Alors que l’économie américaine est repartie (+2,3% attendue l’an prochain), la croissance en zone euro restera poussive (+0,9%). Sauf crise internationale majeure, c’est la capacité des entreprises à générer des profits qui sera particulièrement scrutée. « Pour l’instant, les attentes sont prometteuses avec une progression de 11% attendue aux Etats-Unis et 17% en Europe. Si ces prévisions se réalisent dans un contexte de légère remontée des taux obligataires, cela devrait donner une performance à un chiffre des actions américaines et autour de 12/15% pour les actions européennes » prévient Jean-Marie Mercadal, DG délégué en charge des gestions chez OFI AM. Rendez-vous au premier trimestre 2014…
(*) : Cours arrêtés au 17/12/2013
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