lundi 5 mars 2012
"Hollande et ses porteurs d'eau"
Le "Tous contre Sarko" assure pour le moment à Hollande le leadership dans la campagne. Au risque d'une dangereuse confusion politique s'il est élu.
Il ne faut pas s'étonner que François Hollande continue de faire la course en tête. D'abord, il ne manque pas de talent, il a de la répartie, un côté bonhomme et Français moyen, modeste et apaisant qui rassure. Ensuite, il est bien secondé, son équipe est active, elle le relaye solidement, elle est soudée par une méchante ambition de pouvoir, elle oublie le mépris goguenard qu'elle lui portait hier, tout en l'attendant demain au coin du bois s'il est élu. Enfin, sa tactique est habile. Elle repose sur des méthodes très simples. Une grande discrétion sur les sujets essentiels qui fâchent ou qui gênent, à commencer par la crise. Des propositions démagogiques du genre : on va surtaxer les plus riches, assorties d'un cynisme grossier : ça ne rapportera pas grand-chose, mais les pauvres seront contents. Des manoeuvres de provocation vicieuses : connaissant l'irritabilité de Sarkozy, on l'excite, il réagit, et on s'indigne. C'est gagné. Exemple : le coup de Bayonne. Des militants socialistes s'associent aux indépendantistes pour lui jeter des oeufs à la tête en criant : "T'es pas chez toi ici !" Il a le mauvais goût de trouver la chose assez peu républicaine. Manuel Valls juge sa protestation "nauséabonde". Manuel Valls, l'ex-humaniste. Même lui ! Leur arme favorite : la déloyauté sournoise. Mais admettons. Une campagne électorale n'est pas un concours de rosières au village, et Nicolas Sarkozy n'est pas non plus un enfant de Marie.
Le principal atout de François Hollande, qui lui assure pour l'instant le leadership, n'est pas dans ses talents ni dans ces stratagèmes tordus conformes à la tradition d'une démocratie fatiguée, il est dans le concours inespéré que lui apporte, contre nature, l'ensemble des autres candidats dans le combat acharné que tous mènent contre une cible unique, l'homme à abattre : Nicolas Sarkozy. À la limite, Hollande pourrait faire a minima, les autres se chargent du travail. De Dupont-Aignan, qui ne vaut pas cher, mais qui ne répugne pas, lui non plus, à l'insulte jusqu'à Marine Le Pen, c'est un festival, une curée sanglante. Cette dernière est la championne des porteurs d'eau, fidèle à la stratégie de son père, qui n'eut de cesse de brouiller le jeu républicain, tout en sachant qu'il n'aurait jamais de chance d'y participer. Détruire, disait-il. Détruire, dit-elle.
Et les autres ? Mélenchon, l'insulteur patenté, l'artiste du billard à deux bandes, qui démolit aujourd'hui Sarkozy pour mieux atteindre demain Hollande. Eva Joly, l'alliée d'un jour. Villepin, qui règle ses comptes. Et Bayrou, Bayrou le neutre, mélange de Ponce Pilate et du juge Salomon, enfermé dans sa posture morale plutôt que d'obéir à sa pente politique. Tous s'acharnent à faire le jeu du candidat qu'ils s'acharneront, s'il est élu, ou bien à mettre en difficulté ou bien à trahir ou bien à abattre.
Cette coalition aurait un sens si elle reposait sur une cohérence. Or, l'échec de Sarkozy déboucherait sur une dangereuse confusion. Paradoxalement, la majorité électorale des Français récuse le candidat dont elle est politiquement la plus proche. Si nous ne purgeons pas ce problème de personne que pose Sarkozy, nous risquons l'aventure. Est-ce un effort, voire un sacrifice, à ce point intolérable ?
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