L'Espagne et l'Italie doivent modérer leur enthousiasme alors que Paris a le succès modeste et que les concessions limitées d'Angela Merkel lui causeront plus de soucis en Allemagne que parmi les Vingt-sept. La première économie européenne dont les performances à l'exportation sont enviées est aussi le premier contributeur aux mécanismes de solidarité. On comprend qu'elle stimule ceux qui n'ont pas entamé les réformes structurelles indispensables à leur rétablissement dans la zone euro. Il est très facile de montrer Berlin du doigt, d'identifier la paille dans l'œil de notre partenaire en oubliant la poutre qui nous aveugle. Il faut cesser d'ausculter sans cesse le couple franco-allemand et de lui prendre la tension pour mieux identifier les temps de crispation. Ils font partie du scénario de la négociation même s'ils exaltent les europhobes et les euro-attentistes. En redisant qu'avec le président de la République, les choses se passent normalement, la chancelière n'idéalise pas la relation actuelle en raison d'appréciations et d'analyses différentes sur la manière de s'extraire du marasme mais, elle atteste que le tandem est bien sur ses roues et que l'un des équipiers ne pédale pas contre l'autre.
samedi 30 juin 2012
L'Espagne et l'Italie doivent modérer leur enthousiasme alors que Paris a le succès modeste et que les concessions limitées d'Angela Merkel lui causeront plus de soucis en Allemagne que parmi les Vingt-sept. La première économie européenne dont les performances à l'exportation sont enviées est aussi le premier contributeur aux mécanismes de solidarité. On comprend qu'elle stimule ceux qui n'ont pas entamé les réformes structurelles indispensables à leur rétablissement dans la zone euro. Il est très facile de montrer Berlin du doigt, d'identifier la paille dans l'œil de notre partenaire en oubliant la poutre qui nous aveugle. Il faut cesser d'ausculter sans cesse le couple franco-allemand et de lui prendre la tension pour mieux identifier les temps de crispation. Ils font partie du scénario de la négociation même s'ils exaltent les europhobes et les euro-attentistes. En redisant qu'avec le président de la République, les choses se passent normalement, la chancelière n'idéalise pas la relation actuelle en raison d'appréciations et d'analyses différentes sur la manière de s'extraire du marasme mais, elle atteste que le tandem est bien sur ses roues et que l'un des équipiers ne pédale pas contre l'autre.
Les Etats-Unis d'Europe sont-ils vraiment notre avenir ?
Pour assurer l’irréversibilité de la monnaie européenne, il va bien falloir en passer par une mise en commun des décisions budgétaires des États membres de la zone euro, par une solidarité financière de fait entre États de cette dernière, et sans doute à terme par une pratique réellement fédérale de la part de la Banque centrale européenne.
Le sommet européen de jeudi et vendredi est-il selon vous un succès ou un demi échec ?
On peut se sentir, ou non, attaché à l’Union européenne ; on peut vouloir conserver l’euro comme monnaie - ce qui semble bien être le cas de la majorité des Européens concernés -, mais peut-on se sentir attaché à une Fédération de l’euro, dont les contours ne possèdent aucune justification du point de vue symbolique, historique, moral. En pratique, une Fédération de l’euro voudrait dire que les Français ou les Allemands seraient plus prêts à partager des éléments essentiels de leur souveraineté nationale avec les Slovaques et les Estoniens qu’avec les Tchèques et les Lettons.
Je défie pourtant quiconque de trouver une raison censée à une telle priorité accordée aux uns sur les autres. Si la zone euro gardait son périmètre actuel, la Fédération de la zone euro aurait donc une ampleur géographique sans aucune symbolique possible, sans aucun précédent historique, surtout sans autre projet commun que le sauve-qui-peut face à la crise des dettes publiques. Saurait-on mieux dire alors que l’euro resterait définitivement un projet économique, dépolitisé, technocratique ? Certes, on peut imaginer que, conformément aux traités européens déjà signés, tous les États membres de l’Union européenne qui s’y sont engagés rejoignent à terme la zone euro. Or, vu la faible justification économique que la plupart des économistes lui accordent désormais, on peut sérieusement douter que d’autres gouvernements soient tentés de la rejoindre. Si, en plus, la zone Euro se met à souffrir d’une « décennie perdue » à la japonaise, alors que les autres États européens en viennent eux à sortir réellement de la présente crise économique, la Fédération de l’euro n’aura guère de pouvoir d’attraction sur les autres États membres.
Que pensez-vous de l'amorce d'une fédéralisation en Europe, qui pourrait mettre de côté tout ou partie des attentes des populations ?
Christophe Bouillaud : Tous les grands partis politiques au niveau européen (chrétiens-démocrates et conservateurs, libéraux, socialistes, écologistes) se déclarent au fil de cette crise en faveur d’une telle évolution fédérale, en particulier par la voix de leurs leaders au sein du Parlement européen. Les partis nationaux rattachés à ces grandes fédérations transeuropéennes peuvent certes être plus ambigus en pratique, surtout lorsqu’ils sont aux affaires de leurs pays respectifs, mais il n’aura cependant échappé à personne que les gouvernants, issus de ces mêmes partis dominants la scène européenne, semblent craindre comme la peste de prendre des décisions qui les contraindraient à consulter par référendum leurs électeurs sur les évolutions à venir de l’Union européenne.
Les référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas restent dans toutes les mémoires : malgré un fort consensus partisan en faveur de la Constitution européenne, des acteurs minoritaires ont réussi à rassembler des majorités d’électeurs pour refuser les évolutions jugées néfastes qu’elle incarnait à tort ou à raison. En effet, avec le référendum, la masse silencieuse des électeurs qui n’approuve pas nécessairement la perte de souveraineté nationale de leur État au profit de l’Union européenne, qui ne trouve en temps ordinaire que des partis extrémistes pour exprimer son désarroi face à l’évolution de l’Union européenne, peut trouver l’occasion de se compter, de se découvrir plus nombreuse qu’elle ne croyait l’être, de bloquer même un temps les processus considérés comme nécessaires par les gouvernants.
Mais où est aujourd'hui la fraternité d’armes qui justifie l’acte de se fédérer ?
Christophe Bouillaud : On compare souvent la situation actuelle à celle des États-Unis au début de leur existence, quand les 13 États acceptèrent de mettre en commun leurs finances pour rembourser les dettes contractées, chacun de leur côté, pour financer la guerre d’Indépendance.
La comparaison peut aussi rappeler que, justement, quand les États fédérés acceptent cette perte de souveraineté financière, ils le font dans un contexte où l’existence d’un ennemi est claire. De même, quand les États yougoslave et tchécoslovaque se formèrent au sortir de la Première Guerre mondiale, est-il nécessaire de souligner qu’ils n’étaient pas sans ennemis ?
Si l’on remonte plus avant dans l’Histoire, force est de constater que, lorsque des entités territoriales souveraines s’allient dans une ligue, une fédération, une alliance durable, c’est presque toujours contre la menace d’une autre entité souveraine. Pour l’instant, l’Union européenne n’a pas d’ennemis, elle n’a très officiellement dans le monde que des partenaires. Vu l’état gazeux de la politique étrangère commune, on ne voit pas bien ce qui pourrait faire sortir l’Union de son indétermination en la matière. De fait, contrairement à l’époque de la Guerre Froide, les menaces d’aujourd’hui restent abstraites et diffuses - la mondialisation, la finance, le déclin relatif face aux pays émergents -, mais ne justifient guère un pacte fédératif contre un ennemi, au sens ordinaire du terme.
Idée reçue : le libéralisme, un "laissez-faire" immoral ?
Je vous propose de découvrir sur plusieurs jours l'introduction au Dictionnaire du libéralisme sorti
récemment. Conçue comme une réponse aux lieux communs sur le
libéralisme, elle vous permettra d'avoir l'ensemble des arguments sur
ces préjugés si courants !
Raymond Aron avait distingué en 1969 la liberté libérale de la liberté libertaire, prônée par la « nouvelle gauche » dans le contexte de l’après mai 1968. Ce n’est pas parce que les libéraux ont attaché leur nom à la liberté de l’individu qu’ils acceptent un quelconque relativisme moral. Ils refusent simplement toute morale qui serait imposée par une autorité, fût-elle démocratiquement élue. Aron exprimait parfaitement cette idée lorsqu’il écrivait que l’ordre libéral laissait à chacun « la charge de trouver, dans la liberté, le sens de sa vie ». L’individu est apte à se forger le destin qu’il s’est choisi et à rechercher son bonheur, ainsi que le proclamaient les révolutionnaires américains de 1776. Il faut, remarque Hayek en 1960, un certain degré d’humilité pour laisser les autres effectuer cette recherche à leur guise. Le libéralisme attache son nom à la tolérance et il ne saurait empêcher que certains soient relativistes. Il sépare soigneusement la sphère du Droit de celle de la morale, limitée aux seules consciences individuelles, afin d’éviter tout contrôle social sur l’individu et tout moralisme, afin de décharger l’individu du poids des autorités morales, politiques et religieuses. Les valeurs qui fondent une « société » proviennent du libre choix des individus, lesquels ne sont pas autorisés à faire n’importe quoi puisque les droits qui leur sont irrévocablement attachés sont aussi les droits d’autrui qu’ils se doivent de respecter. En effet, l’individu ne détient pas une volonté illimitée et la liberté ne se définit pas comme celle de tout faire. Mais la liberté n’est pas celle de faire simplement ce que les lois permettent, ainsi que le pensait Montesquieu. La liberté, écrit Constant, c’est ce que l’individu a le droit de faire et ce que la société n’a pas le droit d’empêcher.
Au surplus, les libéraux défendent le caractère profondément moral du capitalisme. Par la liberté qu’elle suppose, la propriété, par définition privée, implique la responsabilité parce que les coûts des actions et des absences d’action pèsent sur des personnes bien déterminées. Aussi seule la reconnaissance précise des droits de propriété permet-elle d’attribuer à chacun la responsabilité de ses oeuvres, tandis qu’en présence d’une propriété dite publique, les coûts sont collectifs mais les gains privés. Fondé sur le respect des contrats, de l’échange et des droits de propriété, le capitalisme reconnaît l’appropriation du profit par ceux qui l’ont créé et en ce sens il se conçoit comme le seul système qui ait un fondement moral. Ainsi que l’écrit Hayek en 1961, la liberté est la matrice d’où procèdent les valeurs morales : c’est seulement là où l’individu a le choix qu’il a l’occasion d’affirmer des valeurs existantes, de contribuer à leur croissance et de s’adjuger du mérite.
Enfin, les adversaires du libéralisme ne se lassent pas d’insister sur son matérialisme, puisque chaque individu est préoccupé par ses petits intérêts égoïstes au détriment de tous les autres, de l’intérêt général et de l’altruisme. Pour usuelle qu’elle soit, cette critique est doublement reprochable. En premier lieu, le libéralisme ne refuse par la fraternité et l’altruisme. Il n’accepte pas la fraternité légale, celle qui est imposée par l’Etat-providence, d’une part parce qu’elle détruit la liberté en transformant les individus en assistés par le « doux despotisme » de l’« Etat-nounou », d’autre part parce qu’elle supprime la seule véritable fraternité qu’est la fraternité spontanée. En second lieu, le libéralisme ne magnifie par l’argent en tant que tel. Il constate simplement que la monnaie a été un magnifique moyen pour l’homme de survivre, progressivement de se civiliser, enfin de prospérer et qu’elle l’a autorisé à remplir des fins qui, pour la plupart, n’étaient justement pas économiques. Mises écrit en 1927 que ce n’est pas par mépris pour les biens spirituels que le libéralisme ne s’occupe que du bien-être matériel de l’homme, mais parce qu’il ne cherche pas à créer autre chose que les conditions extérieures nécessaires au développement de la vie intérieure propre à chaque individu.
Les détracteurs du libéralisme n’ont pas manqué de fustiger l’individualisme, couramment qualifié de forcené. Les libéraux, eux, ont pu diverger sur le point de savoir si leur doctrine se définissait avant tout comme celle de l’individu ou celle de la liberté - le libéralisme étant alors l’ordre qui laisse la plus large part possible à la liberté dans tous les domaines de la vie de l’homme -. Maints penseurs libéraux préfèrent concevoir le libéralisme comme un individualisme au motif que l’individu est logiquement premier. Philosophiquement, l’individualisme se définit comme le respect absolu de l’individu dont il fait la valeur suprême. En effet – les libéraux rejoignent ici l’interprétation commune de Kant -, l’homme ne saurait être un moyen : c’est une fin en soi. Toutefois, la diatribe de Tocqueville contre l’« individualisme » dans son second volume de De la démocratie en Amérique, paru en 1840, a été mal comprise. Il visait en réalité l’égoïsme du citoyen. A l’image de Constant, il rappelle certes que la liberté des Modernes consiste dans la jouissance de sa sphère privée, mais pour autant que l’individu ne doit pas s’y replier en oubliant la sphère publique. En effet, la liberté politique reste essentielle en ce sens qu’elle vient garantir la sphère privée.
La prévention des mariages forcés, garantie de la liberté du mariage
Sans qu'il soit possible de les répertorier avec précision,
on sait les mariages forcés fort nombreux. Des jeunes filles, souvent
mineures et souvent d'origine musulmane, sont mariées contre leur gré
par la seule décision de leur famille. Bien entendu, elles peuvent
demander au juge la nullité du mariage, a posteriori, dès lors que le consentement libre et éclairé de l'un des époux n'existe pas.
Dans sa décision rendue sur QPC du 12 juin 2012, le
Conseil constitutionnel valide le dispositif français de lutte contre
les mariages forcés. Sans qu'il soit possible de les répertorier avec
précision, on sait qu'ils sont fort nombreux. Des jeunes filles, souvent
mineures et souvent d'origine musulmane, sont mariées contre leur gré
par la seule décision de leur famille. Bien entendu, elles peuvent
demander au juge la nullité du mariage, a posteriori, dès lors
que le consentement libre et éclairé de l'un des époux n'existe pas. Le
droit positif s'oriente cependant, de plus en plus, vers une action de
prévention dans ce domaine.
L'âge du mariage, âge de la majorité
Le Conseil récuse cette interprétation. La liberté du mariage s'exerce, comme beaucoup d'autres libertés, dans le cadre des lois qui la réglementent. Le législateur peut donc librement établir un contrôle a priori, permettant d'apprécier l'effectivité du consentement des époux.
Un contrôle a priori
Depuis la loi Maîtrise de l'immigration du 13 août 1993, le parquet peut former opposition au mariage dans tous les cas d'éventuelle nullité. Ce principe était déjà acquis dans le cas des mariages blancs, dans lesquels les époux poursuivent un but étranger à l'union matrimoniale, puisqu'il s'agit généralement d'acquérir un titre de séjour, voire la nationalité française. Dans sa décision rendue sur QPC le 30 mars 2012, le Conseil admet la conformité à la Constitution de cette intervention du procureur de la république, faisant du détournement de finalité un vice du consentement.
La décision du 12 juin 2012 reprend exactement ce raisonnement. Le Conseil constitutionnel considère que l'intervention du Procureur pour empêcher un mariage forcé se justifie par la non conformité de ce type d'union à l'ordre public français.
Cette jurisprudence est très proche de celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans un arrêt du 18 décembre 1987, F. c. Suisse, celle-ci précise que la loi peut restreindre le droit au mariage, à la condition toutefois qu'il ne soit pas atteint dans sa substance même. Plus tard, une décision de la Commission européenne des droits de l'homme du 16 octobre 1996 Dagan et Sonia Sanders c. France considère comme licite une ingérence du législateur dans la liberté du mariage, dès lors que les règles édictées ont pour objet de lutter contre les mariages blancs.
Le terme d'ingérence, issu de la Convention européenne, est particulièrement bien choisi dans ce cas. Les dispositions qui autorisent le procureur de la république à contrôler la réalité du consentement, et donc à empêcher un mariage forcé, constituent certes une ingérence, mais certainement pas une restriction à la liberté du mariage. C'est au contraire la condition de son libre exercice.
Les Français rêvent de vacances en France, familiales et conviviales, selon une étude. Des vacances détendues, mariant les plaisirs de la gastronomie et de la découverte... Tous ces désirs peuvent être satisfaits en une seule formule: les pliants déployés autour d’une table bien garnie, le rosé au frais et le bob sur la tête, à l’horizon les verts reliefs du Jura, et là, juste devant soi, la procession des coureurs du Tour de France qui transpirent leurs souffrances multicolores. Le plus beau spectacle du monde, qui a plus d’un siècle et n’a pas pris une ride. Il a pris d’autres choses, le Tour, des dopants en cachets, poudres et piqûres. Il a failli en mourir, mais on a oublié. Car on se fiche, au fond, de qui gagne et comment, de l’absence de Schleck ou la présence de Wiggins: le seul héros du spectacle, c’est le Tour lui-même - et nous, sur un pliant, le rosé au frais et la France pour paysage.
Bayrou et le suicide du centre
Au même moment, les sondages donnaient Bayrou gagnant au second tour contre tout adversaire, y compris Hollande. Une conclusion s’imposait: Bayrou ne devait pas faire campagne «à mi-chemin de la droite et de la gauche» -un lieu géométrique pour le moins difficile à situer pour les électeurs qui dénonçaient la ressemblance des programmes UMP et PS et qui auraient dû être sa cible principale!
Bayrou devait faire campagne au centre droit et même à droite. C’est d’ailleurs là que le parti communiste, mais aussi une partie de l’électorat a toujours situé le soi-disant centre. Souvenons-nous du duel Pompidou-Poher vu par Jacques Duclos: «blanc bonnet et bonnet blanc»! C’est aussi comme cela qu’on le voit dans les campagnes béarnaises où les centristes sont du côté du curé, donc de droite.
L’affaiblissement extrême du candidat de l’UMP, dans une partie du spectre politique proche du sien où les électorats sont relativement fongibles, lui offrait un trou d’air, une chance exceptionnelle qu’il n’a pas saisie. Il a cru au contraire que son potentiel électoral était à gauche. Grave erreur! Il se fondait sur l’expérience de 2007. Une expérience très singulière et qui avait peu de chances de se répéter: le machisme du PS et la personnalité bien injustement contestée de Ségolène Royal, conjugués à un effet de mode «bobo», avaient porté une partie des électeurs naturels du PS à se rallier à lui (c’est essentiellement ceux-là qu’il a perdus, descendant de 18,5 à 9,3%). Mais dès lors que François Hollande avait une pleine légitimité à gauche, François Bayrou n’avait en 2012 aucun espace de ce côté.
Au souvenir de l’élection précédente s’ajoutait le vieux complexe des centristes vis-à-vis de la gauche. Non reçus à gauche, autrefois à cause de la religion, aujourd’hui, de la pesanteur sociologique et du sectarisme, ils sont d’autant plus fascinés par elle et passent leur temps à lui faire des clins d’œil, des avances, jamais payés de retour. Ceux de Bayrou aux rocardiens au cours de la dernière campagne sentaient tant leurs années soixante-dix!
C’est le même complexe qui avait amené le président du MoDem à se rallier, il y a déjà quelques années, au mariage (mais non à l’adoption) pour les homosexuels. Il n’en tira pas une voix à gauche, tandis qu’il se coupait de sa base catholique –la vraie, pas l’équipe de Télérama!
Bloqué à gauche, Bayrou avait encore, pour percer, la solution d’aller droit au peuple sur de sujets qui n’étaient encore investis par aucun des extrêmes. Il l’a tenté une fois, mollement, en promouvant le made in France. Ce fut à peu près tout. Hélas pour lui, il n’eut pas l’occasion, comme en 2007 d’administrer une claque à un jeune effronté ce qui n’avait pas peu contribué, on s’en souvient, à sa percée populaire.
Le reste de ses propositions n’avait pas de quoi emballer l’électeur: retour à la proportionnelle, non-cumul des mandats, prise en compte du vote blanc, équilibre budgétaire au prix d’un alourdissement des impôts, des propos raisonnables sur l’éducation nationale mais qui ne pouvaient susciter l’enthousiasme. Même sans empiéter sur les plates-bandes du Front national, les sujets pourtant ne manquaient pour aller au devant du sentiment populaire, notamment les mille et une réformes qui désespèrent les Français: démantèlement des services publics, abandon de la politique d’aménagement du territoire, désordre des politiques sociales, pénurie de logement, intercommunalité désordonnée, escalade normative etc.
François Bayrou est resté prisonnier de ce qui caractérise désormais, plus que tout, le centre: non plus l’idéologie démocrate-chrétienne, à bout de souffle, mais la proximité avec la technocratie. Camdessus, Peyrelevade, une partie des «Gracques» trouvent Bayrou très bien: c’est déjà mauvais signe. Car c’est de ces ceux-là que viennent, sur fond d’européisme intégriste, à peu près toutes ces réformes que nous venons d’évoquer et qui sont si mal reçues des Français, y compris celles que l’on a imputé à tort à Nicolas Sarkozy comme l’introduction des méthodes managériales dans le secteur public et la mesure généralisée de la performance qui va avec.
L'attentat de Montauban
Mais c’est bien mal connaître la psychologie de ces gens-là (fort peu nombreux au demeurant) que d’imaginer qu’ils pourraient tirer sur un soldat français, quelle que soit la couleur de sa peau. Gageons que dans leur piaule trône un képi blanc! Le racisme français s’est toujours arrêté aux portes des casernes de la Légion!
Mais Bayrou commettait aussi une erreur politique: même si la droite n’est pas l’extrême droite, une partie ressent mal, qu’on le veuille ou non, les attaques véhémentes dont celle-ci fait l’objet, comme beaucoup d’électeurs de la gauche modérée ressentaient mal autrefois ce que Georges Marchais appelait l’«anticommunisme primaire». En faisant du Front national (et indirectement de Sarkozy) sa cible privilégiée, Bayrou avait, certes, la satisfaction de jouer au progressiste mais il se coupait de l’électorat qui seul pouvait lui permettre d’accéder au second tour: on ne convainc pas les gens de droite, même modérés, avec des arguments de gauche!
L’idée, propagée par les médias, qu’à côté de la «droite glauque», existerait une «droite républicaine» partageant avec la gauche l’horreur du FN est largement illusoire. Il y a certes des politiciens de la droite classique qui prennent cette posture, à la fois parce que Le Pen chasse sur leurs terres (si mal gardées!) et qu’ils veulent continuer d’être invités par les médias. Mais la grande majorité de l’électorat modéré, sans vouloir nécessairement que Marine Le Pen vienne au pouvoir, ne sympathise pas du tout, au contraire, avec les campagnes supposées antiracistes menées contre elle. Le durcissement des attaques contre le FN en fin de campagne a sans doute contribué à la remontée de Sarkozy! On pourrait même aller plus loin: combien de retraités de l‘EDF ou de La Poste, qui votent socialiste par habitude, s’inquiètent en privé davantage de l’immigration ou de l’insécurité que de leurs avantages acquis?
La droitisation de l’opinion (qui rend d’autant plus paradoxal un basculement à gauche du gouvernement!), le passage au parti socialiste de ce qui reste de la démocratie chrétienne (l’Ouest, incarné par le nouveau premier ministre, formé au MRJC comme les Pyrénées atlantiques, est en passe de devenir un fief socialiste): tout cela laisse peu de place au centre tel qu’on l’avait connu autrefois. Quant à la vingtaine de centristes qui demeurent au sein de l’UMP autour de Borloo, il est vraisemblable que, plus que jamais, ils ne seront que des figurants.
Il est significatif que, dans le naufrage du MoDem, les seuls survivants soient les deux représentants de ce qu’on pourrait appeler, sans que cela ait pour nous rien de péjoratif, le populisme du centre; Philipe Folliot et Jean Lassalle, le premier ancien du RPF de Pasqua, le second défenseur intraitable de son terroir pyrénéen, crypto-souverainistes l’un et l’autre (ce qui est tout de même un comble pour les deux rescapés du courant démocrate-chrétien!). Ils furent tenus aux marges de la campagne de Bayrou, plus inspirée par les inspecteurs des finances des Gracques et conduite par l’entourage parisien de Marielle de Sarnez; on les assimilait sans doute à ces groupes folkloriques, à ces «bandas», chargés de donner de la couleur et de chauffer la salle dans les meetings. Bref, on ne les prenait pas au sérieux. A tort. Bayrou n’en serait pas où il en est s’il avait un peu plus écouté Lassalle et un peu moins Peyrelevade.
Un bond en avant
Union bancaire, relance de l’investissement,
approfondissement de l’union politique et économique… Le sommet des 28
et 29 juin devrait redonner du souffle à l’Europe, estime le chroniqueur
Bernard Guetta. Dommage que ses acteurs ressemblent davantage à des
comptables gérant l’urgence qu’à des visionnaires.
L’Union n’a pas de dirigeants politiques, elle a des commissaires aux comptes mais bon… C’est ainsi, c’est l’époque et puisqu’il faut traduire toute décision européenne en une langue intelligible, traduisons ce Conseil en français pour dire que le bilan d’étape est finalement bon, voire très bon.
Un vrai transfert de souveraineté
Là où il n’y avait que rigueur et réduction des dépenses, il y aura bel et bien relance par l’investissement commun puisque les 27 ont entériné un “pacte de croissance” qui mobilisera 120 milliards d’euros pour remettre de l’huile dans une machine économique à bout de souffle. Les termes du débat politique ont changé dans l’Union et, même si cela ne produira pas de miracle immédiat, on aurait tort de sous-estimer ce tournant et ce n’est pas tout, et loin de là.Ce Conseil a également ouvert la voie à une union bancaire dont l’Union se dotera pour pouvoir réguler ses banques, organiser leur surveillance, garantir leurs dépôts et mettre ainsi toute la force européenne derrières les banques nationales afin qu’un Etat ne soit plus seul à affronter leurs difficultés et à s’endetter pour les soutenir. Il s’agit là d’un vrai transfert de souveraineté qui vient, à la fois, donner à l’Union les attributs d’un Etat et renforcer chacun de ses Etats-membres dans cette tempête financière. En langue européenne, cela n’a l’air de rien. En français, c’est beaucoup mais ce n’est encore pas tout.
Une avancée capitale
Plus important encore, les 27 ont également approuvé le rapport sur l’approfondissement de l’intégration économique et politique qu’ils avaient demandé aux présidents du Conseil, de la Commission, de l’eurogroupe et de la Banque centrale et les ont chargés de formuler des propositions d’étapes sous six mois. En français, cela veut dire que l’Union va maintenant s’engager sur la route d’une politique économique commune, d’un Trésor commun et d’une mutualisation de ses emprunts qui, ajoutés à sa monnaie unique, la feront encore plus ressembler à une véritable puissance publique, à un Etat fédéral en devenir.Là, quelque chose de vraiment capital est en train de prendre forme, d’autant plus capital que l’Espagne et l’Italie, soutenues par la France, ont obtenu cette nuit que le fonds européen de solidarité financière, le Mécanisme de stabilité, puisse secourir directement des banques nationales et surtout souscrire des emprunts de pays, comme elles, vertueux mais en difficultés. Elles ont dû, pour cela, menacer de claquer la porte. L’affrontement a été rude mais la solidarité financière et la mutualisation des emprunts se sont, de fait, imposées à l’Union alors que ses traités la proscrivent et que l’Allemagne n’en voulait à aucun prix. Victor Hugo manque à l’appel mais l’Europe se remuscle.
THELO ENA IAOURTI PARAKALO
"Il y a plus de 16 millions de Grecs dans le monde. Des Grecs qui aiment leur pays et qui sont prêts à l'aider, mais pas à travers le gouvernement", affirme Peter Nomikos, l'entrepreneur grec de 33 ans qui a fondé l'organisation non lucrative "Greece Debt Free" (GDF). Selon ce jeune diplômé de Princeton, les Grecs habitant à l'étranger peuvent mettre fin aux problèmes financiers d'Athènes. "Les Grecs ne sont pas de bons citoyens", avoue-t-il, "mais par contre ils sont très patriotiques, et si la crise de la dette devenait une question de patriotisme, les Grecs seraient prêts à aider leur pays".
L'objectif de "Greece Debt Free" est donc à la fois simple à expliquer et ardu à réaliser : effacer la dette grecque. "Les titres grecs sont très dévalués sur les marchés financiers", explique Peter Nomikos, "par exemple, acheter mille euros de bonds grecs coûte environ 120 euros". Paradoxalement, ce qui est un véritable fléau pour le gouvernement grec, devient un avantage pour les partisans de "Greece Debt Free". Acheter la dette grecque, cela n'a jamais été aussi agréable !
"Greece Debt Free n'est qu'une machine transparente : nous recevons les dons des internautes et, presqu'en direct, nous achetons les bonds grecs sur les marchés financiers", explique l'entrepreneur grec. Le fait que les titres grecs soient énormément dévalués rend le processus encore plus efficace: "chaque euro donné, contribue à baisser la dette grecque de 8 euros", souligne M. Nomikos.
Un mouvement qui prend de l'ampleur
En ces temps de crise généralisée, une générosité si grande est improbable. Voilà pourquoi Peter Nomikos a déjà commencé à regarder autour de lui, pour embarquer dans l'aventure d'autres philanthropes aisés. Le premier à soutenir "Greece Debt Free" a été, il y a à peine quelques jours, le président du club de foot grec "Olympiacos", Vangelis Marinakis. "Vangelis m'a dit oui tout de suite", raconte M. Nomikos, "il a payé la part de dette qui correspond à ses 55 employés". Le GDF a pu ainsi acheter plus d'un million d'euros de dette grecque.
En outre, après avoir été interviewé par "The Financial Times", Peter Nomikos gagne de plus en plus de popularité. La page Facebook de "Greece Debt Free" compte plus de 12 000 supporters et le nombre ne cesse d'augmenter.
Oui, l’euro est mortel
Dire que l´euro est irréversible rappelle la prière pour demander la pluie. Plus elle se répète, plus réelle se fait la noire et indésirable image d’une Europe sans euro et d'un monde sans Europe. [...] Nous l’avons tous parfaitement compris : l’euro est mortel, il peut mourir dans nos bras dans les prochains jours. Mentalement, on est dejà entré en territoire inconnu. [...] Il n’est donc pas étrange que ces dernières heures, les usines européennes de papiers, manifestes, articles et rapports d’urgence tentent de trouver une formule qui puisse ouvrir le robinet aux euro-obligations, à la solidarité salvatrice ou à l'union des transferts jusqu'à maintenant interdite par l'Allemagne. Une formule qui puisse garantir l´austérité, le contrôle et la responsabilité exigée par Angela Merkel. [...] Le problème, c'est que très peu de ces idées sont immédiatement applicables et leur efficacité est encore moins prouvée au moment où il faut contrer le pari des marchés sur la mortalité de l’euro.
Cinq ans après les faits, un policier à la barre
vendredi 29 juin 2012
L’Europe bipolaire
Vendredi matin 29 juin, les auditeurs des radios matinales prenaient
connaissance du résultat des activités nocturnes des vingt-sept chefs
d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne réunis à Bruxelles pour
un sommet estimé « crucial » par la plupart des observateurs. L’euro et,
au delà, l’ensemble de la construction édifiée au cours des soixante
dernières années allaient-ils survivre à la crise des dettes souveraines
qui ébranle l’Espagne et l’Italie, après la Grèce, le Portugal et
quelques autres ? Dans les jours précédant le sommet, un vent de
panique, déclenché par quelques éditoriaux de la presse anglo-saxonne,
soufflait sur le Vieux continent. A les entendre, l’euro serait déjà
mort, et la réunion de Bruxelles ne serait qu’un simulacre destiné à
éviter un « bank run » des épargnants désireux de sauver leur magot.
Le principal hebdomadaire allemand, Der Spiegel titrait, en
couverture, « Quand l’Euro s’effondrera » avec, comme illustration, une
pièce de 1€ côté face dépourvue de tout symbole renvoyant à son lieu
d’émission. On ne manquait pas d’arguments pour fonder cet
europessimisme : la crise bancaire espagnole serait un trop gros morceau
à avaler par la zone euro, l’intransigeance d’Angela Merkel sur le
volet « solidarité » de l’harmonisation fiscale et budgétaire des pays
membres de cette zone et le rejet par les opinions publiques des
transferts de souveraineté vers Bruxelles conduisaient droit à l’échec
des négociations des 28 et 29 juin. Les Cassandre allaient même jusqu’à
rappeler que ce sommet s’ouvrait le jour du 98ème anniversaire de
l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, dont on
connaît les conséquences…
Vendredi matin, au contraire, on nageait en pleine euphorie :
l’accord conclu au petit matin par les 27 renvoyait tous les prophètes
de malheur dans leur coin sombre. L’Italie et l’Espagne avaient réussi à
faire céder l’Allemagne en obtenant que le mécanisme européen de
stabilité (MES) puisse financer directement les banques des pays soumis à
la pression des marchés financiers et respectant leurs engagements
relatif à l’assainissement de leurs finances publiques. Le plan de
relance de 130 milliards d’euros était adopté dans la foulée, permettant
à François Hollande de sortir la tête haute (du moins en apparence) de
l’affrontement qu’il avait engagé avec la chancelière allemande. Les «
eurobéats » triomphaient sans la moindre modestie, la palme de
l’hyperbole revenant une fois de plus à Bernard Guetta de France Inter,
regrettant qu’il n’existât pas sur notre continent un nouveau Victor
Hugo capable de célébrer par des vers immortels cette avancée décisive
vers l’Europe fédérale. Les marchés financiers, soulignent les mêmes, ne
s’y sont d’ailleurs pas trompés, en saluant l’accord de Bruxelles par
une hausse significative des bourses européennes et une remontée du
cours de l’euro face aux principales devises mondiales.
Qu’en est-il exactement ? A-t-on procédé à un nouveau rafistolage
dans l’urgence ou écrit le premier acte d’une mutation de l’UE vers un
système fédéral à l’image de celui en vigueur en Allemagne et aux
Etats-Unis ? Avant de tenter de répondre à ces questions, saluons
d’abord l’habileté tactique de Mario Monti et Mariano Rajoy qui ont
conditionné leur adoption du plan de relance à l’acceptation préalable
par l’Allemagne et ses alliés de la possibilité pour les banques en
difficultés de se refinancer directement auprès du MES, ce qui hérisse
le poil de Mme Merkel. Si elle a été obligé de craquer, c’est parce que
la ratification par le Bundestag du pacte budgétaire européen (la mise
sous surveillance par l’UE des budgets nationaux) exige la majorité des
deux tiers, donc l’approbation des sociaux-démocrates. Or le SPD fait
de l’approbation du plan de relance la condition de son vote favorable
au pacte budgétaire. Mais la chancelière n’en a pas pour autant levé son
opposition à toute garantie automatique des dettes publiques des pays
européens avant que le gendarme financier de la zone euro n’ait été mis
en place. Elle n’a tout simplement pas confiance et s’avance même
jusqu’à affirmer que « de son vivant » on ne verrait pas
d’euro-obligations assurer aux pays du « Club med » des conditions de
crédit comparables à celle dont bénéficie aujourd’hui la République
fédérale. Comme elle est âgée de 58 ans et que l’espérance de vie des
femmes allemandes est de 83 ans en moyenne, cela laisse pas mal de temps
aux marchés financiers pour tourmenter les pays de la zone euro
incapables de faire adopter à leurs sociétés les comportements
germaniques. Angela Merkel vient d’ailleurs d’être sèchement rappelée à
l’ordre dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, bible des
milieux d’affaires outre-Rhin, pour qui le compromis de Bruxelles est «
une attaque contre l’épargnant allemand », car celui-ci, au travers de
l’Union bancaire qui doit voir le jour au sein de l’UE, se portera
garant des dépôts des cigales méridionales. Une fois ratifié le pacte
budgétaire, la chancelière entrera en campagne électorale face à une
opinion publique réticente devant tout ce qui peut ressembler à une
caution solidaire de ses partenaires.
L’union politique » proposée par Merkel, et que Le Monde
presse François Hollande d’accepter, se limite à la constitution d’un
conseil de discipline, alors que ses partenaires rêvent pour de
l’avènement d’une Société de secours mutuels continentale à l’image de
celles qui engendrèrent, aux XIXème siècle, l’essor du syndicalisme
ouvrier. Et comme l’a montré Gil Mihaely,
c’est s’illusionner de penser que les sociaux-démocrates allemands,
s’ils revenaient au pouvoir, adopteraient une ligne radicalement
différente. Personne en France n’a remarqué la proposition faite par la
Finlande à l’ouverture du sommet de Bruxelles. Les pays du Sud ont du
mal à se financer à des taux raisonnables sur le marché ? Eh bien qu’ils
émettent des emprunts hypothécaires gagés sur le patrimoine national ou
les entreprises publiques ! Si on avait appliqué cette recette à la
Grèce, la Deutsche Bank serait peut-être aujourd’hui propriétaire du
Parthénon et BNP-Paribas aurait hérité de Mykonos comme village de
vacances pour son comité d’entreprise… Or les Finlandais sont réputés
pour oser dire tout haut, car cela ne prête pas trop aux conséquences,
ce que les Allemands pensent tout bas.
Alors gageons qu’à l’euphorie d’aujourd’hui succèdera bientôt une
nouvelle déprime. Car l’Europe est devenu le malade bipolaire d’un monde
multipolaire.
Bienvenue en Normalie !
La gauche reprend la politique de Sarkozy mais nous rejoue le grand air des valeurs
Hypocrite comme un journaliste. Ou comme un politologue. Ou comme un
élu. Il était assez amusant, le 18 juin, d’entendre les invités d’Yves
Calvi sur France 2 commenter le tweetgate avec des accents de vierges
éplorées. De Florian Philippot, lieutenant de Marine Le Pen, à Vanessa
Schneider, journaliste au Monde, en passant par Dominique
Reynié, politologue et débiteur d’affirmations qui ne mangent pas de
pain, ce fut un festival de mines outrées et de grands mots.
Comme chacun sait, et comme cela fut abondamment répété, ces histoires
d’alcôve n’intéressent pas nos concitoyens. Comme dirait Audrey Pulvar,
faudrait pas me prendre pour un jambon ! Ce serait donc par pur
masochisme que Le Monde a consacré trois pages à la tragédie politico-amoureuse du Président normal, et que tous les hebdos (à l’exception de Paris Match…)
ont changé leur « une » in extremis ? « Les Français, osa encore la
consœur, ne supportent pas ce mélange public privé. » Je ne sais pas
s’ils supportent, mais ils adorent.
Bien entendu, les estimables personnalités réunies sur le plateau se
sont, comme vous et moi et des millions de Français, passionnées pour le
duel de chipies qui a pimenté la bataille politique de La Rochelle.
Tout simplement parce que, depuis nos rois et reines jusqu’à Nicolas
Sarkozy, l’intrusion des passions dans la raison politique intrigue et
fascine. Sexe et pouvoir, c’est la grande affaire de l’humanité. Des
flots d’encre ayant coulé sous les ponts, on ne reviendra pas sur ce que
l’affaire nous a appris de la douceur féminine et de la personnalité de
la Première Girl Friend – qui, cherchant un nom pour sa non-fonction,
avait retenu, parmi toutes les propositions, « Atout Cœur » et «
Première Journaliste ». Et pourquoi pas Informator ? Cet édifiant
épisode jette en revanche un éclairage nouveau sur la normalité
présidentielle. Oui, François Hollande est normal, trop normal, comme
l’annonce notre « une », concoctée par François Miclo avec l’aimable
collaboration de Raymond Depardon.
Mais plus le Président répète, sur le mode de la dénégation, qu’il
n’est pas Nicolas Sarkozy, plus ce qu’il a en commun avec son
prédécesseur apparaît de façon éclatante : ces hommes radicalement
différents sont précisément des hommes normaux, peut-être même
ordinaires – si on veut être cruel comme Gérard Pussey, écrivain dont je
salue l’arrivée dans ce salon. Exceptionnellement doués sans doute,
courageux assurément, mais aussi lâches que n’importe lequel de leurs
congénères quand il s’agit d’affronter une larme, une bouderie ou une
colère de femme – et ne parlons pas de deux. Pour la résacralisation du
pouvoir, vous repasserez. Ou pas.
Si le Président est normal, le fond de l’air est désespérément banal.
On espérait une bataille d’idées entre la gauche Terra Nova,
multiculturelle et antifasciste, et la gauche républicaine attachée à la
nation. On dirait que, au moins dans les discours, la première a déjà
gagné et que nous sommes condamnés à revoir un film que nous connaissons
par cœur, sempiternelle variation sur un scénario éculé, Marine Le Pen
ayant simplement remplacé son père dans le rôle du Dr No. Pour le reste,
les mêmes injonctions moralisantes des valeureux résistants enfin
sortis de la clandestinité à laquelle la répression policière les avait
condamnés1,
les mêmes niaiseries sirupeuses, les mêmes listes d’idiots utiles et
d’alliés objectifs, les mêmes excommunications – et les mêmes médias,
qui trouveront dans ce vieux filon une précieuse opportunité de
reconversion de leur obsession sarkozyste – seront mobilisés en vue des
mêmes fins : renvoyer à la niche ces classes populaires qui résistent
avec entêtement aux joies de l’avenir radieux et sans frontières dans
lequel elles sont priées de disparaître.
Au PS comme à l’UMP on semble donc avoir fermé avec soulagement le livre du géographe Christophe Guilluy
sur les « fractures françaises », qui a fait office d’évangile pendant
ces quelques mois où personne n’avait de mots assez doux pour ces prolos
sans lesquels nul ne gagne une élection. Du reste, dans l’entretien
qu’il nous a accordé, Guilluy explique qu’après une présidentielle qui
avait mobilisé ces catégories, les législatives ont été une élection
sans le peuple. Retour à la normale : après avoir juré que cette fois on
les avait compris, on s’est empressé, une fois le dernier bureau de
vote fermé, de dénoncer leur esprit étroit, imperméable aux joies du
métissage.
Les commentateurs ont donc unanimement et bruyamment décrété que le
résultat des législatives confirmait l’échec de la « stratégie Buisson
». À les entendre, nous aurions subitement retrouvé nos « valeurs » que
ce salaud de Sarkozy avait cachées on ne sait où, sans doute dans le
même coffre que l’argent qu’il piquait aux pauvres pour le donner aux
riches. Maintenant qu’il a cessé de diviser les Français, nous pouvons à
nouveau nous aimer les uns les autres – il faudra le dire aux Parisiens
qui empruntent la ligne 1 aux heures de pointe, certains ne doivent pas
être au courant.
Les chers confrères vont un peu vite en besogne pour décréter que la «
droitisation ne paie pas » – sachant qu’ils qualifient de droitisation
toute tentative pour répondre aux angoisses exprimées par les classes
populaires sur l’immigration et la sécurité. Claude Guéant n’a pas été
défait par un tenant de la droite dite « humaniste » (l’humanisme en
question consistant paradoxalement à s’asseoir sur les attentes d’une
partie des citoyens), mais par un dissident mieux implanté que lui. Et
parmi les battus, figurent également François Goulard, Hervé de Charette
ou Laurent Hénart, qui ne sont pas, que l’on sache, des représentants
de la droite inhumaine et buissonnière.
En réalité, si on place à part l’ouest de la France, qui a peut-être
rejoint le camp de ceux qui imaginent pouvoir un jour faire partie des
gagnants de la mondialisation, on a plutôt l’impression que si la «
stratégie Buisson » a été sanctionnée, ce n’est pas à cause de Buisson,
mais parce qu’il était trop évident qu’il s’agissait d’une stratégie.
Convaincus que Nicolas Sarkozy, malgré ses discours musclés, ne ferait
pas mieux que François Hollande sur les terrains qui les préoccupent,
nombre d’électeurs se sont dit : « à tout prendre, autant avoir la
retraite à 60 ans. »
La gauche n’ayant aucun autre horizon à proposer que le
libre-échangisme et la réduction des déficits – c’est-à-dire la
politique menée par Sarkozy –, elle a tout intérêt à camper sur sa
supériorité morale. Aussi a-t-elle promptement commencé, notamment par
le truchement de Najet Vallaud-Belkacem, professionnelle du fronçage de
sourcil à visage humain, à déplorer la porosité, les passerelles, les
compromissions entre UMP et FN – l’inénarrable Olivier Ferrand de Terra
Nova ayant déjà dressé la liste des agents doubles, dans laquelle figure
évidemment votre servante, ainsi que les suspects habituels. À l’UMP,
certains, à commencer par Alain Juppé et François Fillon, ont compris
qu’ils tenaient là leur seule chance de faire passer une bataille de
chiffonniers pour un noble affrontement idéologique. Jambons, vous-mêmes
!
En vérité, on voit mal pourquoi il faudrait partager les valeurs du
Front national pour comprendre que son succès n’est pas dû à la
méchanceté ou au racisme des Français, mais au fait que beaucoup le
tiennent – à tort, à mon humble avis – pour le seul parti capable de
défendre avec fermeté ce qui leur importe : une justice qui condamne les
voyous, une immigration qui s’adapte à la tradition nationale, un
système social supporté par tous. Personne ne leur rendra confiance en
leur répétant qu’il faut aimer l’autre et que la différence est une
source de richesses. Dans ces conditions, comme le montre Daoud
Boughezala, il est absurde de poser en termes moraux et sentimentaux la
question d’une éventuelle et future alliance entre l’UMP et le FN.
Le jour où les électeurs frontistes auront la conviction que la
droite « classique » est capable d’entendre leurs inquiétudes et d’y
répondre, le Front national n’aura plus de raison d’exister (on l’a vu
en 2007). Et la gauche devra se trouver un nouvel épouvantail.
Malheureusement, il semble que ce ne soit pas pour demain. Bienvenue
dans le quinquennat anti-Le Pen.
Je rigole, mais fabriquer Marianne et Mediapart dans une cave, ce n’était pas marrant tous les jours. ↩
Vous connaissez la définition du football par l’avant-centre anglais Gary Lineker ? « Un jeu simple : 22 joueurs courent après un ballon et à la fin, les Allemands gagnent ». Ce n’est certes plus toujours vrai sur le gazon vert, mais ça le reste dans un sommet européen, qu’on pourrait ainsi définir : « Une négociation simple : 27 leaders courent après un accord et à la fin, Merkel gagne ». Notre Président, tout frais arrivé dans la haute compétition, espérait pourtant changer la règle. Bousculer la hiérarchie et tacler la Teutonne. Faire mieux, aussi, que nos footballeurs, fantômes errants de l’Euro. Notre Président aura au moins essayé, dans son style sans fioriture, sérieux et obstiné. Mais on ne défait pas une longue tradition en un seul match. Ce soir, n’en doutons pas, au coup de sifflet final du sommet, c’est la Mannschaft d’Angela qui chantera victoire – et fera des eurobonds de joie.
Mythes économiques : Tout investissement qui crée de l'emploi est bon pour l’économie
Mythe : Tout investissement qui crée des emplois est
forcément bon pour l’économie et la création de richesse. D’ailleurs, ce
sont les petites entreprises qui créent le plus d’emplois, il faut donc
que le gouvernement les privilégient.
out investissement qui crée des emplois est forcément bon pour
l’économie et la création de richesse. D’ailleurs, ce sont les petites
entreprises qui créent le plus d’emplois, il faut donc que le
gouvernement les privilégient.
Pour reprendre l’excellent exemple d’Igor Karbinovsky,
supposons que j’écris un article que personne ne veut lire, encore
moins me payer pour le lire. Puis, dans un nouveau programme de création
d’emploi, le gouvernement me paie pour cet article et tous ceux que
j’écrirai dans le futur. Bravo ! Un nouvel emploi a été créé !
Ainsi, les ressources et les actifs dévoués à la production de biens non-désirés par la société sont gaspillées et réduisent le niveau de vie de la société. Et le seul moyen de savoir si le capital est déployé de manière à bien servir la société, c’est en le soumettant au test du libre-marché, l’agrégation des préférences de la société. Le profit est l’indicateur démontrant si la production rencontre la satisfaction des consommateurs. Le plus vite les entrepreneurs réalisent que leur capital est mal investi et qu’ils gaspillent les ressources, le mieux le niveau de vie de la société s’en portera. Toute interférence dans le processus du marché viendra le troubler et nuire à la création de richesse.
Donc, créer des emplois ne veut pas dire qu’on l’on crée de la richesse. On pourrait créer des milliers d’emplois en rendant les pelles mécaniques illégales. Cependant, cela nous apauvrirait puisque nous devrions alors payer plus cher pour nos maisons, nos édifices, nos routes et toutes ces autres constructions, ce qui réduirait notre niveau de vie considérablement.
Dans un autre ordre d’idées, il semble que les petites entreprises bénéficient d’une sorte d’aura politique, étant considérées comme les plus créatrices d’emplois. Aux dernières élections fédérales, le programme du Parti Néo-Démocrate prévoyait des crédits d’impôts de $1 milliard visant à aider les PMEs, alors que le Parti Conservateur leur consentait $124 millions en crédits d’impôt à l’embauche. Les petites entreprises font aussi souvent partie des discours du Président Obama et sont particulièrement visées par ses politiques interventionnistes. Cela est attribuable au fait que les petites entreprises créent plus d’emplois que les grandes, et l’emploi est un enjeu électoral significatif.
Pourtant, les grandes entreprises ont généralement des employés beaucoup plus productifs que les petites, offrent des salaires supérieurs et paient plus d’impôts. Les pays dont les économies sont plus dominées par les petites entreprises sont moins dynamiques, croient moins vite que les autres (par exemple : la Grèce, l’Italie et le Portugal) et ont des niveaux de vie inférieurs.
Les grandes entreprises récoltent des économiques d’échelles qui sont repassées aux consommateurs sous la forme de prix plus attrayants. Ces économies d’échelles bénéficient donc à la population en augmentant son niveau de vie.
De plus, lorsque les données sont ajustées pour l’âge de l’entreprise, on constate que les petites ne créent pas plus d’emplois que les grandes.
La conclusion est que plutôt que de chercher à privilégier et subventionner les petites entreprises, les gouvernements devraient se concentrer à retirer les entraves au monde des affaires tout en réduisant les impôts, la bureaucratie et la paperasse. Par exemple, en Europe et ailleurs, lorsqu’une firme atteint une certaine taille, elle est sujette à plus de règlementations, ce qui lui donne un incitatif à rester petite. Il y a donc en France un nombre anormalement élevé d’entreprises de 49 employés, car l’ajout d’un cinquantième employé aurait des conséquences règlementaires et fiscales très négatives. En bref, des politiques de libéralisation économique (dérèglementation, privatisation, baisses d’impôts) pour toutes les entreprises serait plus souhaitables que des mesures interventionnistes favorisant les petites entreprises.
Pour en lire davantage:
« Avant, les familles apportaient de la nourriture aux détenus, ce qui est interdit mais toléré dans les faits. Maintenant, c’est le contraire ! Certains prisonniers ont écrit à leur directeur d’établissement pour que leur famille profite aussi de ces prix bas et ils se mettent à poster des colis. »
« Ce qui me fait peur, c'est que certains gamins grimpent sur le parapet. S'ils tombent, ça peut se terminer en drame »