jeudi 2 août 2012
L’autre dette publique... Cette mauvaise gestion des collectivités locales qui menace la France
Alors que le gouvernement prépare sa
future loi de décentralisation et que la dette française frôle les 90%
du PIB, Standard & Poor's estime que les collectivités locales
françaises devront trouver 16 à 17 milliards d'euros en 2012. Un chiffre
qui viendra s'ajouter aux 200 milliards de dettes déjà existantes.
Jusqu’à
l’été dernier, évoquer les « AAA » faisait davantage penser à la
spécialité culinaire très appréciée dans les territoires plutôt qu’à la
notation du secteur public des Etats. En ligne de mire se trouve la
capacité des Etats à réduire leur endettement et pas seulement, comme
diraient les technocrates, à en « maîtriser la hausse » !
Le
terme de « dégradation » a ainsi fait un retour en force. Et si l’on
croyait ce mot réservé aux militaires bannis ou aux cancres de l’école,
chacun mesure aujourd’hui l’importance de la « notation » des Etats sur
des pans entiers d’activité. C’est dans cet esprit que les différentes
dettes du secteur public sont passées à la loupe. Parmi celles-ci figure
la dette du secteur public local. De quoi s’agit-il ? Car si à
l’occasion des élections locales, les candidats s’envoient à la figure
les chiffres de la « dette par habitant », c’est pour effrayer
l’adversaire!
En
apparence, tout va bien quant à la situation de la dette des
collectivités locales françaises prises dans leur ensemble. Représentant
8 points de Produit Intérieur Brut (PIB), l’ensemble formé par les
36.800 communes, les 2.500 établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, les 101 départements et les 26
régions est moins endetté qu’en 1982. En prenant une autre référence,
la dette cumulée de l’ensemble des collectivités locales se monte à un
peu moins de 200 milliards d’euros, soit un dixième de la seule dette de
l’Etat.
En
réalité, ces chiffres marquent bien sûr de profondes disparités entre
collectivités « peu ou pas » endettées et « beaucoup » endettées. Mais
surtout, ces chiffres masquent le processus engagé lentement, mais
sûrement, depuis plusieurs décennies dans les territoires ; à savoir que
l’économie d’endettement l’a emporté, sur l’économie de fonds propres
et que la facilité du recours à l’emprunt a incité les collectivités à
multiplier les projets sans toujours chercher à les optimiser.
A
satiété, les collectivités sont présentées comme étant les premiers
investisseurs publics civiles, en assurant même chaque année plus des
trois-quarts de ces dits investissements. Cela est exact mais l’on
« oublie » aussi de présenter l’envers du décor : pendant plusieurs
décennies, les collectivités n’ont jamais eu à se préoccuper, en lançant
un projet (un stade, une piscine ludique polyvalente, une zone
d’activité, un contournement…) du recours à l’emprunt parce que, d’une
part, lorsqu’une collectivité sollicitait les banques pour un
montant de 100, ces dernières étaient prêtes à octroyer deux, trois,
quatre fois la somme et, d’autre part, le recours massif à la fiscalité
atténuait le recours final à l’emprunt.
En
fait, tout s’est passé comme si les contribuables locaux avaient
financé – en une fois – des équipements destinés à durer quinze, vingt,
trente ans. Mais, chut ! Vouloir poser la question de
l’investissement, c’est immédiatement se faire accuser de vouloir
empêcher les territoires de se développer. La décentralisation
marque certes la victoire des « initiatives locales » contre un Etat
trop longtemps centralisateur, mais au détriment d’une maîtrise
d’ensemble qu’il faudra, demain, payer.
Les
collectivités, pour se défendre, expliquent que leurs dépenses
augmentent car les transferts de compétences, nombreux depuis 1982,
n’ont pas été accompagnés par les financements nécessaires en provenance
de l’Etat. Ceci est à la fois vrai et faux ! Vrai si les collectivités
prennent en compte les programmes et actions qu’elles ont voulu lancer
« en plus » de ce que l’Etat faisait auparavant ; actions pour
lesquelles il leur appartient de trouver les financements nécessaires.
Faux car l’Etat accompagne chaque transfert de dotations censées couvrir
les actions réalisées par lui avant décentralisation.
La
dégradation de la note de la France à l’hiver 2011 est un constat sur
sa non capacité actuelle à réduire son endettement. Cette dégradation
appelle une réaction à laquelle les collectivités locales n’échapperont
pas, quel que soit leur discours. Cette réaction passe d’abord
par une prise de conscience quant aux effets de l’endettement. Elle
nécessite également d’intégrer le raisonnement selon lequel
l’accumulation des projets locaux financés par endettement va devoir se
réduire.
Les
collectivités locales dépendent, pour près de la moitié de leurs
budgets, des dotations de l’Etat et, pour près d’un tiers, de la
fiscalité locale, avec une marge de manœuvre diminuée au fil des
réformes. Le reste des ressources est obtenu par l’emprunt avec, depuis
2011, une raréfaction de l’offre bancaire. L’Etat est depuis lors dans
une situation contradictoire entre le souci de pallier le désengagement
du secteur bancaire pour l’accès à l’emprunt des collectivités locales
et la nécessité de la diminution de l’endettement.
Lorsque
Cléopâtre préféra en finir avec la vie plutôt que de voir son pays
vaincu, elle choisit un poison qui ne déformait pas son visage. Les
collectivités locales françaises n’en sont aujourd’hui pas loin : le poison de l’endettement non maîtrisé ne se voit pas (assez), ne se sent pas (suffisamment) mais pourtant il agit.
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