TOUT EST DIT

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mercredi 1 août 2012

Face à la morale laïque : le sophisme de Baubérot


Alors que le cardinal Vingt-Trois vient de publier sa proposition d’une prière nationale pour l’Assomption (renouant avec la geste de notre principale fête patronale : voir l’article d’Olivier Figueras en page 2), le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon a annoncé aux parlementaires (le 11 juillet) la mise en place d’une mission sur « la morale laïque » dès la rentrée scolaire. Son objectif sera de travailler « sur la conception que nous devons diffuser d’une laïcité qui ne peut être la simple tolérance, l’indifférence ou la neutralité », a déclaré le ministre.
A cette occasion La Croix du 30 juillet a posé au sociologue Jean Baubérot, expert ès laïcités, la question suivante : « La morale laïque exclut-elle par principe toute valeur religieuse ? » Je ne sais comment le spécialiste catholique de la laïcité, Emile Poulat, a reçu sa réponse, mais elle rend compte remarquablement de l’air ambiant vicié, respiré aujourd’hui jusque chez certains de nos évêques :
« Dans les discussions menées pour définir cette morale, les différents participants tiennent toujours compte de leur propre croyance. Et les individus et les groupes, quelles que soient leurs croyances, sont toujours libres d’exprimer leur opinion. En outre, la morale laïque laisse de la place pour des valeurs religieuses. La loi sur l’avortement adoptée en 1975 en est l’exemple type. Elle sépare la loi civile de certaines normes religieuses, mais elle ne contraint pas. Les femmes sont libres d’opposer une objection de conscience. Cette solution peut répondre à des questions sur lesquelles existent de fortes dissensions au sein d’une société. Mais la morale laïque exclut le fait qu’un groupe, par exemple religieux, puisse imposer ses propres valeurs à l’ensemble de la société. »
Baubérot présuppose à tort que seules des raisons religieuses peuvent expliquer l’opposition à l’avortement ou à l’euthanasie comme l’opposition à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe : « Au XIXe siècle, le combat laïc a permis de rétablir le divorce, aujourd’hui, il s’incarne dans le droit au mariage entre personnes de même sexe », écrivait-il dans Libération du 29 mars 2011.
En invitant les catholiques à défendre la vérité du mariage et de la famille, avec des « arguments de la raison et du bon sens », au nom de l’empirisme organisateur ou de la loi (morale) naturelle (cf. l’article de Jean Madiran dans Présent du 22 juin) et non d’un ethos commun fabriqué d’équilibres douteux (cf. Sous le signe d’Antigone p. 95 et p. 202), le Cardinal Vingt-Trois lui a déjà répondu et bien répondu. Contrairement aux autres religions et à un certain idéalisme, le christianisme n’a jamais imposé à l’Etat et à la société un « droit révélé », mais « a, au contraire, renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit », rappelle Benoît XVI.
Dans un livre paru ce mois-ci aux éditions Salvator intitulé Les lendemains du mariage gay, le philosophe Thibaud Collin fait un sort également à ce sophisme éculé qui prétend à la neutralité de l’Etat en déconnectant le juste du bien : « Le présupposé d’un tel raisonnement est que le principe de laïcité de l’Etat républicain doit se comprendre comme neutralité éthique, dans sa version procédurale… Baubérot “confessionnalise” toute référence à un bien humain substantiel, reprenant par là la conception procédurale de la démocratie développée par John Rawls. Pour celui-ci, une société pluraliste ne peut se déterminer que sur des règles formelles en renvoyant les convictions sur le bien – assimilée peu ou prou à des croyances religieuses – à la seule sphère privée… »
Le but malin de la « confessionnalisation » des vraies et bonnes objections est stratégiquement, par une praxis et un piège dialectiques, de les rendre inopérantes dans un cadre de laïcité. « L’éthique n’est pas le bien ou le mal, le vrai ou le faux. Et la question n’est pas de savoir qui a tort ou raison, où est le vrai et le faux… », expliquait Leonetti pendant les Etats généraux sur la bioéthique…
Le leurre de la neutralité
Pas plus que pour l’école laïque de Jules l’imposteur, la neutralité n’existe pas pour l’Etat républicain. Elle est un « mensonge », une « chimère » (Viviani), un leurre avoué par les laïcistes eux-mêmes pour mieux intégrer leurs adversaires dans leur propre Panthéon. Car le refus d’un choix est toujours un choix et le refus d’une métaphysique une idéologie. Le laïcisme est lui-même confessionnel : c’est un comportement « qui nous amène à rejeter les vérités révélées [et naturelles], à pratiquer un esprit de libre examen » (Bouchareissas), autrement dit le culte de l’homme, mesure du bien et du mal. C’est Peillon qui a raison : il ne peut « jamais » être la simple tolérance, l’indifférence ou la neutralité, « mais comporte des valeurs qui doivent être inculquées », a-t-il même martelé (ajoutant à la version officielle expurgée). La laïcité est fervente, militante : la foi laïque est la nouvelle religion d’Etat. Elle est celle d’un groupe a(nti)religieux qui impose ses propres valeurs à l’ensemble de la société envers et contre le bien commun temporel, jusqu’au « droit » à l’homicide prénatal ou euthanazique et au mariage dénaturé des paires homosexuelles…
En déniant aux catholiques et aux hommes de bonne volonté, sous prétexte d’une société pluraliste, le droit et le devoir de faire entrer la loi naturelle dans le droit positif, ce groupe belliqueux se rend coupable en outre d’un totalitarisme sournois, pratiquant précisément ce qu’il reproche à tort aux chrétiens : imposer sa morale (immorale) aux autres dans une misérable contrefaçon diabolique sous forme de culture de mort ! Le cri d’Antigone se prolonge aujourd’hui avec le cri de Rachel qui pleure ses enfants qui ne sont plus…

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