Les cars sont rangés sagement sur l'Esplanade des Invalides. Il n'est pas 14 heures, et les militants UMP
pénètrent sagement, drapeau tricolore à la main, sur la place de la
concorde. Jean-François Copé monte une première fois à la tribune, se
vante de qu'il y a plus de 100 000 participants. Quel est le chiffre
exact ? Au moins moitié moins, à l'évidence. La place est clairsemée,
avec de grandes allées coupant la foule. Aucun débord sur les
Champs-Elysées, la rue Royale ou le Pont de la Concorde. La presse ne
peut approcher
de la tribune et est renvoyée vertement par un service d'ordre qui a
privatisé la place. Des militants de Nantes brandissent leur calicot : "Nicolas, la majorité silencieuse est là."
Pendant que des clips sont diffusés sur des écrans géants, Pal Sarkozy, le père du président, imperméable et pantalon de cuir marron, papote avec Olivier Stirn, éphèmère ministre de François Mitterrand. Les élus arrivent, Françoise Grossetête, députée européenne, s'exclame : "Les gens ont peur, les classes moyennes ont peur pour leurs impôts. C'est pour cela qu'ils se mobilisent." Pierre Lellouche, député du 9e arrondissement de Paris, a arpenté dans la matinée sa circonscription redécoupée. Il estime que "la victoire est possible. Le premier tour se jouera dans un mouchoir de poche", tandis que le commissaire européen Michel Barnier excuse le positionnement droitier du candidat. "Il doit rassembler son camp au premier tour. Mais il est profondément européen", assure l'ancien ministre de l'agriculture.
Quelques people se mêlent à la foule : le chanteur Enrico Macias, le producteur Alain Terzian et le cinéaste Claude Lellouch, qui lâchera plus tard à la tribune : "Dans le scénario qui s'annonce, la France aura besoin d'un grand metteur en scène." Par écran interposé, Véronique Genest et Nadine Trintignant défendent Nicolas Sarkozy. "Je ne suis pas une girouette", dit la première, tandis que la seconde se réjouit de la loi Hadopi.
Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, a droit à dire quelques mots, mais la foule peine à entendre sa voix. Claude Guéant arrive essouflé, à ce meeting qui débute si tôt. C'est ensuite le tour de Xavier Bertrand, qui lance à la foule : "Bousculez les sondages !" Pendant que le couple Tiberi, erre clopin-clopant dans les allées, Alain Juppé exhorte les troupes : "Attention au retour en arrière, au rétropédalage dans l'ancien monde. Attention au conservatisme socialiste. Le vrai changement, c'est nous."
Il est 14h55, Frédéric Mitterrand et Luc Châtel arrivent sur la place. Jean-François Copé, l'organisateur de ce rassemblement, monte à la tribune pour la seconde fois : "Nous sommes la France qui marche. Ne lâchez rien. Hollande est le champion du ni oui ni non." Jean d'Ormesson, qui avait organisé avec Nicolas Sarkozy le meeting de soutien à Jacques Chirac sur la même place entre les deux tours de la présidentielle perdue de 1988, se faufile dans la foule. Nicolas Sarkozy est déjà dans sa loge, avec son épouse Carla Bruni en manteau violet, et son fils Pierre, le rappeur.
Pendant ce temps, François Fillon a traversé la Seine. "Durant cinq années, j'ai la fierté d'avoir servi notre pays et l'honneur d'avoir été le premier ministre de Nicolas Sarkozy. Je ne regrette rien. Je ne renie rien. Je ne rougis de rien", assure M. Fillon. "Mais j'espère tout car il nous reste tant de chose à faire ensemble", poursuit le premier ministre. "La gauche est formatée pour répondre oui à tout le monde et dire non à tout ce qui est difficile. (...) La France a besoin d'un chef de l'Etat, pas d'un compteur de bonne aventure, pas d'un homme qui n'est constant sur rien, sauf sur sa sarkophobie."
Pas d'annonce pour le grand public, mais un tabou majeur est brisé dans ce discours : celui de la politique de la Banque centrale européenne. "Si la Banque centrale européenne ne soutient pas la croissance, nous n'aurons pas assez de croissance... L'Europe doit apurer ses dettes, elle n'a pas le choix. Mais entre la déflation et la croissance, elle n'a pas davantage le choix. Si elle choisit la déflation, elle disparaîtra. Il faut se souvenir des années 30", assure M. Sarkozy, qui ajoute : "Il ne doit pas y avoir de sujets tabous, il ne doit pas y avoir de débats interdits."
Ainsi, M. Sarkozy rompt, à huit jours du premier tour, le pacte de silence conclu avec Angela Merkel et Mario Draghi, patron de la BCE : ne rien dire sur la Banque et la laisser prendre toutes les initiatives les plus hétérodoxes. Ce pacte, scellé en décembre 2011, avait permis à la BCE d'inonder les banques de liquidités et de mettre fin, au moins provisoirement, aux attaques de marchés sur les pays du sud de l'Europe.
GUAINO FIER DE CE DISCOURS QUI A RATISSÉ L'HISTOIRE DE FRANCE
A la sortie du meeting, Henri Guaino, la plume du candidat exulte. L'eurosceptique a enfin pu aborder le sujet de la BCE. Et le pacte avec Mme Merkel. "Ici, on est place de la Concorde, en France." Ce pacte n'a-t-il pas permis de sauver la Grèce et l'Italie ? "Ce n'est pas suffisant", poursuit M. Guaino, qui continue de prévoir une vague populiste en Europe. Il est fier de ce discours sur la Nation qui a ratissé l'histoire de France, avec Valmy, Césaire, Zola, Victor Hugo. "Je ne sors pas des manuels d'histoire. Il faut que cela parle aux gens."
La foule s'égaie. Ernest Antoine Seillière, l'ancien patron du Medef, repart à pied du meeting, en famille.
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