vendredi 25 janvier 2013
L'Europe à la roulette anglaise
L'Europe à la roulette anglaise
Les pressions américaines ne l'ont pas dissuadé. Celles d'une partie du patronat anglais non plus. David Cameron, dans un discours qui fera date, a placé hier son pays au milieu d'un carrefour périlleux. S'il est réélu dans deux ans, les sujets de Sa Majesté auront droit à un référendum d'ici à 2017. Avec une question lapidaire : rester ou non dans l'Union européenne.
Jamais depuis l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun, en 1973, la question n'avait été posée de façon si radicale. Le locataire du 10, Downing Street donne un gage au courant le plus eurosceptique de son parti. Mais c'est aussi un véritable pavé qu'il lance sur le continent. Avec des risques difficilement calculables. Pour l'Europe, pour Londres. Pour Cameron lui-même.
Disons-le, la singularité britannique a toujours fait débat, des deux côtés de la Manche. Bruxelles, vue du sol anglais, a toujours été trop bureaucratique et envahissante. Londres, en retour, a toujours été perçue comme un obstacle structurel au processus d'intégration politique.
Aussi, à première vue, l'idée d'un moment de vérité est-elle séduisante pour beaucoup. Le recours au peuple n'est-il pas l'une des conditions de toute pratique démocratique ? La perspective du référendum tente naturellement les eurosceptiques de tous les horizons, galvanisés par la crise. Elle tente nombre de continentaux, lassés par l'attitude de Londres. Elle tente, en un mot, tous ceux qui n'ont pas oublié le style si souple, si entraînant et si sympathique de Margaret Thatcher...
Pour autant, si les visées électorales du Premier ministre anglais sont évidentes, ce qui s'est passé hier ne ressemble pas encore au moment de clarification si réclamé. Rien ne dit que Cameron sera réélu. Rien ne dit donc qu'il y aura bien référendum, même si le seul fait d'en avancer la perspective a suffi, hier, à provoquer une onde de choc.
Les turbulences provoquées s'expliquent aisément. Pour une question de calendrier tout d'abord. 2014, élections européennes. 2015, élections britanniques. 2017, éventuel référendum. À la table du Conseil européen, les Vingt-six ne vont pas savoir dans les deux prochaines années qui occupe le siège britannique : le futur fossoyeur de l'aventure européenne de Londres ou le futur perdant des législatives. Dans les deux cas, la méfiance, déjà perceptible, va l'emporter. Et cela risque de creuser un peu plus le fossé entre les 17 pays de la zone euro et les autres.
D'autant plus que cela pose une question plus substantielle sur la nature du projet européen. La crise a contraint les pays de la zone euro à travailler sur une meilleure intégration qui, fatalement, s'éloigne du projet de simple zone de libre-échange, caressé depuis toujours outre-Manche. Mais Londres veut rapatrier certaines compétences et menace de quitter le navire, au moment même où Paris et Berlin annoncent un effort commun pour souder davantage les membres de l'Union. Nul ne veut vraiment d'un nouveau traité, et Cameron en fait presque une condition.
On touche là au paradoxe de sa proposition. Il se présente comme un précurseur d'un débat nécessaire tout en étant le membre qui fait le moins de propositions pour porter le projet européen. Comme s'il venait de poser sur la table des Vingt-sept un pistolet chargé d'une seule balle. Dirigé a priori contre l'avenir de l'Union. À moins que le coup ne parte à l'envers.
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