mercredi 15 mai 2013
Troublante lecture
Troublante lecture
Je viens de lire avec passion le tome 1 de la biographie de Hitler par John Toland (1889-1938) éditions Tempus 2012. Sur la base d’une formidable documentation et de multiples témoignages, il nous montre le leader national-socialiste tel qu’il était, au fond, dans sa vie privée : un sale petit bonhomme, carriériste minable, mégalomane, frustré, ayant échoué partout avant de se lancer en politique, pervers sexuel (épris de sa nièce Geli qu’il pousse au suicide, amateur de gamines de 16 ou 17 ans), d’une lâcheté inouïe (obsédé par un cancer imaginaire), paresseux (au bureau à midi, incapable de lire un dossier), bandit cynique et sans scrupule, n’hésitant pas à faire liquider ses plus anciens et plus proches compagnons, velléitaire, inapte à rendre un arbitrage ou arrêter une décision claire, se perdant en permanence dans d’interminables monologues, caractériel, maniaque, ne fonctionnant que sur deux trois ou idées fixes – l’antisémitisme, le Lebensraum – évacuant toute prise en compte d’avis divergents ou considérations de réalisme. Alors, me direz-vous, comment un personnage aussi abject et d’une intelligence aussi douteuse, a-t-il pu dominer et soumettre la première puissance industrielle d’Europe et mettre la planète à feu et à sang ? Habile tacticien, sans doute, manipulateur, pourvu d’un étrange magnétisme, dans la voix et le regard qui lui ont permis de subjuguer les foules. Certes produit du chaos économique (6 millions de chômeurs en 1932) et de la menace soviétique, il doit avant tout son ascension à l’aveuglement et à la lâcheté des sociétés occidentales. Tout le monde le sait, sans doute. Mais à la lecture de cet ouvrage, on frémit devant l’ampleur de la démission des classes dirigeantes européennes. « Quand les soldats allemands pénétrèrent en Rhénanie, ce samedi matin 7 mars 1936, jamais Londres n’envisagea sérieusement de passer à l’action. Le gouvernement français (Albert Sarraut, radical-socialiste), était d’un conservatisme qui frisait la timidité. Le général Gamelin représenta qu’une opération militaire, si limitée qu’elle fût, présentait des risques imprévisibles… » A la suite de ce coup de force, le Führer déclare : « Si les Français avaient fait des représailles, il nous aurait fallu nous retirer l’oreille basse, car les ressources militaires dont nous disposions étaient tout à fait insuffisantes, même pour une résistance limitée. » La première étape, décisive, d’un engrenage conduisant à l’apocalypse était franchie. Le monstre, produit de la lâcheté et de la bêtise. Et si rien n’avait changé sur le fond ? Et si les classes dirigeantes et les élites européennes – politiques, intellectuelles – dans des circonstances différentes bien entendu, face à d’autres menaces, avaient gardé le même angélisme, la même lâcheté, la même cécité, le même conformisme, attentisme ? Bêtement, peut-être, cette question ne cessera donc jamais de me hanter…
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