Est-on injuste avec François Hollande et son équipe ? Ou plus
exactement, la droite et les commentateurs qui lui sont – bien sûr –
affidés font-ils preuve d’une « agressivité teintée de mépris » à l’égard du président et du gouvernement, comme l’affirme Laurent Joffrin, patron du Nouvel Observateur, qui n’hésite pas à sortir le célèbre “parfum des années 1930” du placard des bons vieux arguments ?
Je me le suis demandé en relevant, en même temps que je lisais son
éditorial, que commencent à paraître les premiers papiers visant à
améliorer l’image du président et de son amie. Ce sont des classiques
de la vie des journaux, qui nous promettent de tout nous dire sur
Hollande intime ou Valérie Trierweiler chez elle, comme ils l’ont fait
autrefois des Sarkozy.
Eh bien, je ne le crois pas. Joffrin reprend une blague inventée par le Quotidien de Paris
en 1981 à propos de Mitterrand : si François Hollande traversait la
Seine en marchant sur l’eau, les abominables commentateurs s’écrieraient
: “Hollande ne sait pas nager !” Cette mauvaise foi, cette « hargne », ce « chapelet d’invectives », cette « rhétorique qui ramène avant guerre »
– je cite toujours Laurent Joffrin – n’aurait qu’une explication :
l’argent. C’est parce qu’il tape la droite, entendez la bourgeoisie, au
portefeuille, c’est parce que François Hollande augmente les impôts
qu’elle est « entrée en convulsion ». Ma foi, je n’ai pas très
bien vu la convulsion, surtout au moment où François Fillon semble près
de prendre la tête de l’opposition.
On peut tout dire de François Fillon, mais la convulsion, non. Et
puis les critiques que s’attirent le président et son gouvernement me
paraissent tellement attendues qu’elles brilleraient plutôt par leur
banalité : la droite, les commentateurs que dénonce Joffrin, pense que
la politique de François Hollande n’est pas la bonne, que de nouveaux
prélèvements seront contre-productifs, et que le bon choix consisterait
à réduire les dépenses. C’est une opinion légitime. Je ne vois pas en
quoi elle est convulsive. Par exemple, le directeur du Nouvel Observateur
estime que la hausse d’impôt est du civisme ; je crois que c’est une
erreur. Son argument est moral, le mien pratique. Est-ce, comme il
l’écrit encore, un « réflexe de classe » qui nous sépare ?
Autre exemple : j’écris depuis juillet que si le gouvernement
persiste dans ses projets fiscaux, la croissance sera égale à zéro l’an
prochain. Bon économiste ou mauvais Français ? J’aimerais lui rappeler
que le chancelier social-démocrate Schröder, qui sert de modèle à la
gauche actuellement au pouvoir en France, a commencé son fameux Agenda
2010 en baissant les impôts. Que le premier ministre espagnol en fait
autant, que Mario Monti vient de s’y engager, que David Cameron n’en
démord pas. Il est vrai que c’est un affreux conservateur, mais tout de
même, est-ce le fruit d’un complot si la politique des socialistes
français est aujourd’hui la seule de son espèce en Europe ?
Le deuxième reproche de Laurent Joffrin porte sur l’accusation d’amateurisme
suscitée par les ratés du gouvernement. Je le tiens pour plus vif que
le premier. C’est parce que les débuts sont cafouilleux, que les
sondages sont mauvais, qu’il faut prêter à l’opposition un comportement
de classe, des réflexes égoïstes et du mépris pour ses adversaires.
Disqualifiez le critique, vous ferez oublier la critique. Alors ce n’est
pas la gauche qui s’y prend mal, c’est la droite qui défend son
pognon. Ce n’est pas le premier ministre qui manque de présence, ce
sont les commentateurs qui se livrent à une chasse à l’homme. Faut-il
qu’ils soient mauvais, ces débuts, pour que les partisans les plus
intelligents de François Hollande en soient déjà là ! Mitterrand, à qui
je rapportais la blague du Quotidien de Paris, était plus malin
: il l’avait trouvée bonne et attendit trois ans, c’est-à-dire la
faillite du gouvernement Mauroy, pour la ressortir en dénonçant la
morgue de la droite d’argent.
Pour le reste, j’aurais aimé terminer par un compliment au
président, par exemple après son communiqué sur la manifestation du FLN
en 1961 à Paris. Ce qu’il dit est exact, donc il a raison de le dire,
mais écrit comme ça, sans explication ni contexte, ça passera pour une
bonne manière faite au gouvernement algérien qui, lui, ne nous en fera
pas.
vendredi 2 novembre 2012
Mauvais Français ?
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