Edouard Martin, syndicaliste CFDT et fer de lance de la lutte des ouvriers d'ArcelorMittal à Florange, a fait du gouvernement son ennemi. Officiellement, la confédération le soutient à 100%. Officieusement, elle tente d'arrondir les angles et continue à négocier.
"Trahison", "écoeurement", "casus belli": les mots sont durs,
violents. Ils sont prononcés par Edouard Martin, syndicaliste CFDT. Ils
visent le gouvernement. "On a deux ennemis: on va se battre contre
Mittal et contre le gouvernement", a déclaré hier le charismatique
métallo de 49 ans qui, à coups de réactions fracassantes, est devenu le
symbole de la lutte des ouvriers d'ArcelorMittal à Florange (Moselle).
C'est l'annonce du report sine die du projet expérimental Ulcos
de captage/stockage du CO2, sur lequel se fondent des espoirs de salut
de l'usine lorraine, qui a ravivé la colère des syndicalistes. Ils
avaient à peine eu le temps de digérer l'annonce vendredi 30 novembre de
Jean-Marc Ayrault d'un accord avec ArcelorMittal, plutôt que d'une nationalisation. Et n'avaient pas tellement été rassurés par leur entrevue avec le Premier ministre à Matignon mercredi soir.
Mais le combat d'Edouard Martin contre le gouvernement est-il celui d'un électron libre ou a-t-il le soutien inconditionnel de sa centrale? Officiellement, la CFDT est à fond derrière le leader de Florange. "Il n'y a pas une feuille de papier de cigarette entre la stratégie d'Edouard Martin et celle de la fédération", indique Dominique Gillier, le secrétaire général de la fédération CFDT de la métallurgie (FGMM).
Trop de négociations sont en jeu pour risquer la ruptureJuste après son intronisation à la tête de la CFDT, jeudi 29 novembre dernier, Laurent Berger est allé apporter son soutien jeudi aux métallos d'ArcelorMittal de Florange qui campaient devant le ministère du Redressement productif. Le nouveau numéro un de la CFDT sait à quel point ce combat est cher aux yeux de son prédécesseur - François Chérèque est né en Moselle d'un père métallo. "Toute la CFDT les soutient et je suis venu le leur dire", a-t-il déclaré à cette occasion.
Officieusement, le discours est plus nuancé. S'il a soutenu le projet de nationalisation de Florange, Laurent Berger a toujours souligné que ce n'était qu'une solution transitoire. "Le gouvernement n'est certainement pas un ennemi", confie Dominique Gillier, qui attribue les propos belliqueux d'Edouard Martin à un sursaut de colère et de dépit d'un homme qui, depuis 18 mois, se bat chaque jour sur le terrain pour sauver son usine.
Dans les faits, la CFDT veut continuer à discuter avec le gouvernement pour obtenir des outils de contrôle de la mise en oeuvre de l'accord avec Mittal, sur trois points: les investissements, la préservation des emplois et surtout le redémarrage des hauts-fourneaux et le maintien de l'activité de la filière liquide grâce au projet Ulcos. La réunion à Matignon mercredi soir et les propos jeudi de François Hollande, qui a promis de veiller à ce que l'industriel tienne ses engagements, "vont dans la bonne direction", indique Dominique Gillier.
Négocier, encore et toujours, pour obtenir satisfaction. C'est l'essence même de la CFDT. La guerre est donc loin d'être déclarée entre le gouvernement et la centrale réformiste. Cette dernière aurait trop à perdre dans une rupture et un conflit ouvert avec l'exécutif. Trop de négociations sur lesquelles la CFDT entend peser sont actuellement en jeu: le marché de l'emploi, le financement de la protection sociale, une réforme systémique des retraites. Sans oublier que le concept de "démocratie sociale", défendu par François Hollande dès juin 2011, est directement inspiré par la CFDT.
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