« Ça », c'est aussi, tout simplement, la personnalité de Nicolas Sarkozy: son style décomplexé d'homme qui ose tout, sa conviction inébranlable qu'il est capable de renverser des montagnes à lui tout seul, cette énergie boulimique qui lui a permis de mener à bien de nombreuses réformes, mais qui a souvent bousculé et parfois heurté les Français. Cinq ans plus tard, alors que Sarkozy se lance dans la bataille pour un nouveau mandat, cette personnalité-là est son premier handicap... et sa grande force.
"Jamais tu ne réussiras", lui lance son père
Cette volonté sans faille est sans doute née d'une enfance que Sarkozy n'a pas aimée. Né le 28 janvier 1955 à Paris, il est le fils d'Andrée (qu'il surnomme affectueusement « Dadu ») et de Pal Sarközy de Nagy-Bocsa, un immigré hongrois, père volage et absent. « Avec le nom que tu portes et les résultats que tu obtiens, jamais tu ne réussiras en France », lance Pal à ce fils dont il juge les résultats scolaires médiocres. Moqué pour sa taille, le jeune Nicolas, bien qu'élevé dans la commune hyper-bourgeoise de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), « se considérait comme un pauvre au milieu des riches », résume Patrick Devedjian. Le « petit Français au sang mêlé », comme il se définira lui même en 2007, se réfugie auprès de son grand-père, et attend sa revanche.Le jeune militant RPR, avocat de formation, prendra une première revanche dès 1983 en enlevant, à seulement 28 ans et à la surprise générale, la mairie de Neuilly à Charles Pasqua après le décès d'Achille Peretti. Une victoire au culot, déjà. Dès lors, son ascension est aussi rapide qu'irrésistible. Elu député des Hauts-de-Seine en 1988, il reprend les rênes du RPR en 1999, en pleine campagne européenne, après la démission fracassante de Philippe Séguin. Il se jette dans la bataille, persuadé qu'il peut changer à lui tout seul le cours électoral. La défaite sera d'autant plus cinglante.
"Le petit salaud", s'exclame Bernadette
Si le jeune Sarkozy est entré en politique par admiration pour Jacques Chirac, qui fera de lui un de ses intimes, c'est Edouard Balladur qui le fait ministre en 1993: à seulement 38 ans, il hérite du Budget et devient porte-parole du gouvernement. Il rompt alors avec Chirac pour miser sur Balladur à la présidentielle de 1995. En campagne, tous les coups sont permis pour celui qui devient le porte-flingue du Premier ministre. Les Chirac en garderont une rancoeur tenace contre celui que Bernadette, à l'éoque en colère, baptisera « le petit salaud ». Balladur éliminé, Sarkozy entame une traversée du désert qui ne s'achèvera vraiment qu'en 2002.Après bien des hésitations, Jacques Chirac le nomme alors ministre de l'Intérieur. Sarkozy ne laisse pas passer sa chance: il se démultiplie et adopte un discours sécuritaire musclé. Les Français applaudissent. En quelques années, le « premier flic de France » s'impose comme le candidat naturel de la droite, envers et contre la Chiraquie. Candidat de rupture par rapport à un Chirac vieillissant (traité de « roi fainéant »), « Sarko » défend les valeurs d'une droite décomplexée. En 2004, l'Elysée ne parvient pas à l'empêcher de prendre les rênes de l'UMP. Dès lors, plus rien -pas même son adversaire socialiste à la présidentielle, Ségolène Royal- ne pourra stopper le candidat du « travailler plus pour gagner plus »: il est élu triomphalement le 6 mai 2007 (avec 53% des voix).
"Il a souffert comme j'ai rarement vu souffrir un homme"
Mais la victoire est amère: Sarkozy entre à l'Elysée quand son épouse Cécilia le quitte. Tout au long de cette campagne, « il a souffert comme j'ai rarement vu souffrir un homme » , confiera son amie Isabelle Balkany. C'est d'ailleurs Cécilia, qui refusait obstinément de sortir de chez elle, que le président-élu attendit désespérément au Fouquet's au soir de le victoire.Président jeune et moderne, Sarkozy introduit d'emblée une rupture radicale de style à l'Elysée. Il s'affiche en short grimpant quatre à quatre les marches du Château après son footing quotidien, s'accorde (sous couvert de rationaliser le budget élyséen) une confortable augmentation de salaire, n'hésite pas à rabrouer un râleur d'un « casse toi pov' con ». En l'espace de seulement quelques mois, il divorce de Cécilia, et tombe amoureux de Carla Bruni, ex-mannequin devenue chanteuse (qu'il épousera en février 2008). Le 19 octobre 2011, il devient aussi le premier président en exercice à avoir un enfant avec la naissance de Giulia.
Parallèlement, Sarkozy enchaîne les réformes à un rythme endiablé: paquet fiscal, service minimum, autonomie des universités, RSA, carte judiciaire... Un vrai tourbillon politique. « Hyperprésident » par tempérament, il ne laisse guère d'espace à ses ministres ni même à son Premier ministre François Fillon, relégué au rang de « collaborateur ». Le ministre centriste Maurice Leroy s'avoue bluffé par le « travail colossal » qu'il abat. « Quel que soit le sujet, il est toujours au moins aussi calé que le ministre en charge du sujet ».
Ses colères sont terribles
Mais Sarkozy n'est pas tendre avec son équipe: ses colères sont terribles, et il traite régulièrement ses ministres de « nuls ». Résultat: aucun membre de son entourage n'osera le mettre en garde lorsqu'il s'obstine à vouloir nommer son fils Jean à la tête de l'Epad (Etablissement public d'aménagement de la Défense), une promotion-éclair qui scandalise les Français. Il finira par reculer, mais les dégâts dans l'opinion sont considérables. Et durables.« C'est avec la crise qu'il a intériorisé la fonction, il est devenu plus grave », se souvient une ministre. Celui qui aime bousculer est à son tour surpris par l'effondrement financier et bancaire mondial provoqué par la faillite de Lehman Brothers fin 2008. Dans la tourmente, ses qualités d'énergie et d'initiative font merveille pour mettre sur pied un plan de sauvetage européen des banques. Mais la crise va le contraindre à renoncer à la plupart de ses objectifs de 2007.
Il modère sa consommation de chouquettes
Plus grave, Sarkozy se cultive aussi, sous l'influence de sa nouvelle épouse. Celui qui se moquait des lecteurs de la « Princesse de Clèves » en 2007 dîne désormais régulièrement avec des intellectuels, étale ses lectures ou ses goûts cinématographiques. Toujours adepte du jogging et du vélo, il surveille sa ligne en modérant sa consommation de chocolat et de chouquettes, ses deux péchés mignons. Il se couche tôt, « une vraie vie d'ascète, pas du tout 'bling bling'», sourit Alain Carignon, un de ses visiteurs réguliers. Il reçoit beaucoup, « écoute tout le monde, mais décide tout seul », comme le résume le président (UMP) de l'Assemblée Bernard Accoyer. A l'Elysée, Sarkozy a désormais appris à se taire, aussi.Pour autant, a-t-il un temps envisagé de ne pas se présenter pour un second mandat, de quitter la politique pour « faire du fric » comme il en caressait l'idée en 2008? Ministres et proches sont formels: pas une seule seconde. C'est mal le connaître. « La campagne de 2007, il l'a gagnée tout seul, se souvient Chantal Jouanno. Et cette fois encore, il est convaincu qu'il pourra tout renverser ».
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