Au risque de décourager les investisseurs, la ministre veut faire voter une loi pour encadrer les loyers.
Après les bombes incendiaires, le contrôle des loyers est le plus sûr moyen de raser une ville, disait Assar Lindbeck, président du comité Nobel d’économie. Il y a quelques mois, Nicolas Sarkozy déclarait à son tour : «
Si on fait l’encadrement des loyers, c’est très simple : plus personne
ne louera et plus personne ne construira. C’est exactement le contraire
de ce qu’il faut faire. Cela n’a marché nulle part, même à l’époque de
l’Union soviétique. » À peine nommée ministre de l’Égalité des
territoires et du Logement, Cécile Duflot s’est pourtant prononcée en
faveur de ladite mesure. Et a annoncé qu’un décret (dévoilé le 5 juillet
et applicable au 1er août) viendrait « encadrer [les loyers, NDLR] dans les zones les plus tendues ». Avant d’évoquer une loi qui reprendrait les termes de la précédente, votée en 1989, « adoptée au printemps prochain »…
72 % des personnes interrogées se déclarent favorables à « un gel des loyers dans les villes où le marché locatif est tendu ». De même, 70 % des sondés seraient favorables au plafonnement des augmentations de loyer lors des changements de locataires. Des chiffres confirmés par un sondage Harris Interactive pour les agences Century 21 : 74 % des personnes interrogées seraient favorables à l’encadrement des loyers.
Et pourtant… Un rapport rendu en novembre 2011 par une commission pluraliste d’élus parisiens, missionnés par Bertrand Delanoë pour « déterminer les moyens de parvenir à un encadrement des loyers » à Paris, révèle les failles d’une telle mesure. Coordonnée par un élu Europe Écologie-Les Verts du XIVe arrondissement, René Dutrey, l’étude éclaire sur les risques de décourager les investisseurs en encadrant les loyers. Lors des auditions, les professionnels, économistes et experts du secteur (agents de la Fnaim, Fédération nationale du bâtiment, Union nationale de la propriété immobilière et des économistes comme Michel Mouillart) ont mis en évidence la menace de rétraction du parc locatif.
De quoi faire grincer des dents. À l’instar du maire socialiste de Lyon, Gérard Collomb
(« La pire période du logement en France, ç’a été la loi de 1948, qui interdisait l’augmentation des loyers et donc qui a amené à une véritable pénurie de logements »), le conseiller UMP de Paris Jérôme Dubus le déplore : « L’encadrement des loyers est de ces dogmes que revisite régulièrement la gauche française. Il a l’apparence de la bonne mesure. (…) Mais on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre : encadrer les loyers et taxer en même temps les bailleurs entraînera inévitablement un retrait des investisseurs, un entretien moindre du patrimoine ou des pratiques parallèles et incontrôlables de location. » Même son de cloche chez le député UMP de Paris Jean-François Lamour, pour lequel la décision administrative fixant le montant des loyers est « un réflexe idéologique, déconnecté de la réalité de l’économie et du secteur du logement ».
Car la raison première de la crise du logement est bien l’insuffisance de l’offre.
« Si, à Paris, les loyers, en dix ans, ont subi une hausse de près de 60 %, c’est lié à la faiblesse de la construction neuve dans le secteur privé, encouragée par l’urbanisme malthusien de la municipalité gérée par Bertrand Delanoë », accuse Dubus.
Dans un arrêt rendu le 12 juin dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a retoqué une loi norvégienne qui encadrait les loyers, au motif qu’elle violait un article de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant la protection de la propriété.
La Cour jugeait que « l’interdiction d’augmenter les loyers a fait peser sur les propriétaires une charge financière disproportionnée par rapport à l’intérêt général de la communauté et que les autorités norvégiennes n’ont donc pas ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu ». Cécile Duflot appréciera…
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