En remportant, le 4 mars, un troisième mandat présidentiel dès le premier tour, le Premier ministre russe s’installe durablement au Kremlin. Cela satisfait l’Europe, note la presse, qui appelle à des progrès sur le front de la démocratie.
Cela s’est passé au moment où il a cessé d’être simplement un leader élu pour devenir président à vie. Après avoir soigneusement contourné les règles en effectuant un mandat de premier ministre (les dirigeants russes ne peuvent accomplir plus de deux mandats présidentiels consécutifs), Poutine peut à présent continuer à l’infini. Brejnev a duré 18 ans, Staline 31. Malgré les rumeurs d’une révolution aux portes du Kremlin, qui parierait contre Vladimir-Léonid ? Confronté au spectre d’une Révolution Orange, Poutine a deux options : il peut assagir les manifestants avec de vagues promesses de réformes libérales ou réutiliser les tactiques lugubres du KGB comme les listes noires d'opposants, les arrestations ainsi que l’accusation permanente portée à ses ennemis d’être des traîtres au service de l’Occident et des infiltrés soutenus par Washington. Poutine semble pencher vers cette seconde, et plus brutale, option.
"S’il ne se vainc pas lui-même et qu’il ne change pas les choses, cela se terminera dans la rue.” La communauté internationale n’a pas intérêt à ce que le printemps arabe soit suivi d’un été russe. L’Allemagne en particulier dépend de Moscou en tant que partenaire stable pour les matières premières et le commerce. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas eu à s’inquiéter, chez nous, des livraisons en pétrole et en gaz. Mais ne nous voilons pas la face : le crépuscule du tsar russe a commencé.
Vingt ans après la chute de l’URSS, on ne sait toujours pas si les Russes “ont appris à faire un bon usage de la liberté”, comme le disait le dernier dirigeant soviétique Michaïl Gorbatchev : l’espoir que la Russie devienne du jour au lendemain une démocratie multipartite était peut-être un peu trop optimiste […]. Il semble que l’envie de réforme qui s’était manifestée avec force dans sa capitale n’est pas partagée par le reste de cet immense pays. […] Mais les choses étant ce qu’elles sont, il est dans l’intérêt de l’Europe de maintenir une relation stable de coexistence pacifique et de coopération économique et politique, quelles qu’en soient les conditions.
A Moscou même, il n’a pas eu la majorité. Contrairement aux apparences, Vladimir Poutine n’est plus seul maître chez lui. Cette victoire, il a dû se battre comme jamais pour l’obtenir. La Russie a changé. Le mouvement de protestation sans précédent qui a secoué la capitale, et plusieurs grandes villes du pays, depuis les élections législatives entachées de fraude du 4 décembre, illustre le réveil d’une nouvelle catégorie de citoyens, avec laquelle le maître du Kremlin va devoir compter. Cette nouvelle classe moyenne urbaine et informée a, paradoxalement, émergé et prospéré sous Poutine. […] S’il veut […] moderniser la Russie, diversifier son économie et en faire un pays qui compte sur la scène mondiale […] il doit travailler avec cette classe moyenne rebelle [et] montrer que, si la Russie a changé, lui aussi est capable d’évoluer.
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